La « FLOP 26 » : chronique d’un énième échec annoncé<!-- --> | Atlantico.fr
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Une personne ajuste les drapeaux avant l'arrivée des dirigeants pour le sommet de l'ONU, la COP26 à Glasgow, le 1er novembre 2021.
Une personne ajuste les drapeaux avant l'arrivée des dirigeants pour le sommet de l'ONU, la COP26 à Glasgow, le 1er novembre 2021.
©Adrian DENNIS / AFP / POOL

COP26

La COP26 se déroule du 1er au 12 novembre à Glasgow, en Ecosse. Alors que les enjeux sont majeurs pour la lutte contre le dérèglement climatique, de nombreux obstacles subsistent et mettent en péril la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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La COP numéro 26 a été magistralement inaugurée avec l’absence de deux géants : la Russie et la Chine. Une figure imposée comme fut celle des 150 chefs d’Etat réunis au Bourget en 2015 lors de la cérémonie d’ouverture de la COP21. Tous apparemment solidaires autour d’une seule et même cause pour se serrer les coudes et sauver une planète en danger. En apparence, les résultats furent concluants et conduisirent à l’autosatisfaction de tous : un « accord cadre » voté à l’unanimité. Croyaient-ils pour autant en un accord universel bousculant les cultures, les codes, les intérêts financiers et les petits calculs électoraux ? On pouvait évidemment en douter quand on regarde l’hétérogénéité des situations culturelles résultant de l’histoire, de la géographie et des moyens.

Juridiquement non contraignant[1] et se caractérisant par une absence alarmante de chiffres, les Accords de Paris font un peu penser à un emprunt entre une banque et un particulier où les deux parties s’accorderaient sur la somme à rembourser (« maintenir à l’horizon 2100 la température moyenne mondiale bien au-dessous de 2°C et poursuivre l’effort pour la limiter à 1,5 °C ») mais, sans préciser ni les annuités ni l’échéancier de remboursement. Cet « agenda inversé » décrédibilisait d’autant plus les Accords de Paris que l’objectif de 1,5°C s’avérait déjà en 2015 pratiquement impossible à atteindre. La période 2015 à 2020 (accroissement des émissions de 1,4 milliards de tonnes de CO2 soit de +4%[2]) a confirmé l’irréalisme des accords. Et pourtant à Rome lors de la réunion du G20, les chefs d’état ont remis le couvert et se sont décrédibilisés un peu plus en reconfirmant l’objectif inatteignable de 1,5°C. Après tout quel risque prennent-ils dans la mesure où en 2100 ils observeront tous hilares les résultats réels depuis…l’au-delà. 

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Les absences du président chinois (30 % des émissions de CO2) et de Vladimir Poutine (4,6 % des émissions), le défaut dans l’agenda formel de débats sur la question du charbon ainsi que la présence récurrente d’ONG climato-gauchistes[3] (dont Greenpeace et Extinction Rebellion) désirant accéder à la neutralité carbone sans gaz, ni biomasse, ni nucléaire, ni CCS[4] ne laissent guère la place qu’à un 26ème FLOP annoncé.

Si l’on veut vraiment résoudre la problématique climatique peut-être faudrait-il une fois pour toutes changer de méthodologie, oublier ces grandes messes mondiales stériles débouchant sur de simples catalogues de bonnes intentions et comprendre qu’une transition énergétique mondiale solidaire n’est qu’un rêve « rousseauiste » sans issue.

Ainsi, selon l’économiste britannique Nick Stern, le « fonds vert pour le climat »[5] de cent milliards de dollars par an auquel se sont engagés les pays riches en faveur des pays pauvres représenterait une goutte d’eau par rapport aux besoins.  Le respect des Accords de Paris vers une société bas carbone nécessiterait sur la période 2015 à 2030 un investissement global de 93 000 milliards de dollars[6] soit en moyenne 6000 milliards de dollars par an dont 2000 milliards de dollars de transfert entre les pays riches et les pays pauvres ceci afin de mettre ces derniers à niveau. 2000 milliards de dollars c’est 3,7 % du PIB de l’OCDE[7]. Sa croissance économique étant aujourd’hui inférieure à 2%, ce transfert conduirait mécaniquement à une récession structurelle des pays riches et, à terme, davantage de pauvreté pour l’ensemble des citoyens de la planète. Mission impossible !

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Si la coopération climatique ne peut être mondiale, en revanche sa régionalisation est à la fois crédible et souhaitable. Dans la mesure où le mix du futur consacrera l’électricité comme principal vecteur énergétique avec à moyen terme un important support du gaz, la transition énergétique ne pourra se faire sans coopération appuyée entre voisins imbriqués dans des réseaux électriques et gaziers communs. Organiser des COPs régionales aurait donc beaucoup plus de sens. Et sur ce point l’Europe représente un laboratoire d’exception.

Espérons donc que ce FLOP annoncé arrête une fois pour toutes cette stupide tradition annuelle qui n’a que trop duré et fortement pénalisé une transition qui ne peut plus attendre.

Philippe Charlez

Expert en questions énergétiques à l’Institut Sapiens


[1] L’ONU qui porte le projet n’a aucun pouvoir de sanction vis-à-vis des États

[2] Source des données BP Statistical Review 2020

[4] Capture et réinjection du carbone dans le sous-sol

[7] Le PIB des pays OCDE était égal à 53 T$ en 2019. Source des données : Banque Mondiale.

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