L’une des clés du vieillissement pourrait se cacher dans les mutations génétiques qui interviennent tout au long de la vie<!-- --> | Atlantico.fr
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Une nouvelle étude s'est intéressée à la durée de vie des animaux et à la rapidité avec laquelle leur code génétique mute.
Une nouvelle étude s'est intéressée à la durée de vie des animaux et à la rapidité avec laquelle leur code génétique mute.
©GENYA SAVILOV - AFP

ADN

C’est l’hypothèse sur laquelle travaillent des chercheurs britanniques du Wellcome Sanger Institute qui ont comparé les différences de rapidité de ces évolutions génétiques selon les espèces.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Selon une étude publiée dans Nature et menée sur 16 espèces par des chercheurs du Wellcome Sanger Institute, la durée de vie des animaux est liée à la rapidité avec laquelle leur code génétique mute. Ils ont analysé la rapidité avec laquelle les mutations se produisent chez des espèces ayant des espérances de vie différentes. Les chercheurs ont découvert que les mammifères - des tigres aux humains - ont à peu près le même nombre de mutations au moment où ils meurent de vieillesse. Quels sont les principaux enseignements de cette étude et de ces travaux, notamment sur les maladies de la vieillesse chez les mammifères ?

Laurent Alexandre : Au départ, on pensait qu’il y avait un lien entre la taille des animaux et le taux de cancer. On s’est rendu compte que ce n’était pas le cas. Cela correspond au fameux paradoxe de Peto qui précisait qu'au niveau des espèces, l'incidence du cancer ne paraît pas être en corrélation avec le nombre de cellules de l'organisme. Une autre question s’est posée, au-delà des cancers qui ne représentent qu’une partie des causes de mortalité. L’interrogation concernait le fait de savoir s’il n’y avait pas un lien entre le taux de mutation et le vieillissement. Cette étude offre une première réponse. Elle montre qu’effectivement, il y a un écart assez faible entre le nombre de mutations que l’on a entre deux espèces par rapport à la durée de vie, ce qui signifie que le point le plus important pour déterminer l’espérance de vie entre deux espèces est le nombre de mutations qui interviennent au cours de la vie ainsi que les mécanismes qui favorisent les mutations et ceux qui protègent des mutations.

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Pour le cancer, l’origine avait été démontrée chez l’éléphant. De par sa taille, l’éléphant devrait avoir énormément de cancers. En réalité, il n’y a pas un taux de cancer très élevé chez les éléphants par rapport à sa taille. Cela s’explique par le fait qu’il ait plusieurs copies d’un gène qui protège contre le cancer (le gène TP53).

Ces extensions d’études ont débuté depuis plusieurs années pour essayer de comprendre le lien entre notre ADN, ses mutations et nos maladies.

Le fait nouveau est que cette corrélation est prouvée ici dans cette étude sur un nombre spécifiques d’animaux, sur seize espèces. Cela est déjà significatif. Cela participe donc à la démonstration du fait qu’il y a un lien direct entre le taux de mutation et l’espérance de vie. Dans l’espèce humaine, il y a cinquante mutations dans chacune de nos cellules par année de vie. L’intuition que l’on avait depuis longtemps était que ces mutations favorisaient les cancers et le mécanisme de vieillissement et donc avaient un impact sur l’espérance de vie. Cela avait été prouvé pour le cancer mais cela n’avait pas encore été prouvé sur l’espérance de vie. Cette étude étend le champ des études plus anciennes qui avaient démontré que notre risque de faire des cancers était augmenté par les mutations liées à l’âge et prouve qu’il y a une corrélation de même nature entre ce taux de mutation et les mécanismes de vieillissement.     

Pourquoi certains animaux ont-ils une plus courte durée de vie ? Cela s’explique-t-il grâce à l’analyse de leur ADN ? Quel est le lien entre les mutations et l’espérance de vie ?

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On parle de mutations qui n’ont pas lieu dans les testicules et les ovaires. On ne parle pas de mutations qui vont se transmettre aux petits. On parle des mutations pour les cellules qui ne se transmettent pas. Nos cellules vieillissent et elles accumulent des mutations avec le temps. Les mécanismes cellulaires corrigent une partie très importante des mutations mais pas toutes. La machinerie cellulaire de réparation des anomalies de l’ADN est extraordinairement performante mais pas à 100%. Or il y a énormément de mutations qui arrivent à cause des cassures de l’ADN. A chaque seconde chez chaque être humain, il y a deux mille milliards de cassures de l’ADN si l’on prend la totalité de nos cent mille milliards de cellules.

