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La Covid a changé le rapport des Français à l’économie, sanctuarisé l’entreprise et dénoncé les carences de l’Etat
©©ALAIN JOCARD / AFP

Atlantico Business

La majorité des Français ont sans doute acquis la conviction que la pandémie a désacralisé un Etat devenu impuissant, pour sanctuariser au contraire les entreprises privées qui nous sauvent de la catastrophe.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Devant la faillite de l’Etat et des administrations, et contrairement à ce que pensent les responsables politiques, les Français ne réclament pas une restauration et un renforcement des services de l’Etat, les Français ont compris qu‘il existait des solutions alternatives que les entreprises pouvaient parfaitement imaginer et mettre en œuvre.

Le vrai bouleversement est à venir dans le retour en force de l’efficacité et de la performance du privé sur le public. 

Les candidats à la présidentielle ont bien évidemment compris tous les changements que la pandémie a imposé dans la vie quotidienne des Français, des entreprises et des administrations : le télétravail, la gestion des mesures barrières, les prescriptions sanitaires, les nouvelles responsabilités, le recul de certains droits et la montée en force de certaines obligations et devoirs, mais aussi le développement exponentiel du e-commerce, des activités de logistique, les bouleversements dans l’école et les méthodes d’enseignement, jusque dans la pratique du sport et des activités culturelles. On ne mesure sans doute pas encore l’ampleur du changement qui s’étalera tout au long du 21e siècle, mais on sait qu’ils sont désormais incontournables. 

Ce que les responsables politiques qui participent à la campagne présidentielle n’ont pas saisi, c’est la conséquence de ces changements dans le rôle respectif des différentes institutions qui gèrent la vie sociale, économique et civique. 

La hiérarchie des valeurs respectives entre les entreprises et l’Etat, entre les différents lieux de pouvoir ou de contrepouvoir, tout a déjà et tout va encore changer. 

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Le plus spectaculaire, c’est que la pandémie a réussi, en moins de deux ans, à sanctuariser une entreprise privée et à désacraliser l’Etat comme recours ultime. 

La France est quand même le pays occidental qui, au cours des siècles, s’est le plus construit sur un Etat fort, centralisé et puissant. La notion d’Etat-nation et d’identité nationale est au cœur de l‘ADN française. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les opinions publiques se retournent en permanence vers cet État dès que quelque chose ne va pas dans le fonctionnement de la société. Ce n’est pas par hasard, non plus, si Éric Zemmour est entré sur le marché politique aussi vite et aussi fort avec un discours très identitaire et l’ambition de restaurer la grandeur de cet Etat en danger. Et c’est encore moins par hasard que la plupart des candidats ont repris cette partition identitaire et sécuritaire et dénoncent tous, les uns après les autres, les faillites de l’Education nationale, de la santé publique, des transports publics etc... Ils dénoncent et promettent de tout redresser, de tout réparer, de tout réformer. Mais l’Etat est « sens dessus dessous » pour reprendre le livre de Sophie de Menton qui décrit cette chronique d’un « bordel » annoncé. A lire de toute urgence pour comprendre ce qui ne va dans la campagne présidentielle qui s’ouvre. Parce qu’on va parler de tout et de n’importe quoi, sauf des entreprises qui pourtant font le boulot. 

Les hommes politiques ignorent (ou alors ils feignent d’ignorer) que les Français ont trouvé des solutions alternatives dans le secteur privé. Parce que si le pays ne s’est pas effondré dans les premières semaines des premiers confinements, c’est parce que le pays a trouvé une force de résilience au fond de lui-même qui lui a permis de s’adapter et de survivre. Ce qui a été imposé aux Français comme contraintes n’était pas facile à faire accepter, sauf à leur permettre de s’organiser eux-mêmes. Ce qui a été le cas. Le télétravail a été improvisé au départ puis organisé et géré. Les entreprises, toutes, ont opéré de véritables mutations, beaucoup ont même profité des confinements pour investir dans l’avenir et innover. Alors bien sûr, le système a été aidé, mais pas plus que cela. Le système a bénéficié de facilités de trésorerie que le secteur privé n’a utilisé qu’à moitié (les PGE ont été gardés au cas où).

Les vrais problèmes ont touché le secteur public de la santé et de l’éducation, qui n’avaient rien prévu bien sûr, mais surtout qui n’avait pas la culture et les qualités nécessaires pour réagir vite et bien. Il a fallu que ce soit le privé qui les sauve de la catastrophe. Sur les masques, les tests, les vaccins, la logistique de campagne, les applications digitales, il y a toujours eu une initiative et la volonté forcenée d’un entrepreneur. 

Dans les transports publics, ce qui est extraordinaire, c’est que les consommateurs, clients ou usagers, ont fait taire les syndicats qui ont abandonné leur projet de grèves ou d’arrêts de travail. Tout arrive. Y compris dans le secteur de l’énergie, très contrôlé par l’Etat et très attaché au politiquement correct de l’antinucléaire, on a enfin compris que si on voulait garantir notre approvisionnement en électricité à un prix compétitif, avec une énergie propre, il fallait renforcer notre capacité de production. La pandémie a accéléré la pédagogie du réel. 

Mais le changement culturel le plus important pour l’avenir, c’est l’arrivée massive dans l’entreprenariat, de générations de jeunes diplômés ou pas qui veulent créer et développer leur entreprise. 

La génération Covid est une génération d’entrepreneurs, et pas seulement dans le digital, on retrouve ces entrepreneurs dans l’agro-alimentaire, le commerce de proximité, le bâtiment etc... 

Le rêve du jeune étudiant aujourd‘hui n’est pas de réussir à passer l’Ena, (il s’en fout de l’Ena), son rêve est de réussir sa première levée de fonds. Jamais les levées de fonds n’auront été aussi importantes en nombre et aussi lourdes, puisqu’on a dépassé les 10 milliards d’euros en 2021 au profit d’entreprises naissantes. 

Cette situation qui revient à privilégier l’entreprise privée dans le processus de création de richesses et d’emplois n’a jamais été aussi dynamique et évidente. Ce qui est extrêmement curieux, c’est que les pouvoirs publics ignorent ce mouvement de modernité et encore plus grave, aucun candidat à la présidentielle n’en a pris la mesure pour proposer un accompagnement efficace. Le système économique a besoin d’un écosystème qui lui soit favorable. 

Les candidats à la présidentielle, à droite comme à gauche, en sont restés à pleurer pour  réanimer l’Etat protecteur, l’Etat providence ou assistance alors qu’en réalité, les Français veulent un Etat régalien (ce qui se limite aux fonctions régaliennes que sont la défense nationale, la sécurité intérieure et la justice). Pour le reste, que l’on fasse confiance aux organisations privées dont le moteur est de satisfaire des clients. Les producteurs savent produire. Les banques savent financer et les sociétés d’assurance savent gérer les contraintes de la solidarité. 

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