La campagne présidentielle lance la course au financement, mais sous haute surveillance<!-- --> | Atlantico.fr
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Les partisans d'Eric Zemmour agitent des drapeaux français lors de son meeting de campagne à Villepinte, le 5 décembre 2021.
Les partisans d'Eric Zemmour agitent des drapeaux français lors de son meeting de campagne à Villepinte, le 5 décembre 2021.
©Stefano RELLANDINI / AFP

Course au financement

La campagne présidentielle a ouvert la chasse au financement. Parce que les campagnes coûtent cher en meetings, en voyages, en affiches. Avec deux questions: combien ça coûte et qui paie ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Éric Zemmour à Villepinte, Jean-Luc Mélenchon à La Défense, Valérie Pécresse à Nice. Il va y avoir des manifestations comme celles-ci tous les jours. Avec des voyages coûteux, des dîners, des meetings, des affiches etc… Pas facile d’estimer le coût probable d’une campagne électorale, mais ce que l’on sait, c’est que ça coûte cher ; très cher. Beaucoup des candidats à la présidentielle n’ont pas encore bouclé leur budget prévisionnel.  

D’après les professionnels de l’évènementiel, le premier meeting de Zemmour à Villepinte, où il a rassemblé près de 13000 militants, a dû coûter entre 250 et 300 000 euros.  

Si on détaille un peu, la location de la salle a dû coûter 40 000 euros, plus 10 000 euros de plateau technique. 

Les chaises, le décor, les lumières : 30 000 euros.  

La vidéo, la captation vidéo - parce que chaque parti contrôle ses images pour ensuite les redistribuer aux chaînes de télé et aux réseaux sociaux qui rediffusent : 50 000 euros.  

La sécurité : 10 à 20 000 euros. 

Pour être complet, il faudrait aussi compter les voyages des militants. les gadgets, les drapeaux, les petits fours et boissons avant et après : aux environs de 50 000 euros.  

Globalement, ça fait entre 250 000 et  300 000 euros. C’est un meeting cher, mais beaucoup moins que ce que les grands candidats en fin de course consentiront à investir. François Hollande et Nicolas Sarkozy ont fait des meetings à Paris 5 fois plus cher. Le Bourget, par exemple, a couté plus de 1 million d'euros.  

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Dimanche dernier, le meeting de Jean-Luc Mélenchon a coûté moins cher que celui de Zemmour : autour de 150 000 euros.  

Tous les grands candidats sont éligibles au premier tour : Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Emmanuel Macron donneront sans doute entre 45 et 50 meetings chacun.  

50 meetings à 200 000 euros, soit 10 millions d’euros minimum pour le 1er tour.  

Il faut ajouter les frais de voyage TGV, voitures, hôtel, administration (2 à 3 millions), ce qui porte le prix moyen de  campagne de premier tour à 15 millions d’euros.

En comptant le deuxième tour, il faudra plus de 20 millions. 

Alors, ces chiffres ne tombent pas par hasard, ils correspondent, en gros, au montant autorisé par l’Etat qui réglemente les opérations depuis les années 1990.  L’Etat surveille et surtout plafonne les dépenses. 

Pour cette campagne 2022, les dépenses du premier tour sont plafonnées à 16 851 000 euros et les dépenses du deuxième tour à 22 509 000 euros. 

Cela dit, là où les choses se compliquent, c’est que le détail des dépenses peut faire l’objet de beaucoup de flou. Il y a souvent débat. 

Les compteurs de dépenses démarrent au 1 juillet mais là encore, ça se discute fort parce que beaucoup n’ont pas déclaré leurs candidatures. Eric Zemmour, par exemple,  n’est officiellement candidat  que depuis une semaine.  

L’Etat surveille tout cela de près parce qu’il va en prendre une partie à sa charge. 

Normalement, tous les comptes doivent être transparents. 

Alors, au départ, chacun doit se débrouiller pour faire la trésorerie. Pour les candidats, qui appartiennent à un parti riche, le parti paie, mais les partis ne sont pas très riches... Sinon, faute de parti, il faut emprunter à une banque française ou à des financiers français. Le candidat peut utiliser des dons auprès des particuliers mais ces dons sont plafonnés à 7 500 euros. 

Un fois que les prestataires de la campagne sont payés, et que les  comptes ont été contrôlés et validés, l’Etat va rembourser une partie des dépenses, mais le montant remboursé  dépend des résultats. 

Le candidat qui a fait moins de 5% des suffrages exprimés, est pratiquement ruiné. L’Etat, lui, remboursera très  peu de choses  (environ 4% du plafond). 

Si le candidat fait plus de 5% des suffrages, l’Etat lui rembourse presque la moitié : 47,5 % exactement, soit maximum plus de 8 millions. Le reste est à la charge du parti ou de sa famille. 

Alors, ces plafonds limitent le nombre de candidats, certes. Mais, pour ceux qui se sont fait des illusions sur leur capacité à drainer des suffrages, ça n’est pas évident. On se souvient de Philippe de Villiers qui avait été obligé de lancer une souscription nationale pour payer ses frais de campagne. 

Si l’Etat ne valide pas les comptes de campagne et si le candidat est soupçonné d‘avoir dépassé, c’est pour lui et son équipe la catastrophe. D’où l’état de surveillance étroite que les candidats sont bien décidés à respecter. 

Non seulement l’Etat ne rembourserait rien des frais de campagne, mais en plus, l’Etat traînerait  en justice le candidat et quelques-uns de ses collaborateurs : la justice avec ses instructions et des  procédures qui durent des années. Les mésaventures de Nicolas Sarkozy sont bien connues puisqu’il est soupçonné d’avoir explosé le plafond. Certains réalisateurs ont déjà pensé à en faire un film ou une série Netflix qu'ils pourront appeler l’affaire Bygmalion.

Le contrôle du financement est un point central dans le fonctionnement de la démocratie. Il s’agit d’éviter à un candidat d’acheter des voix. Tous les grands pays démocratiques contrôlent et plafonnent leurs dépenses.  Il n’y a que deux pays en Europe qui sont assez laxistes: la Grande Bretagne et l’Italie. Les Etats-Unis ont des marges de liberté assez grandes mais ils ont surtout le droit de faire de la publicité à la télévision. La grande différence entre les États-Unis et les autres démocraties, c’est que le système politique américain est organisé avec deux partis politiques qui sont très riches. Au moment des élections, on s’aperçoit que la démocratie a besoin de s’inscrire dans un système avec des grands partis structurés et organisés. Si la démocratie est en crise aujourd’hui avec une pléiade de courants populistes, c’est évidemment aussi parce que les grands partis sont démobilisés. La droite est très éclatée et la gauche a disparu ou presque.

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