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L'origine du "C'est cela, oui", les problèmes avec la RATP, le passé de Zézette : les savoureuses anecdotes sur "Le Père Noël est une ordure"
©DR

Bonnes feuilles

Dans Secrets de cinéma, les réalisateurs de trente films « cultes » livrent des anecdotes inédites sur la production de leur film, l'écriture, les comédiens, les aléas des tournages... De La vie est un long fleuve tranquille à Intouchables, en passant par Le Père Noël est une ordure ou Le Dîner de cons, suivez Bruno Cras dans les coulisses du 7e art. Extrait de "Secrets de cinéma" de Bruno Cras, aux Editions Plon (2/2).

Bruno Cras

Bruno Cras

Spécialiste de cinéma, Bruno Cras intervient sur la radio Europe 1.

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Le Père Noël est une ordure

Jean-Marie Poiré

J’ai connu Josiane Balasko dans mon premier film, qui s’appelait Les Petits Câlins. Le film n’a pas eu un grand succès, mais j’avais fait une belle rencontre qui est devenue une amitié. Je trouvais que c’était une actrice géniale. D’ailleurs, pendant tout le film, elle disait en blaguant  : «Je suis tellement bonne qu’on m’a coupée au montage !» En fait, c’est vraiment ce qui s’est passé. Lorsque le producteur, Yves Robert, a vu le premier montage, il  m’a dit  : «Tu favorises trop Balasko, qui est un deuxième rôle. La vedette c’est Dominique Laffin, il faut que tu réaxes tout sur elle.» Ça m’avait beaucoup agacé parce que je trouvais Balasko plus marrante. Quand elle m’a appelé, je lui ai dit : «Tu sais, Josiane, à propos de la blague que tu fais tout le temps, eh bien, c’est vrai, je t’ai coupée au montage parce que tu es trop bonne.»

Du coup, on a décidé de retravailler ensemble, et sur Les  Hommes préfèrent les grosses, qu’elle a écrit avec moi, on s’est aperçus qu’on était un peu en train de faire Les Petits Câlins à l’envers. Ce n’est pas du tout la même histoire, mais dans Les  Petits Câlins il s’agit d’une jolie fille qui a une copine qui est moins belle. Et dans Les  Hommes préfèrent les grosses, on a l’histoire d’une moche et la fille jolie fait le deuxième rôle. On a inversé le couple parce que j’ai toujours pensé que les gens jolis n’étaient pas amusants. Un jour, je me suis fait engueuler au restaurant par Isabelle Adjani qui m’a dit : «Mais tu ne me fais jamais tourner !», et je lui ai répondu : «Oui, parce que les moches sont plus drôles.»

Quand j’ai adapté la pièce au cinéma, il fallait casser l’idée du théâtre. On appelle ça : exploser, c’est le terme technique. On dit : On a explosé la pièce. Je dois reconnaître que le chef opérateur m’a énormément aidé dans cette démarche. Je lui ai demandé de changer de style de photo d’une pièce à l’autre. D’habitude, quand on voit un film qui passe de l’intérieur à l’extérieur, la lumière change. Comme les chefs opérateurs ont un style bien à eux, quand ils passent simplement d’une pièce à l’autre, ils éclairent toujours de la même manière. Moi, j’ai demandé à mon chef op de conserver son propre style quand on est dans le salon, mais de faire une photo des années 50 dans la chambre, ce qu’on appelle une photo à effet. Personne ne s’en rend compte, mais quand vous voyez le film, vous avez un choc visuel chaque fois. Inconsciemment vous passez dans une autre histoire, et ça allège le côté oppressant du théâtre.

C’est cela... oui

J’ai trouvé la réplique récurrente que prononce Thierry Lhermitte, «C’est cela... oui», grâce à un agent qui s’appelait Lambert. Le Splendid a commencé avec ce monsieur qui, chaque fois qu’il y avait un problème, disait : «C’est cela... oui.» Un jour, après la sortie du Père Noël est une ordure, il m’appelle à propos de Lhermitte qui devait jouer dans Papy fait de la résistance. Il me dit : «Il y a un problème sur les dates de tournage.» Je lui réponds : «Moi, j’ai un autre problème, j’ai plein d’autres acteurs et je suis obligé d’avoir Thierry ce jour précis. Il faut qu’il soit libre, sinon je ne peux pas le prendre.» Il y a alors eu un énorme silence, et là j’entends au bout du fil  : «C’est cela... oui.» J’ai lâché le téléphone parce que j’ai explosé de rire. J’étais par terre, j’entendais  : «Allô... Allô...» Ça m’avait chopé, c’était vraiment la voix de la réalité qui revient. C’était délicieux.

