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La colère menace directement le régime chinois, comme Tchernobyl a précipité l’effondrement de l’Union Soviétique
©Noel CELIS / AFP

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La puissance des manifestations en Chine contre la politique anti-covid menace directement le régime autoritaire de Pékin parce qu’elle révèle son incapacité à lutter contre le covid et son impossibilité à redresser l’économie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La colère des Chinois a désormais pris une ampleur considérable. A Pékin, Shanghai ou Shenzhen, des milliers de Chinois, qui protestaient au départ contre les confinements liés à la lutte contre le covid, s’attaquent désormais à la politique générale du régime et visent directement le parti communisme et le président Xi Jinping. C’est donc le système très autoritaire et son administration jugée inefficace qui sont visés. 

Tout va dépendre maintenant de comment le pouvoir va répondre à ces manifestations. Il peut se livrer à une répression très violente un peu comme en 1986 lorsqu’il avait réprimé les révoltes étudiantes de Tien-Amen. Mais ce sera là beaucoup plus difficile parce Pékin doit parallèlement lutter contre le Covid. Or, ce sont les modalités de lutte contre le virus qui ont provoqué cette colère. La politique du zéro covid, qui revient à paralyser toute activité et toute mobilité, a considérablement ralenti la production sans aucun progrès sanitaire. Elle a même découragé beaucoup d’investisseurs de s’installer en Chine. Certains ont même déjà fermé leur entreprise. 

C’est donc cette politique de lutte contre le covid qui est en cause, et derrière c’est toute l’administration qui est visée puisque, depuis plus de trois ans maintenant, elle n’a pas réussi à trouver des vaccins efficaces ou des moyens de protection qui auraient permis de restaurer une vie quasi-normale comme en Occident. 

De deux choses l’une, ou bien le président Xi Jumping lève sa politique du zéro covid mais comme il n’a pas de vaccins efficaces, ni de services sanitaires suffisants pour gérer les cas graves, il prend le risque d’avoir des millions de morts. Ou bien, il réprime les manifestations et va au-devant d’une révolution populaire qui l’obligerait à s’enfermer ou à se démettre. 

Dans les deux cas, on plonge dans l’inconnu parce qu’elle surgit au moment où par ailleurs, la Chine a besoin de se réinscrire dans l’économie mondiale, besoin de retrouver une croissance économique forte de façon à absorber des millions de Chinois qui aspirent à une vie plus confortable en descendant dans les villes.   

A un moment où le président Xi Jinping a promis à son peuple de retrouver la puissance historique en rouvrant les fameuses routes de la soie et de challenger sur tous les terrains l’autre grande puissance mondiale que sont les États-Unis. 

Le président chinois a besoin de rétablir la confiance de son peuple  et des investisseurs étrangers. 

Bref, cette colère du peuple chinois est un cygne noir dans la trajectoire du président.

Ce qui se passe en Chine aujourd’hui ressemble peut-être à ce qui s’était passé en Union Soviétique au moment de Tchernobyl en avril 1986. L’explosion de cette centrale nucléaire construite et gérée par les soviétiques a provoqué un électro-choc dans le monde entier et plus spécialement en Europe où le nuage radioactif a contaminé des régions entières devenus inutilisables. 

Mais l’électro-choc a secoué aussi la gouvernance soviétique. Le peuple a eu la preuve que l’administration communiste était incapable de gérer ce type de problème, et d’assurer la sécurité publique alors que Moscou n’a pas cessé pendant des années de vanter l’expertise et le génie soviétique. 

Cette administration était paralysée et gangrenée par l’inexpérience technologique, la lâcheté politique et la corruption. Michael Gorbatchev a pris conscience de tous ces dysfonctionnements et surtout du déficit de résultats pour assouplir le fonctionnement du régime, jusqu’à autoriser la chute du mur du Berlin (en 1989), puis la dissolution de l’union soviétique en 1991 et son remplacement par la fédération de Russie composée de républiques plus autonomes. Pour calmer l’opposition nationaliste, Gorbatchev sera contraint de démissionner puis remplace par Boris Eltsine. Lequel ne parviendra pas à installer véritablement une économie de marché très transparente puisqu‘il va brader les biens de l’État à ses amis dont les plus malins deviendront des oligarques richissimes. Son successeur Vladimir Poutine avait sans doute au départ eu l’intention de poursuivre l’évolution libérale mais très rapidement, il a été rattrapé par les vieux démons autoritaires pour accoucher d’un des régimes les plus dictatoriaux, comme on le voit aujourd’hui avec une Russie appauvrie mais un régime de plus en plus violent. 

La Chine est à la croisée des chemins. Les manifestations révèlent un mécontentement profond de la population (du moins de la classe moyenne des villes), elle revendique une politique plus libérale avec plus de libertés individuelles. Un peu comme la classe moyenne russe dans les années Gorbatchev. 

Alors ce type de transformation est évidemment très compliquée, très douloureuse et très longue. On le constate en Russie aujourd’hui. Les pouvoirs sont installés, avec une corruption généralisée qui permet de repartir les revenus. Les systèmes peuvent tenir très longtemps. 

Sauf que l’histoire nous enseigne des phénomènes très simples qui minent des dictatures où même les régimes autoritaires qui n’ont pas de solutions politiques pour organiser une alternative en cas de crise.  

Parmi ces phénomènes, il y a l’inflation. C’est le phénomène le plus pernicieux pour miner la société.  Les régimes autoritaires ont peu de moyens pour réduire l’inflation. Ils peuvent la remplacer par la pénurie mais la pénurie n’est pas supportable très longtemps. Les exemples de révoltes liées à la famine sont très nombreux. Le prix du pain ou la pénurie de céréales sont des catalyseurs de révolution. 

Le manque de liberté d’un côté et le manque d’information, la censure ne perdure jamais très longtemps. D’abord parce que les classes dirigeantes s’en affranchissent. Les enfants de leaders chinois, comme ceux des russes, font leurs études en Occident et y restent. Et au bout d’un certain temps, le peuple le sait. 

L’éducation, la formation et l’accès à l’information sont des facteurs clefs pour hypothéquer un système autoritaire.  

Cela se passe d’autant plus rapidement que le développement des moyens technologiques de communication (internet) permet à tout le monde d’être au courant de tout ce qui se passe, partout dans le monde. Du vrai comme du faux.  

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