La crise du scooter : pourquoi les deux-roues n'attirent plus autant<!-- --> | Atlantico.fr
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Les ventes de scooter 50cm3 ont baissé de 16% au premier semestre 2013.
Les ventes de scooter 50cm3 ont baissé de 16% au premier semestre 2013.
©Reuters

En panne

Le marché enregistre une baisse de 18,7% depuis janvier 2013. Depuis le début des années 2000, il était plus habitué à une croissance à deux chiffres.

Thomas  Groussin

Thomas Groussin

Thomas Groussin est rédacteur en chef de City-Z, le magazine du deux-roues urbain. Il est également journaliste sur les sites scooter-infos, moto-infos.com et dans le magazine Clever.

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Atlantico : Les ventes de scooters ont chuté de 18,7% depuis janvier 2013 au niveau national. Quels sont les principaux facteurs qui peuvent expliquer cette baisse ?

Thomas Groussin : Les chiffres globaux du premier semestre 2013 sont même un peu plus inquiétants que ceux que vous avancez puisqu'en intégrant le segment des scooters à trois roues (catégorie L5e : grosse cylindrée accessible avec permis auto), nous constatons une baisse de 22,3% en plus de 50 cm3 (29 000 ventes), et de 16% en scooter 50 cm3 (42 000 ventes).

Outre le contexte économique actuel peu favorable aux achats d’impulsion sur le marché du neuf, plusieurs raisons peuvent expliquer cette chute qui affecte surtout le segment des scooters 125 cm3 accessibles avec le permis auto (B). Ce segment a connu une croissance extraordinaire dès le début des années 2000, suite à une loi de 1996 instaurant l’équivalence des permis B et A1. Le pic de cette croissance a été atteint en 2008 (90 000 scooters 125 vendus, soit deux fois plus qu’en 2012).

Dès 2009, l’accès des automobilistes aux scooters 125 a été rendu plus difficile par l’instauration d’une formation obligatoire de 3 heures, puis de 7 heures en 2011 pour les « primo accédants ». Beaucoup pensent encore qu’il s’agit d’un examen, or il suffit juste de suivre la formation pour être autorisé à rouler. Mais cela a dissuadé beaucoup d’achats d’impulsion.

Par ailleurs, il est évident que le marché du scooter 125 est désormais entré dans une phase de renouvellement, moins porteuse que la phase d’équipement du début des années 2000. Il était illusoire de penser que toute la France passerait à ce mode de transport. Celles et ceux qui le souhaitaient ont eu tout le temps de passer le cap. Les « primo accédants » se font donc plus rares.

Enfin, il faut encore noter que peu de nouveautés ont été lancées sur le segment 125 cm3, tant en 2012 qu’en 2013. Quant aux adolescents, beaucoup auraient maintenant d’autres préoccupations que celle de se faire offrir un scooter 50 cm3 (smartphones, jeux vidéo, etc.).

Les usagers se tournent-ils vers d'autres moyens de locomotion ?

Une fois qu’on pratique le deux-roues en ville, il est bien difficile de revenir en arrière, que ce soit en voiture ou en transports en commun. Il est évident que beaucoup d’utilisateurs de scooters 125 passent leur permis A (moto) ce qui leur permet aussi d’accéder à la catégorie des « maxi-scooters » (plus de 125 cm3), laquelle connaît une forte croissance (+ 37 % en 2012, soit 15 500 ventes), à la faveur d’un fort renouvellement des gammes sur ce segment.

La catégorie des trois-roues L5e (grosse cylindrée accessible avec permis auto) a explosé depuis 2009, date à laquelle l’Italien Piaggio a le premier exploité la possibilité de proposer aux automobilistes d’accéder à des trois-roues de grosse cylindrée sans permis moto. Le succès ne s’est pas fait attendre (15 000 ventes par an), et il se poursuit aujourd’hui (segment stable en 2012, - 20 % sur le 1er semestre 2013). Il devrait perdurer avec l’arrivée de nouvelles marques (Peugeot, Yamaha).

Signalons enfin que si le marché du neuf n’est pas florissant en 125 cm3, celui de l’occasion reste stable ou presque (- 3 %). Les Français restent fidèles au deux-roues, mais ils font davantage durer leurs montures, devenues très fiables.

Hormis des explications économiques, les automobilistes s'éloignent-ils du deux-roues pour des raisons de sécurité ? Observe-t-on une prise de conscience du danger des scooters ?

Les automobilistes utilisateurs de scooters 125 ne sont pas surreprésentés dans l’accidentologie deux-roues, bien au contraire. C’est ce que révèlent les études détaillées publiées par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR). D’autre part, les informations dont nous disposons de la part des assureurs tendent à démontrer que les tricycles Piaggio MP3 de grosse cylindrée sont relativement peu en cause dans les accidents corporels, car conduits essentiellement par des personnes d’âge mûr qui se comportent en bons pères (ou mères) de famille.

Il n’en reste pas moins que la sécurité doit préoccuper tous les utilisateurs de deux-roues qui trop souvent, surtout en été, négligent leur protection (port d’une veste renforcée, d’une paire de gants, d’un casque intégral), alors qu’un tel équipement minimise considérablement les risques de blessures en cas de chute. Rappelons encore que de plus en plus de scooters sont disponibles avec freinage ABS, cet équipement devenant incontournable pour qu’un modèle rencontre le succès. 40% des accidents sont consécutifs à un freinage mal géré (source : étude MAIDS).

Cette baisse va-t-elle continuer ou n'est-elle que conjoncturelle ? Comment le scooter peut-il séduire à nouveau ?

Il est sans doute un peu illusoire d’espérer retrouver rapidement les volumes de ventes de 2008. La phase de renouvellement du parc des 125 cm3 existant va durer, les utilisateurs sont devenus matures et se recentrent désormais sur les valeurs sûres (les marques et produits bas de gamme ont presque totalement disparu du paysage), quitte à se tourner vers le marché de l’occasion… Ce qui n’empêche pas certains nouveaux modèles 125 cm3 de connaître un succès fulgurant.

La catégorie des maxi-scooters n’a sans doute pas fini de croître, ces engins associant le plaisir de conduite de la moto à la facilité d’utilisation du scooter, avec des innovations techniques très intéressantes (boîte de vitesses robotisée…). La multiplication des modèles de scooters à trois roues, tant chez Piaggio que chez ses concurrents, amène de nouveaux utilisateurs à s’y intéresser. Plus anecdotique, la mode du scooter « vintage » (restauration de vieux Vespa…) bat son plein, sans influence sur le marché du neuf évidemment.

Il se vend encore 180 000 scooters par an en France (chiffres 2012), ce qui en fait avec l’Italie l’un des deux plus gros marchés européens. Rappelons pour conclure que la mauvaise conjoncture du premier semestre 2013 est largement liée à la météo déplorable du printemps dernier, faisant dire à certains que la saison des ventes n’a pas (encore ?) démarré cette année. Mais elle ne remet absolument pas en cause la place et l’utilité du scooter dans notre pays.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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