Trop de prises

L’écriture du film a été assez difficile. J’avais demandé trop de changements et j’ai cru que j’allais me faire virer. D’ailleurs Balasko m’a dit : «Un jour il va falloir que tu te calmes, parce que sinon tu vas passer par la fenêtre.» Par ailleurs, malgré la bonne ambiance, j’ai trouvé les acteurs un peu coincés au départ. Ils avaient tellement joué la pièce qu’ils étaient en mode automatique, et je voulais qu’ils retrouvent une fraîcheur de jeu.

Du coup, j’ai eu l’idée d’organiser tous les jours un concours de goûters. Chacun venait avec une pâtisserie, on mettait le rouge pour que le producteur ne puisse pas entrer sur le plateau, sinon il aurait vu qu’on ne tournait pas et il l’aurait très mal pris. En tout cas, cela a créé une ambiance de bonheur et de déconnade.

Les acteurs sont comme des enfants : quand vous avez un groupe d’enfants que vous mettez dans l’ambiance, ils se lâchent, peuvent faire des trucs déments et être très drôles. C’est ce que j’ai fait avec mes comédiens, et cela a donné un tournage formidable, même si mon producteur trouvait que je faisais beaucoup trop de prises. D’ailleurs il préférait Patrice Leconte parce que lui s’arrêtait à trois prises, alors que moi j’en faisais quatorze ou seize. Il me le reprochait constamment, si bien qu’après, pour l’emmerder, j’ai dit à la script : «Tu vas commencer à 140 !» Quand il regardait les rushs, il voyait écrit : «140, troisième.»

Zézette est chez le dentiste

«Mon personnage, raconte Marie-Anne Chazel, nous avait été inspiré par une dame qui vivait près du théâtre où on était à l’époque, à côté de la rue des Lombards. Les bouteilles étaient alors en verre, il y avait une consigne, et on touchait une petite somme quand on les ramenait. C’était le recyclage avant l’heure. Il y avait donc une dame sans âge qui vivait de ça et qui nous inspirait beaucoup, parce qu’elle avait une drôle de façon de parler, et surtout parce que ce qu’elle disait était improbable. Quand on a commencé à répéter la pièce, j’avais choisi ce personnage parce que ça me changeait des petites midinettes de mon âge que j’avais jouées jusque-là. Je ne savais pas par quel bout prendre le rôle. Je cherchais... je  sentais qu’il lui fallait un côté popu, gouailleur, et  aussi débile légère, puisque le personnage était comme ça. C’est là que j’ai eu l’idée des dents. Je suis allée voir mon dentiste, il m’a fait un dentier, et c’est comme ça, naturellement, qu’est venue la façon de parler et la voix. Zézette est née à ce moment-là.»

Les Bronzés fêtent Noël

Il y a eu une difficulté avec le titre. La RATP, par exemple, ne voulait pas de nos affiches à cause du côté trop provocateur. Il y a même un distributeur, dans le Midi, qui m’a demandé de l’autoriser à ajouter sur l’affiche une sorte de Post-it où était marqué «Presque ». Ça donnait : Le Père Noël est presque une ordure, pour que ce soit moins radical. Quand on a tourné dans les grands magasins, ça a été un vrai problème, on avait des refus partout. Du coup, sur  les tampons et pour toutes les autorisations, j’avais fait changer le titre ; pour les gens c’était  : Les Bronzés fêtent Noël.

Je reconnais que mon titre était un peu trop agressif, le Père Noël c’est ce qui fait rêver les enfants. Je me souviens que pendant le tournage, Jugnot a pris une baffe. Comme il faisait très chaud dans le magasin, il avait retiré sa perruque et sa fausse barbe et il fumait une cigarette pendant qu’on préparait un éclairage. Une dame est arrivée, elle lui a collé une gifle en lui disant : «Monsieur, remettez immédiatement votre déguisement! Ma petite-fille croit au Père Noël.» Il s’est excusé et a remis ses postiches.

Extrait de "Secrets de cinéma" de Bruno Cras, aux Editions Plon

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