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Face à l'impact de l'utilisation des nouvelles technologies, certains sont favorables à la création d’un péage numérique.
Face à l'impact de l'utilisation des nouvelles technologies, certains sont favorables à la création d’un péage numérique.
©AFP

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En France, le numérique est responsable de 2% des émissions de gaz à effet de serre et pourrait représenter jusqu'à 7% dans quelques années. Certains plaident pour la création d’un péage numérique, permettant de réduire le trafic et de limiter les émissions de carbone.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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La décarbonation est à l’ordre du jour. Le 14 février, le Parlement européen a voté l’interdiction de vente des véhicules à moteur thermique à compter de 2035 dans l’Union européenne. Agriculture, industrie, services : on peinerait à trouver un secteur qui ne cherche à réduire son empreinte carbone. Le secteur des télécommunications n’est pas en reste. Certains plaident ainsi en faveur de la création d’un péage numérique, avec une idée simple : un péage permettrait de réduire le trafic…et donc les émissions de carbone. 

Une telle idée, étonnante de prime abord, n’est ni nouvelle, ni forcément idiote. Elle n’est pas nouvelle car l’idée du péage numérique est un de ces serpents de mer qui ressurgit de loin en loin. Elle n’est pas par nature idiote, si l’on estime que le numérique aussi doit s’efforcer d’être peu émetteur de gaz carbonique. Rappelons-nous ici le débat qui s’est développé portant sur le bilan carbone du minage des cryptos monnaies. 

Si l’on regarde de manière posée cette idée de péage numérique, on s’aperçoit qu’elle soulève tout de même une série d’objections assez fortes. 

Première objection : un péage certes, mais pour quel impact ? Une telle mesure n’aurait de sens que si elle permettait de réaliser des gains substantiels en matière de réduction des émissions carbone. Or, un tel impact est douteux. L’Agence internationale de l’énergie, dans une étude menée à la fin de l’année 2020, avait ainsi souligné, dans un contexte de Covid marqué par l’augmentation des services de streaming, que l’impact carbone généré était somme toute très modeste. D’autres analyses – y compris parfois réalisées par les opérateurs télécoms - pointent vers une conclusion simple : l’impact du numérique sur l’environnement est faiblement corrélé au volume de données traité. 

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Deuxièmeobjection : vers qui diriger le message vertueux de baisse de l’échange de données ? Il ne peut s’agit ici que du consommateur final. C’est bien le consommateur final du service qui devrait adapter sa consommation de services en ligne, en fonction du coût final qu’il devra supporter. Une telle éventualité soulève quelques questions, alors même qu’à côté de la transition énergétique, l’un des objectifs publics du moment est de limiter l’impact négatif de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages. Quant à faire reposer un tel péage non pas sur les consommateurs finaux mais plutôt sur les consommateurs intermédiaires que sont les fournisseurs de contenus, ceci poserait aussi quelques difficultés : ces derniers – et d’autant plus s’ils sont en position dominante –risqueraient de répercuter ce coût sur les consommateurs finaux. Les opérateurs téléphoniques pourraient aussi s’en trouver affectés si, à des fins de réduction globale du trafic, ils se trouvaient limités dans leur capacité de promouvoir leurs services en arguant de l’accès à tel ou tel fournisseur d’accès. 

Enfin, la mise en place d’un péage numérique, au-delà de questions financières et environnementales qui ont leur importance, pose quelques questions de principe. Instaurer des péages, c’est bien, de fait, créer une sorte de prélèvement obligatoire, au moment où ces derniers n’ont jamais été aussi hauts dans beaucoup de pays, dont la France. Plus fondamentalement, instaurer des péages, à l’instar de ce qui se fait à l’entrée d’une ville ou d’une route, c’est, qu’on le veuille ou non, compartimenter le net, dont l’essence, sans même parler de la question de la neutralité à laquelle l’Europe reste dit-elle attachée, est d’être ouvert. C’est aussi, admettre une solution de décroissance, en lieu et place de solutions technologiquement plus efficace.

En définitive, l’instauration d’un péage numérique pour réduire les émissions de carbone pose plus de questions qu’elle n’en résout. Si l’on veut faire cependant droit à cette idée, il n’est pas inutile de se demander si elle a été mise en place, et avec quels résultats. En l’espèce, la tentative menée par la Corée du Sud, dont le principal opérateur a instauré un péage sur ses réseaux, est instructive : beaucoup d’opérateurs ont préféré quitter le pays, dont les performances en matière de numérique, malgré un haut niveau de développement de la fibre, se sont dégradées.

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