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L'UDI pourrait-elle finalement choisir un accord avec la gauche ?
©Reuters

La droite tremble

Jean-Christophe Lagarde, le patron de l'UDI, n'est pas aimable en affaire : il est même très gourmand dans le cadre des négociations qu'il mène avec Nicolas Sarkozy, relatives à l'alliance LR-UDI et à la primaire de la droite et du centre... Et il peut se le permettre : le centre représente, pour la droite, un vivier de voix essentiel, qui lui permet de se poser en faiseur de rois.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Dans le cadre des primaires de la droite et du centre, l'UDI est particulièrement âpre en négociations. A gauche, le mouvement d'Emmanuel Macron se place plus proche du centre que de la gauche à proprement parler. Un rapprochement entre le centre et la gauche, en cas d'échec de la droite ou comme argument de négociation, est-il une menace réelle ?

Jean Garrigues : Le rapprochement entre le centre (radicaux et démocrates-chrétiens) et la gauche s'inscrit dans l'histoire puisque ce genre d'alliance a déjà eu lieu, sous la IVè République, sous la forme de ce que l'on appelait "la troisième force". Cela étant, l'histoire de la Ve République montre la difficulté de ce rapprochement, comme en témoigne le projet de grande fédération de Gaston Defferre en 1965. Celui-ci n'a pas réussi à trouver un accord pour la présidentielle entre la SFIO et le MRP, chacun des partis restant figé sur ses positions.

Aujourd'hui, un certain nombre de conditions requises à tel rapprochement semblent réunies: la rupture entre l'UDI et Les Républicains; le recentrage de la politique menée par Manuel Valls et François Hollande; l'évolution d'une partie de l'électorat de gauche vers des valeurs de libre entreprise et d'économie de marché... En terme d'organisation, le projet d'Emmanuel Macron s'inscrit dans la continuité ce qu'a voulu tenter François Bayrou avec le MoDem en 2007 : rassembler des hommes en provenance de la droite, de la gauche et du centre. Néanmoins, un tel rassemblement n'est pas comparable à une coalition de partis politiques, telle qu'elle a existé sous la troisième force ou dans d'autres démocraties européennes comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Autriche. Ce type de coalition répond à d'autres impératifs, notamment électoraux. Or, dans l'année à venir, il serait particulièrement difficile de briser les codes et les habitudes, c'est à dire de convaincre des électeurs de gauche de voter pour des centristes et réciproquement. Cet obstacle-là est réel et indéniable, concernant ce type de rapprochement.

Ce qui n'enlève pas le fait que la perspective d'un tel rapprochement est bien plus possible qu'il n'y a quatre ans, au début du quinquennat de François Hollande. Bien qu'il semble peu probable qu'une telle alliance soit couronnée de succès, elle représente effectivement quelque chose que les Républicains peuvent craindre. S'il apparaît aux centristes que les chances du candidat de gauche sont meilleures au premier tour que celles du candidat de droite, il est dans leur intérêt de se rallier à lui dans la perspective des élections législatives qui suivront l'élection présidentielle. Cette hypothèse est relativement plausible, particulièrement en cas de victoire de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite, ce qui libérerait un espace au centre au candidat de gauche. Cependant, dans l'hypothèse où Alain Juppé ne remporterait pas les primaires, François Bayrou a d'ores et déjà fait état de sa volonté de participer à l'élection présidentielle. Pour l'UDI se poserait donc la question des alliances et il est probable que les centristes privilégiraient le soutien au président du Modem.

A quel point cette menace est-elle crédible pour Les Républicains ? Jusqu'où pourrait-elle offrir satisfaction à l'UDI et qu'est-ce qu'elle traduit du rapport de force entre les deux sensibilités politiques ?

Le problème, pour l'UDI, c'est bien qu'une alliance avec le PS serait une alliance minoritaire. Les membres de l'UDI seraient, vis-à-vis du Parti Socialiste, dans la même position que vis-à-vis des Républicains… soit dans celle d'une formation supplétive – ce qui n'est pas sans compter quelques avantages, puisque c'est précisément ce supplément électoral qui permet l'accès à des fonctions ministérielles. Voir la stratégie des radicaux à gauche ou de certains écologistes dans la configuration actuelle.

Malgré tout, persistent des obstacles culturels et historiques. Il est assez difficile à imaginer qu'une partie des élus, des militants et des électeurs de gauche finisse par accepter une alliance avec des gens qu'ils combattent depuis plus d'un demi-siècle. Ces mêmes problèmes se posent symétriquement à l'UDI, dont on sait que l'électorat penche à droite et se méfie culturellement de la gauche française, longtemps jugée otage des communistes. Le seul à qui les électeurs centristes trouvent assez de qualités pour avoir de lui une image positive, c'est Emmanuel Macron… qui n'appartient pas au Parti Socialiste. Macron n'est pas la gauche comme Gaston Defferre n'incarnait pas à lu seul la SFIO.

Le paramètre majeur pour la stratégie de l'UDI sera l'évaluation des chances réelles d'un candidat de droite à l'élection présidentielle. Dans l'état actuel des choses, la négociation inter-partisane se joue avec Nicolas Sarkozy, qui pour l'instant n'est pas le favori de la primaire, et qui est même donné perdant pour la présidentielle 2017. C'est une négociation difficille, car il apparaît improbable de recentrer la ligne de droite dure que veut incarner le président des Républicains. Il faudra attendre l'issue des primaires de la droite et du centre pour que se dégage une stratégie définitive de l'UDI.

Quel serait, in fine, l'impact sur la droite ? Si l'UDI s'en va, jusqu'où peut-il se poser en faiseur de rois et dans quelle mesure est-ce que la droite en souffrirait ?

Le départ de l'UDI, pour Les Républicains, serait un vrai désastre. La droite, depuis les débuts de la Vè République, a toujours fonctionné sur une alliance avec le centre au moment des élections. Une défection de l'UDI lui enlèverait donc un matelas de voix considérable, susceptible de lui faire perdre énormément de circonscriptions.  Bien sûr, cela renforcerait les lignes droitières au sein des Républicains. Dans la perspective de la recomposition des droites, ce serait donc profitable à ceux qui incarnent une ligne décomplexée. Mais sur un plan plus global, la perte électorale serait majeure et n'est souhaitée par personne à droite.

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