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La consommation d’électricité des Français stagne
La consommation d’électricité des Français stagne
©Reuters

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Depuis 2006, l'Etat a promu une politique volontariste de réduction des consommations d'énergie tous secteurs confondus. Malgré cela, la moitié du parc de logements français, en deçà de la catégorie D, consomme en moyenne 6 fois plus qu'un logement récent.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico.fr : La consommation d’électricité des Français stagne : effet de la crise ou début d’un changement de comportement ?

Myriam Maestroni : La crise a favorisé une sensibilité croissante aux différents postes de dépenses des ménages, et, notamment à celui correspondant à la consommation d'énergie, qui est loin d'être neutre puisqu'il représente 8.4% des dépenses totales des ménages. La sensibilité est d'autant plus forte que, comme le signalait le ministère de l'Ecologie et de l'Energie, lors de la publication de son dernier baromètre, la facture énergétique des Français est en hausse à un niveau supérieur à celui de l'inflation (+5,2% soit 200 €/an/ménage l'an dernier). Ces éléments permettent de mieux comprendre les efforts de chacun pour réduire sa facture. En la matière, il s'agit d'ailleurs de bien faire la différence entre l'adoption de comportements plus économes (éteindre les lumières, éviter le mode veille de ses appareils électriques, réduire la température de chauffage, privilégier les douches aux bains, etc) et la réalisation de travaux de rénovation énergétique des logements, en plein essor (isolation des combles, changement de fenêtres, installation de chaudières à condensation, etc).

Selon Réseau de Transport d'Electricité, la consommation électrique des Français a stagné en 2013. Comment faire la part des choses entre effet financier de la crise et changement des comportements de consommation de l'énergie ?

Depuis 2006, l'Etat a promu une politique volontariste de réduction des consommations d'énergie tous secteurs confondus, en mettant un accent particulier sur le logement, qui représente, en France à lui seul, près de la moitié du total (43%). Cela s'est traduit par différentes mesures allant de la mise en place de l'étiquette énergie pour le logement, établie, sur la base d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) -obligatoire en cas de vente ou de location-, jusqu'à la création de nouvelles contraintes exigeant des fournisseurs d'énergie qu'ils aident leurs clients à consommer moins, sous peine de fortes pénalités, en passant par des mesures fiscales telles le crédit d'impôt développement durable (CIDD). Ces mesures, qui viennent d'être reconduites et amplifiées en décembre par le gouvernement actuel contribuent à augmenter le nombre de travaux de rénovation ayant un impact direct sur l'énergie consommée. Il faut dire que l'écart de performance d'un logement neuf, construit en respectant les dernières normes en vigueur (étiquette énergie A) et un très ancien jamais rénové (étiquette énergie G) est de 1 à 9… et que la moitié du parc de logements français (soit 15 millions), en deçà de la catégorie D, consomme en moyenne 6 fois plus qu'un logement récent. On comprend que les Français, plus sensibilisés et mieux informés, commencent à agir, en combinant des comportements plus vertueux et en entreprenant des travaux de rénovation. Il faut aussi noter que la plupart des travaux portent en priorité sur le poste chauffage. La France est l'un des pays au monde où le chauffage électrique est le plus développé. Il est donc normal de constater une baisse de la consommation d'électricité pour le poste chauffage. Néanmoins rappelons que tous les nouveaux postes de consommation d'énergie –vidéos, téléphones portables, ordinateurs, domotique, etc- sont obligatoirement des postes de consommation d'électricité… Il faut donc rester vigilant!

Ces changements de comportement peuvent-ils être durables ? Se sont-ils d'ailleurs déjà installés ?

Lorsque les changements de comportements sont relayés par des investissements visant à l'amélioration énergétique, les réductions de consommation deviennent durables. On se lasse de baisser la température de chauffage de son logement de nuit ou en cas d'absence… mais l'installation d'une régulation automatique programmable libère de cette contrainte. On a beau faire attention à fermer son robinets pour éviter de faire couler trop d'eau chaude… mettre en place un économiseur d'eau rend plus durable notre nouvelle habitude. On peut multiplier les exemples. Plus généralement l'impact de la rénovation énergétique est durable, puisque la plupart des investissements et des travaux réalisés a une durée de vie utile assez longue (facilement supérieure à 8/10 ans)

Traduisent-ils pour autant une réelle prise de conscience, un changement des mentalités sur le sujet ou sont-ils davantage le fruit de politiques publiques incitatives ?

Prise de conscience et changement de mentalités individuelles et politiques publiques incitatives collectives sont des logiques qui se conjuguent de manière assez évidente… à condition d'être exigeant sur la pertinence des moyens et des mécanismes mis en œuvre. Ainsi le dispositif des certificats d'économie d'énergie, qui vient d'être renouvelé en décembre dernier, a démontré une redoutable efficacité, aujourd'hui envié par bon nombre de nos voisins européens… (par les temps qui courent ne perdons pas une des rares occasions de pousser un cocorico!). En effet, il a permis l'émergence de situations jamais vues et inimaginables il y a 5 ans à peine… En effet, c'est ce mécanisme qui a donné naissance aux éco-primes énergie, dont les ménages vont directement bénéficier pour financer environ 10% du montant de l'ensemble de leurs travaux de rénovation énergétique. Dans la pratique pour mieux comprendre il suffit de se référer par exemple à des sites tels que www.prime-eco-energie.auchan.fr ou www.prime-eco-travaux-carrefour.fr visités par plus de 3 millions de Français, et proposant en quelques clics de calculer le montant de primes dont peut bénéficier chaque français pour une liste de 30 travaux répertoriés.
Difficile de faire plus clair, plus simple, plus rapide… Voilà un exemple innovant de mise en œuvre de politique publique qui fait réellement la différence dans le grand public.


Qu'en déduire quant à l'efficacité des politiques de lutte contre le dérèglement climatique ? La contrainte financière est-elle la solution la plus sûre ?

Rien de plus puissant que de trouver un équilibre vertueux entre le cœur et la raison… C'est à dire entre notre volonté à titre individuel de contribuer à l'effort collectif pour réduire nos émissions de CO2 et celle de veiller à l'état de notre portefeuille aujourd'hui perçu comme étant au moins aussi menacé que le climat. Il ne faut pas pourtant ni sous-estimer ni sur-estimer la contrainte financière. En effet, si cette dernière accroit notre sensibilité à des sujets tels que la rationalisation de nos postes de dépenses, elle ne peut être envisagée que comme un levier parmi d'autres, à commencer par celui de disposer d'une information simple et compréhensible. Le film d'Al Gore "une vérité qui dérange" a marqué un tournant en matière d'éveil de nos consciences. La jeune génération comprend déjà beaucoup mieux les enjeux sous jacents au réchauffement climatique. Il s'agit de trouver un bon équilibre entre niveau d'information et de contrainte.

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