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La France invente maintenant l’assurance contre les risques de l’inflation sans savoir qui en paiera les primes
©©Reuters

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Après l’assurance maladie, retraite ou chômage, la France développe une assurance contre l’inflation. Pourquoi pas ? Mais tout cela risque de mal finir, parce qu’à se garantir contre tous les risques, on se prive de créer des richesses et des moyens de se défendre contre les agressions et la concurrence

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La loi contre la hausse des prix que prépare le gouvernement va couter une fortune, mais pas seulement en endettement. Elle va installer un modèle économique où le risque n’existe plus puisqu’il est totalement mutualisé. Que vaut une économie sans risque ? Pas très cher. Tous les modèles qui ont érigé en dogme la fin du risque économique sont tombés, leurs gouvernements aussi.

L’ambition de la gouvernance française de répondre au risque de perte de pouvoir d’achat est légitime puisque la majorite des courants politiques ont été élus lors des dernières élections, avec la promesse de rendre les poussées inflationnistes indolores. De l’extrême gauche à l'extrême droite, on a promis de compenser les pertes de pouvoir d’achat. 

Dans son obsession du consensus d’autant plus forte qu’il n’a plus de majorite absolue, Emmanuel Macron a visiblement choisi d’ouvrir les vannes pour allouer des indemnités compensatoires à l’inflation. 

D’où le projet de reconduire le bouclier sur les carburants et l’électricité, d’où l’idée de distribuer un chèque alimentaire (100 euros plus 50 euros par enfant à charge), d’où la promesse de relever la valeur de l’indice des fonctionnaires et de revaloriser les retraites et même de bloquer les loyers. 

Le catalogue offert n’est sans doute pas clos, puisqu’il va falloir trouver un compromis pour obtenir une majorité capable de voter le projet de loi. Alors tout est possible. Ira-t-on jusqu’à relever le montant du Smic à 1500 euros ou de baisser la TVA sur les biens alimentaires, ou bien osera-t-on bloquer les prix ?

Qui osera s’opposer à une telle distribution de valeurs ? Personne. Compliqué de se mettre les électeurs à dos. Il faudrait être bougrement courageux, d’autant et c’est vrai, la poussée de l’inflation fait très mal à certaines catégories sociales.  

Après le combien ça coute contre le Covid, le gouvernement va donc inventer le combien ça coûte contre l’inflation. Et certains de nous expliquent la méthode anti Covid ayant marché, la même méthode adaptée à la lutte contre l’inflation devrait fonctionner.

On se trompe de bout en bout. Démonstration en 7 points : 

1e point : Le « quoi qu’il en coute » a servi à protéger des actifs de production qui auraient pu disparaitre après le confinement. Il n’y a pas eu de destructions d’actifs, pas même d’actifs humains puisque les emplois ont été protégés par le chômage partiel. Les fonds consacrés peuvent être considérés comme des investissements. La meilleure preuve est que l’activité a rebondi très vite et fort dès que le Covid a reculé. 

2e point : Ce « quoi qu’il en coute » a représenté plus de 200 milliards d’euros, qui ont été empruntés.  La dette publique approche désormais les 120% du PIB. Cette dette était supportable car elle a été acquise à taux zéro, garantis sur 15 ans en moyenne, 

Et en partie mutualisée au niveau européen.

3e point, le plan anti-inflation représente déjà 50 milliards d’eurossur 2022. C’est de la dépense de fonctionnement dont on ne sait pas exactement où elle va se retrouver. Ça n’est donc pas une dépense d’investissement créatrice de richesses. C’est un anti douleur social. Cet argent va être emprunté à un taux qui se situe déjà à plus de 2%. On n’est donc plus dans un univers à taux zéro. 

4e point, ces indemnités qui répondent évidemment à un besoin réel, puisqu’elles permettent de financer une consommation quotidienne, ne répondent pas à une nécessité de création de richesses. On ne voit donc pas comment cette dépense peut générer sa couverture si ce n’est en créant de nouvelles poussées inflationnistes. Un pays comme la France où les dépenses publiques avoisinent déjà 60% du budget global n’a nullement besoin d’une relance par la demande. Il aurait besoin d’un choc d’offre pour accroitre sa production et sa productivité, donc sa force, face à la concurrence. 

5e point, et c’est sans doute l’effet le plus inquiétant. Cette distribution d’argent est véritablement un anti-douleur d’un phénomène dont on ne fait pas la pédagogie.

Le mal inflationniste provient de trois sources :

La guerre en Ukraine et les sanctions qui perturbent le marché mondial du pétrole 

Les relocalisations industrielles parce que le made in France coute cher 

Les mutations écologiques qui, elles aussi, pèsent sur les prix. La voiture électrique coute 50% plus cher que la voiture à essence. Le bio alimentaire coute entre 30 et 50% plus cher que l’agro-alimentaire de base. 

Ces phénomènes sont induits par des positions politiques que les majorités d’Occident défendent. L’agression de l’Ukraine par la Russie est insupportable. La réorientation de la mondialisation est sans doute indispensable, tout comme la lutte contre le réchauffement climatique.

Le problème, c’est que le prix à payer de ces engagements n’a jamais fait l’objet de débats. Les conditions du choix n’ont pas été présentes et discutées. 

L’inflation n’est que le prix à payer de ces choix. 

Certains politiques vont, pour éviter ce dilemme, proposer un blocage des prix, ce qui serait à nouveau une grossière erreur. Le blocage des prix engendre les rationnements et la pénurie. C’est ce qui se passe sur le logement quand on bloque le prix des loyers. Un loyer bloqué, c’est un logement en moins sur le marché. 

6e point / toutes ces mesures s’apparentent à des assurances tout risque. Tout se passe comme si l’Etat moderne cherchait à assurer ses populations contre les risques. Tous les risques.

Certaines assurances peuvent être considérées comme des facteur de progrès social : l’assurance maladie, l’assurance retraite, etc... à condition que leur gestion fonctionne bien. Ce qui n’est pas toujours le cas. 

L’assurance contre l’inflation protège du risque dans un domaine où la prise de risque est génératrice de richesses. Les assurances chômage, combinées au télétravail, ont pu laisser penser qu’elles pouvaient dissuader les bénéficiaires de travailler. L’assurance contre l’inflation va finir de dissuader la prise de risque économique. 

7e point : l’obésité de l’État-providence et la facilité avec laquelle les responsables politiques distribuent l’argent emprunté aujourd’hui exonère tout le monde de réfléchir à deux problèmes qui nous menacent 

D’un côté, personne ne se préoccupe de savoir et de prévoir qui va payer. 

De l’autre, personne ne s’inquiète vraiment de l’efficacité de l’argent public. Notre administration de la santé, de l’éducation, de la sécurité n’arrête pas de réclamer toujours plus d’argent pour les personnels, et toujours plus d’effectifs, sans s’interroger une seule seconde où va l’argent public. Nous avons les administrations les plus couteuses de toute l’Europe avec une efficacité qui ne donne absolument pas satisfaction aux administrés. L’école ne marche pas, la santé est malade et le système de sécurité n’arrive pas à nous protéger. 

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