La décroissance, inutile pour la planète, toxique pour les pauvres : les résultats choc d’une étude publiée dans Scientific Reports<!-- --> | Atlantico.fr
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Une pancarte "Prévoyons la décroissance, pas la décrépitude" lors d'une manifestation organisée contre la réforme des retraites à Strasbourg, dans l'est de la France, le 7 février 2023.
Une pancarte "Prévoyons la décroissance, pas la décrépitude" lors d'une manifestation organisée contre la réforme des retraites à Strasbourg, dans l'est de la France, le 7 février 2023.
©Frederick FLORIN / AFP

Contre la pseudo-écologie

Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Scientific Reports, la décroissance serait inutile pour la planète en plus d’être toxique pour les pauvres.

Alexandre Baumann

Alexandre Baumann

Alexandre Baumann est auteur de sciences sociales et sur de nombreux autres sujets (Antéconcept, Agribashing, Danger des agrégats, Cancer militant).

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Atlantico : Selon l’étude « Modeling transformational policy pathways on low growth and negative growth scenarios to assess impacts on socioeconomic development and carbon emissions » publiée dans la revue Scientific Reports, la décroissance serait inutile pour la planète en plus d’être toxique pour les pauvres. Comment cette étude est arrivée à de telles conclusions ?

Alexandre Baumann : L'étude utilise un modèle, nommé "International Futures" (IFs), incluant beaucoup de variables ( l'agriculture, le climat, le conflit, la démographie, l'économie, l'éducation, l'énergie, la gouvernance, la santé, l'infrastructure, les relations internationales et la pauvreté) et propose plusieurs scénarios. Je ne saurais pas commenter leur méthodologie exacte. La conclusion n'est du reste pas étonnante : les indicateurs de progrès sont souvent très corrélés au PIB et plus une économie est mature, plus elle tend à diminuer son intensité carbone. L'économie, à production égale, polluait beaucoup plus il y a 20 ans.

Concrètement, quelles seraient les conséquences économiques, au niveau mondial, en cas de décroissance ? Dans quelle mesure l’extrême pauvreté augmenterait-elle ? 

Avant de répondre à cette question, il faut se demander, qu'est-ce que la décroissance ? Posons la question à Google. En anglais, on obtient le site degrowth.info, selon lequel "la décroissance est une idée qui critique le système capitaliste mondial qui recherche la croissance à tout prix, provoquant l'exploitation humaine et la destruction de l'environnement". C'est éloquent ... 

Maintenant regardons la grande synthèse publiée par Timothée Parrique et compagnie en 2022. Elle est moins explicite, parlant de "réduction planifiée et démocratique de la production et de la consommation comme solution aux crises socio-écologiques". Ce qui revient au même, mais avec une couche de novlangue donnant des apparences plus acceptables. L'article précise plus loin, parlant d'un "concept à plusieurs couches" combinant les critiques du capitalisme, du colonialisme, du patriarcat, du productivisme et de l'utilitarisme.

Bon, vous aurez compris, c'est juste une énième devanture de la tradition antilibérale, dans sa tendance anticapitaliste, si courante depuis l'avènement de la révolution industrielle et qui a toujours été très efficace pour prendre le pouvoir (et le perdre après avoir causé des drames terrifiants).

La "décroissance" est juste un prétexte à la prise de pouvoir du politique sur l'économie. On sait aujourd'hui que ces systèmes écrasent les populations et les unissent dans la misère (sur ce thème, je vous encourage à suivre @Cobra_FX_ et ses threads).

Pour l'illustrer, prenons un exemple de décroissance présenté par "Transitioning to a Post-Carbon Society", édité par la fameuse maison  Palgrave MacMillan: le petit (54 foyers) écovillage de  Cloughjordan en Irlande. Il va présenter plusieurs de ses innovations écologiques et, à chaque fois, c'est d'un ridicule achevé. Par exemple, est monté aux nues un système de chauffage de l'eau commun à partir des résidus de bois d'une scierie proche et de panneaux solaires ... (innovation de l'année: le poêle à bois) Néanmoins, le pire est quand il présente comme exemple la ferme locale: deux terrains, de 5 et 11ha exploités ... en biodynamie.