Ces cassures favorisent les mutations. Heureusement, l’immense majorité de ces cassures sont réparées et il n’y a pas de mutation derrière. Mais la réparation n’est pas parfaite, ce qui explique qu’on ait des mutations qui s’accumulent dans chacune de nos cellules. En moyenne, dans l’espérance de vie, nous sommes à un peu moins de 50 mutations par année de vie. Parmi ces mutations, certaines n’ont pas de conséquences alors que d’autres ont un impact sur la machinerie cellulaire, qui la ralentisse, qui perturbe le métabolisme de nos cellules et qui favorise la dégradation de la qualité cellulaire et donc favorise le vieillissement.

Dans nos cellules il y a énormément de cassures de l’ADN et de mutations spontanées. L’immense majorité est réparée par une machinerie de réparation de l’ADN absolument extraordinaire. Mais certaines ne sont pas réparées. Cela contribue à favoriser les cancers et le vieillissement cellulaire.     

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Le chiffre fondamental à retenir est donc que chaque seconde il y a deux mille milliards de cassures de nos chromosomes, de notre ADN. Même si l’immense majorité est réparée, un certain nombre de fois cette réparation n’est pas effectuée.      

Au regard de ces travaux sur les animaux, pouvons-nous tirer des enseignements sur le propre cycle de vieillissement de l’être humain ou sur certaines maladies comme le cancer (avec les mutations de notre ADN) ? Pourrions-nous « ralentir » ce cycle de vieillissement, de mutation ou contre les maladies en tirant des leçons de cette étude et de ces 16 espèces étudiées ?  Ces travaux vont-ils permettre de résoudre l’énigme connue sous le nom de "paradoxe de Peto" (qui concerne les grands animaux qui vivent longtemps et qui n’ont pas des taux de cancer extrêmement élevés) ?

On savait qu’il y avait un lien entre le taux de mutation et le cancer.  C’est pour cela que lorsque l’on est trop exposé au soleil, des cancers de la peau apparaissent. Lorsque l’on fume, cela va générer des cancers du poumon. C’est pour cela que lorsque l’on boit de l’alcool, des cancers du tube digestif et du foie surviennent. L’alcool et le tabac abîment les cellules et augmentent le taux de mutation.

Le lien entre le nombre de mutations et le cancer est connu. Pour éviter d’avoir un cancer, il vaut donc mieux éviter de fumer, de boire excessivement ou de s’exposer trop au soleil, des facteurs qui favorisent les mutations de l’ADN comme certains médicaments ou comme les rayons.

Les conseils de prévention contre le cancer sont tous des conseils qui visent à diminuer le nombre de mutations. Eviter de faire un cancer, c’est diminuer le nombre de mutations.

Le fait nouveau en revanche concerne la diminution des mutations qui a un impact face au cancer. Manifestement, cela diminue le vieillissement. Jusqu’à présent, cela était connu sur un cas particulier, le vieillissement de la peau. Le soleil augmente les mutations de la peau. Cela finit par détruire les cellules souches, les fibroblastes, qui contribuent à l’élasticité de la peau. Les personnes qui s’exposent au soleil ont la peau qui vieillit davantage que les gens qui ne s’exposent pas beaucoup au soleil et que ceux qui mettent des produits de protection solaire. Les moniteurs de ski auraient à trente ans la peau d’un homme de 70 ans s’ils ne protégeaient pas leur peau.   

Cette étude montre que ce que l’on savait sur le cancer et le vieillissement de la peau est en fait plus général et concerne l’ensemble du vieillissement tout en ayant un impact sur notre espérance de vie. Donc limiter les mutations permet de réduire les rides, de diminuer le cancer et permet aussi d’allonger l’espérance de vie. Ces résultats sont donc une incitation à travailler davantage sur la prévention des mutations puis sur des médicaments qui pourraient réduire le taux de mutations et améliorer la façon dont notre ADN est réparé, de manière à réduire ce mécanisme qui touche au vieillissement.  

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