La demande d’électricité bondit aux États-Unis et voilà les leçons que nous devrions en tirer<!-- --> | Atlantico.fr
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Vue aérienne de lignes électriques attachées à un pylône de transmission le long du réseau électrique, le 28 septembre 2023 dans les Everglades, en Floride.
Vue aérienne de lignes électriques attachées à un pylône de transmission le long du réseau électrique, le 28 septembre 2023 dans les Everglades, en Floride.
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Des prix très bon marché

Cette demande est notamment tirée par la consommation des data centers et pousse les États-Unis à se tourner à nouveau vers le charbon.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Aux Etats-Unis, la demande et la consommation d’électricité connaît une très forte hausse. Comment expliquer une telle situation ?

Damien Ernst : Le tissu industriel américain se porte très bien, du fait notamment de l’Inflation Reduction Act mis en place par Joe Biden. De plus, il faut aussi souligner que les prix de l’énergie, et tout spécifiquement ceux du gaz, sont très bon marché. Dès lors, il n’apparaît pas étonnant de voir que les Etats-Unis se réindustrialisent à vitesse grand V. C’est de là qu’émane la forte hausse de la demande – et de la consommation ! – d’électricité, en Outre-Atlantique.

Enfin, il faut également mentionner l’autre charge qui émerge doucement aux Etats-Unis : celle des fameux Data Center. Ceux-ci, rappelons-le, connaissent une forte croissance en raison du développement des IA génératives comme ChatGPT ou Gemini. Cela engendre aussi une très forte augmentation de la consommation électrique.

Ce sont donc les géants de l'informatique, Facebook, Google ou Microsoft par exemple, qui provoquent en grande partie la hausse de la consommation électrique aux Etats-Unis.

La hausse de la consommation est-elle que les Etats-Unis se tournent de nouveau vers le charbon, quoiqu’ils n’en aient plus beaucoup et lui préfèrent le gaz, pour assurer une production suffisante.  

Cette évolution préfigure-t-elle selon-vous de ce qui pourrait aussi arriver en Europe ?

Pas vraiment, non. Notons d’abord que la question de la réindustrialisation de l’Europe apparaît encore très éloignée. La situation économique, sur le Vieux Continent, est beaucoup plus précaire, notamment du côté énergétique. Les grands industriels les plus énergivores n’ont pas envie, aujourd’hui, d’investir en Europe. De plus, l’électricité demeure très onéreuse sur notre sol. Nous ne pouvons pas compter sur une baisse des prix pour renforcer notre croissance économique. Enfin, s’il est probable que certains Data Center soit, in fine, installés chez nous, ils resteront tout de même beaucoup moins nombreux. Dès lors, il apparaît difficile de penser que l’Europe puisse connaître le même regain énergétique.

Le seul facteur commun, me semble-t-il, c’est celui de la croissance du nombre de véhicules électriques en Europe comme aux Etats-Unis. Le taux de pénétration des véhicules électriques est très élevé chez nous, ce qui peut engendrer une petite croissance de la consommation. On peut aussi mentionner l'augmentation du nombre de pompes à chaleur qui sont aussi très gourmandes en életricité.  

Quelles leçons, dès lors, tirer de ce phénomène ? La différence entre les deux contextes que nous évoquons rend difficile de dresser d’autres parallèles entre nos deux continents.

L’Europe serait-elle seulement prête à une telle hausse de la consommation électrique ? Quel est le risque que l’Europe soit distanciée sur les industries de demain, en matière de numérique notamment ?

Absolument pas, non. Nos réseaux énergétiques sont confrontés à d’importants problèmes, qui ne concernent d’ailleurs pas que la production : ils touchent aussi les réseaux électriques et en particulier les réseaux de distribution. Une telle hausse de la demande engendrerait dès lors d’importants problèmes de congestion sur les réseaux de distribution. La seule façon de passer outre un tel obstacle consiste à développer des stratégies de gestions intelligentes, comme des réseaux de distribution de type “smart grids”, ou en procédant à des investissements massifs pour renouveler nos lignes et nos câbles. 

Comme vous le soulignez très bien, le risque pour l’Europe est celui de la distanciation au regard des avancées technologiques des prochaines années. Le fait est, cependant, que nous sommes déjà dépassés ! J’en veux pour preuve le faible taux prévu d’installation de Data Centers sur le sol européen. Les industriels énergivores investissent où il y a à la fois sécurité de l’approvisionnement au niveau électrique et forte demande. Or, il n’y a pas beaucoup d’investissements qui se font en Europe, notamment parce que nous ne savons pas assurer une électricité bon marché et abondante. Le manque d’opportunité se fait sentir du fait de la mauvaise gestion de notre système énergétique européen.

Qu’est-ce que cette forte hausse de la consommation laisse envisager au regard des enjeux climatiques ?

Assurer la sécurité climatique de la planète, c’est mécaniquement diminuer la consommations de combustibles fossiles. Or, l’année 2024, au niveau international, devrait battre des records de consommation du gaz, du pétrole et même du charbon. Tous des combustibles fossiles, donc. En faisant preuve d’un certain cynisme, on remarque donc qu’à l’échelle planétaire, et ce malgré l’émergence d'énergies renouvelables, nous n’arrivons pas à diminuer la consommation d’énergies fossiles.

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