On sent venir la blague. Elle arrive ..  L'exploitation repose sur le travail de WOOFERS, de bénévoles et de ses clients. (p.196) Le reste est dans la même veine, la désinformation pseudo-écologiste est sensible (ex: la pérennité du modèle reposerait notamment sur la "conservation active des semences", ce qui semble faire référence à la désinformation sur les semences, que j'évoque aussi ici). Ainsi, le modèle agricole présenté par ces auteurs-prophètes est juste une agriculture vivrière ésotérique. Exploitez toutes les fermes du monde ainsi, vous divisez la population par 10 au moins. Remarquez, ils se vanteront sans doute encore: "on a diminué de 90% les émissions de GES !"

Pour en revenir à la modélisation, la réponse est évidente: si on se met à moins produire, les pauvres pourront moins consommer. Les crises du blé en sont une illustration frappante de cette mécanique. C'est un risque vital pour certains pays comme l'Egypte. Le progrès économique, l'innovation et la diffusion du libéralisme ont radicalement diminué la misère dans le monde ces 40 dernières années. L'anticapitalisme n'a pas réussi à prévenir ce progrès, mais il peut toujours inverser la tendance ...
distribution-of-population-between-different-poverty-thresholds-historical.png

Même avec des politiques mondiales qui augmentent les transferts d'argent aux pauvres et aux retraités, qui réduisent considérablement les inégalités de revenus et qui éliminent les dépenses militaires, le scénario de croissance négative mondiale conduit à une augmentation de 15 points de pourcentage des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Comment l’expliquer ? 

Il faudrait questionner leurs suppositions. L'élimination des dépenses militaires, cette blague ...(il s'agit de 15% de pauvreté extrême. On a déjà évoqué le sujet plus haut, parlons de GES).

Quoi qu'il en soit, la décroissance est contradictoire avec l'innovation. Toutes les expériences d'autogestion et autres délires anticapitalistes l'ont démontré: on ne fait rien sans rien.

Or l'innovation est un moteur extraordinaire de la décarbonation. Cela vaut pour l'invention de nouvelles solutions, comme l'électrolyse du minerai de fer,  mais aussi pour l'amélioration des procédés existants. L'un des grands principes du management est de réussir à faire plus avec moins.

S'agissant des gaz à effets de serre, on voit dans ce modèle à quel point l'effacement des pays riches est insignifiant: les chercheurs modélisent -10% (de GES globales ?) à l'horizon 2100: c'est ridicule. La seule décarbonation de l'acier et de l'ammoniac réduirait les GES d'autant. Surtout, il faut bien comprendre que ce que l'Occident ne fera pas, l'Orient, l'Afrique ou l'Amérique du Sud le fera.

Inventer les solutions bas carbone et les utiliser est la principale piste pour lutter contre les émissions de GES.

Comment expliquer l’explosion des discours sur les vertus supposées de la décroissance ? Est-ce dû à un simple aveuglement idéologique ?

Dans la pseudo-écologie, cela appartient au registre de la "pseudo-alternative", aux côtés des délires sur les énergies renouvelables, sur l'agriculture paysanne, etc. Faisant partie de cet écosystème, elle est portée par son dynamisme.

L'une des raisons de son succès est qu'elle prend les dehors de la respectabilité, à une période où l'imposture pseudo-écologiste devient de plus en plus évidente (recul des sentiments antinucléaires notamment). La décroissance (comme outil de communication) repose en effet sur la production de nombreux économistes qui ont accepté (consciemment ou non) de marchander leur intégrité contre les rétributions que leur apporte cette contribution. Ce n'est pas une pratique nouvelle: à son époque, l'URSS a toujours trouvé beaucoup d'intellectuels "de gauche" avides pour porter sa propagande.

Par suite, c'est un registre qui plaît beaucoup aux relais (ex: journalistes, politiciens, chercheurs), parce qu'il est positif et qu'elle réussit à se faire passer pour une théorie scientifique (alors qu'il s'agit d'une idée politique). N'ayant pas été réfutée (logique, ce n'est pas réfutable, vu que c'est une idée politique) elle a une prime à la nouveauté. Il n'y a pas beaucoup de monde qui a fait l'effort de montrer que c'était simplement du bullshit.

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