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L'union bancaire souhaitée par Draghi pourrait-elle relancer la construction européenne ?
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Fédéralisme

Alors que les évolutions récentes du système bancaire espagnol suggèrent que l'Etat espagnol n'ait bientôt plus les moyens de venir en aide directement aux groupes bancaires comme Bankia, Mario Draghi et la Commission européenne ont proposé de faire un saut vers une "union bancaire" européenne afin de compléter l'union monétaire. Enjeux d'une question cruciale pour la sortie de crise et l'avenir de l'Europe.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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La mise en exergue par Mario Draghi mais aussi par la Commission Européenne de la nécessité d'une "Union Bancaire" au sein de la zone Euro traduit le besoin de regarder les questions européennes sous un angle nouveau. En effet, la crise que traverse la zone Euro traduit de multiples fragilités et reflète aussi les relations particulières entre les gouvernements et les systèmes bancaires nationaux. Cela peut s'illustrer récemment de deux façons.

A partir de la fin du printemps 2011, le système bancaire européen avait été fragilisé par les risques associés à la détention de dettes souveraines détenues dans les portefeuilles bancaires. Les tensions apparues sur le marché monétaire avaient incité la Banque Centrale Européenne à intervenir massivement pour éviter une contraction trop marquée du crédit bancaire.

Cependant, l'histoire ne s'arrête pas là et c'est la deuxième remarque. Les évolutions récentes du système bancaire espagnol suggèrent que l'Etat espagnol n'aura pas les moyens de venir en aide directement et rapidement au groupe bancaire Bankia et peut être à d'autres. Il faudra alors faire appel à une aide extérieure et l'on pense forcément au fonds européen de stabilité (EFSF) ou peut être au Mécanisme Européen de Stabilité lorsque celui-ci sera adopté.

Il y a peu de temps le gouvernement espagnol ne voulait pas entendre une telle solution parce que, comme tous les gouvernements européens, il souhaitait mettre en avant une solution locale qui ne se traduise pas par des pertes pour les détenteurs d'obligations bancaires. Cette issue se traduisant par des pertes des détenteurs d'obligations n'aura finalement été mise en œuvre que pour la Grèce avec le PSI.

Ces liaisons particulières entre les banques et les gouvernements reflètent à la fois des liens forts entre les deux entités, que ce soit en Allemagne ou en Espagne avec les puissances politiques locales ou en France, mais aussi la constitution de champions locaux dont le poids est désormais considérable. Le système bancaire est ainsi un vecteur puissant pour la mise en place de la politique économique, globale et locale, et c'est un outil important dans la gestion des rapports de force au sein d'une économie et d'une société.

On voit cependant, et c'était l'objet des deux premières remarques, que ce modèle a ses limites. Il ne peut plus être régulé localement notamment parce que les banques sont principalement nationales sur leur dépôts mais européennes dans leur approche des marchés financiers. Elles ont pris des risques, sur leur portefeuille, au-delà de leur propre pays, via des obligations souveraines. Cette situation reflète un décalage entre les enjeux financiers des acteurs bancaires et le mode local de régulation avec un coût lié au décalage qui peut être fort.

Pour assurer la continuité de la politique monétaire et pour tendre vers une plus grande stabilité financière, ce marché européen est souhaitable pour être cohérent avec l'élargissement du champ des entreprises bancaires.

Par ailleurs, l'absence de régulation homogène donne un signal étrange aux déposants. En effet, il y a en Grèce mais aussi en Espagne des retraits de dépôts bancaires. Cela reflète la perception d'un marché bancaire plus robuste ailleurs dans la zone Euro que dans son propre pays. Une telle hétérogénéité n'est pas tenable. Cette question ne se posait pas lors que la dynamique était haussière, elle l'est désormais. Le marché bancaire européen est perçu comme morcelé avec des garanties qui ne sont pas partout homogènes. Les déposants ont toujours un doute sur la solidité de la construction monétaire et financière de la zone Euro.

Le système bancaire de la zone Euro a certainement besoin de changer d'échelle pour conforter la construction européenne et lui donner une régulation plus homogène avec des règles cohérentes dans l'espace et un organisme de régulation unique. C'est le propos de Draghi et de la Commission Européenne. Il faut un marché bancaire qui devienne plus autonome par rapport aux gouvernements locaux afin de fonctionner de façon plus efficace.

Au-delà de ces aspects, le changement d'échelle pose l'autre question qui est celle de relâchement du lien entre les systèmes bancaires nationaux et les gouvernements de chacun des pays. Les recapitalisations bancaires ne seraient plus localisées à un marché et à des autorités locales. Cependant, le passage vers une union bancaire avec ses nouvelles règles, son régulateur unique, sa garantie des dépôts spécifique se traduirait aussi par un changement sur la possibilité de faire faillite. Dans la configuration actuelle, les banques ne font pas faillites, les pouvoirs publics sont là systématiquement, renforçant le lien entre les banques et les gouvernements. Si le système s'élargit, devient moins lié aux contingences locales, alors les gouvernements n'auront plus les mêmes incitations à intervenir directement.

Les bouleversements provoqués par un tel changement d'échelle renforceraient probablement l'intégration de la zone Euro et son efficacité puisque les objectifs sont le financement de l'économie, qui deviendrait plus concurrentiel, et la stabilité financière. La question de l'Union Bancaire est désormais posée afin de renforcer la solidité de la construction de la zone Euro.

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