L’Occident capitaliste découvre que les dictatures préféreront désormais la Guerre au business… <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Xi Jinping à Pékin. 6 avril 2023
Emmanuel Macron et Xi Jinping à Pékin. 6 avril 2023
©Ludovic MARIN / AFP

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est sans doute la plus mauvaise nouvelle qui va marquer le début de ce 21e siècle. L’agression de la Russie en Ukraine avait déjà tétanisé l’ensemble du monde occidental parce que cette guerre affreuse décidée par Poutine ne semblait s’inscrire dans aucune logique… Mais ce qui se passe aujourd’hui, en Chine, semble confirmer que les dictatures préfèreront toujours assurer leur puissance militaire que le développement économique. Ça parait invraisemblable mais il va pourtant falloir donner raison aux spécialistes de la géopolitique qui n’ont jamais cru que la mondialisation économique serait un facteur de paix durable dans le monde. 

Les chefs d’entreprises qui accompagnaient Emmanuel Macron en Chine sont rentrés, non pas déçus, mais conscients que désormais, la Chine de Xi Jinping avait davantage besoin de faire la guerre que du commerce mondial pour assurer son développement. La fermeture des marchés russes leur avait paru nécessaire pour favoriser la chute d’un Vladimir Poutine  imprévisible, violent mais ils pensaient que cette guerre en Ukraine scellerait l’arrivée d’un nouveau pouvoir plus respectueux des valeurs et des libertés individuelles sur lesquelles l’Occident s’était construit. 

Ce qui se passe en Chine leur parait moins visible, plus flou mais à terme, désormais aussi grave sinon plus. 

Tout ce qui se passe en Russie et plus encore en Chine leur montre clairement que la mondialisation accélérée depuis le tout début du 20e siècle n’a pas produit les effets que les responsables politiques et économiques espéraient.  Elle n’a pas gommé les velléités de puissance, elle n’a pas semé les ferments de la démocratie et du respect des libertés individuelles. Ces pays autoritaires se sont convertis à l’économie de marché pour profiter des facteurs du progrès technologique captés dans l’Occident et nourrir les peuples mais n’a pas respecté les engagements de réciprocité. 

La Russie a renforcé son état d’économie de rente. Riche en pétrole et en matières premières, elle a dégagé des excédents considérables dont les élites gouvernantes ont certes profité mais dont les peuples ont été privés.  Poutine leur a promis la grandeur passée, incarnée par une armée a priori puissante. 

La Chine, de son côté, était en 20 ans devenue l’usine du monde. Xi Jinping a pu ainsi éliminer les risques de famines à son peuple. L’Occident y trouvait son compte en produisant pas cher des biens de consommation qui répondaient aux besoins de ses habitants. Mais l’Occident espérait aussi pénétrer le marché chinois afin d’équilibrer les chaines de valeur et de récupérer une partie des dividendes de cette mondialisation galopante. 

Mais les marchés chinois ne se sont jamais ouverts comme prévu. D’autant que le Covid a tout bloqué. Après trois ans de confinement, les autorités chinoises ont été obligées de réouvrir les portes et de laisser redémarrer leurs usines, sinon ils seraient retrouvés face à la colère sociale de leurs métropoles  industrielles. 

L’économie chinoise a retrouvé de l’oxygène, Xi Jinping a été réélu pour dix ans à la tête de cet empire mais on a très vite compris que sa priorité n’était plus au développement économique sur le mode capitaliste international. 

Les grands patrons chinois ont commencé à avoir des ennuis sérieux et le monde a découvert quelques manifestations belliqueuses visant l’Occident et notamment l’Amérique du Nord. L’« affaire du ballon espion », survolant le territoire américain et abattu, la multiplication de menaces sur Taiwan province chinoise très prospère et protégée par les Américains. 

Plutôt que d’accepter des négociations pour trouver des solutions pacifiques, Pékin a préféré envoyer ses bateaux et ses avions pour démontrer sa force d’intervention. 

Dans ce contexte-là entre le Covid, la guerre en Ukraine et les déclarations menaçantes chinoises, les Occidentaux se sont résolus à imaginer une mondialisation « moins heureuse » mais plus prudente. 

D’où les plans de réindustrialisation en Occident pour éviter les ruptures d’approvisionnement… d’où la résurgence des tentations protectionnistes, d’où le réaménagement des sources d’approvisionnement en énergie et en matières premières. D’où les voyages en Chine des dirigeants européens. Pour deux raisons, obtenir des garanties chinoises de ne pas soutenir la Russie dans sa guerre à l’Ukraine et obtenir une réouverture équilibrée des marchés chinois. 

Les dirigeants allemands ont été les premiers à se rendre à Pékin. Il faut dire que le modèle économique de l’Allemagne a été le premier touché par le changement. Il a perdu son énergie (la Russie)  et son premier client et fournisseur (la Chine).  

Emmanuel Macron, qui avait essayé mais en vain, d’être le médiateur entre l’Occident et la Russie a rêvé jouer le même rôle avec les Chinois. Comme une majorité d’occidentaux, Emmanuel Macron était convaincu que le commerce était un facteur de paix.  Peut-être l’est- il encore ? 

La vérité, c’est que cette certitude est trahie par les faits. Le président français n’a pas obtenu ce qu’il espérait. Les chefs d’entreprise qui l’accompagnaient sont revenus très perplexes parce que la plupart ont commencé à comprendre qu’il leur était difficile de faire des affaires avec des partenaires qui ne respectaient par ni les États de droits ni les codes du commerce, pas même les engagements qu’ils signaient.  Il n’y a guère que la présidente de la Commission européenne qui était sur la réserve pendant ce voyage. C’est sans doute elle qui avait raison.  

La mondialisation ne repartira donc certainement pas comme avant. Parce que les grandes dictatures ne veulent pas plonger dans le grand bain de la concurrence mondiale.  Trop risqué pour l’équilibre de leur gestion interne.  

Le plus triste dans cette analyse c’est de comprendre que les dirigeants des grands pays autoritaires ont absolument besoin d’avoir des ennemis dans le monde et préparer la guerre pour occuper leur peuple. 

Cette analyse que font les géopoliticiens débouchent sur un scénario très pessimiste, sauf à penser l’Occident a les moyens de se défendre et qu’il s’y prépare. Le grand avantage de l’Occident, c’est non seulement sa technologie dans tous les domaines, mais surtout des process et une organisation interne qui lui permettent d’avoir depuis plus d’un siècle, plus de 10 ou 20 ans d’avance sur les États autoritaires.  La concurrence des expertises, le respect des libertés individuelles ont toujours été des facteurs de progrès beaucoup plus puissants que la contrainte et l’autoritarisme. 

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