Situation à risque
L’Italie, ce nouvel homme malade de l’Europe qui pourrait faire passer le Brexit pour une partie de plaisir
Dans la foulée du référendum sur le Brexit, les attaques contre les banques italiennes, au bord de l'effondrement, ont redoublé. Une situation économique qui complique davantage encore la situation politique de l'Italie, où le Mouvement 5 Etoiles poursuit son ascension dans les urnes et dans les sondages. Tous les éléments pour une explosion semblent réunis, avec les risques que cela comporte pour l'Europe.
Raul Magni Berton
Raul Magni Berton est professeur de sciences politiques. Il a enseigné à Paris, Montréal et Bordeaux et enseigne depuis 2009 à l’Institut d’Études politiques de Grenoble. Spécialiste de politique comparée, il travaille sur les régimes, les élections et l’opinion publique, surtout dans les pays européens. Il a publié plusieurs livres et articles dont Démocraties libérales (Economica, 2012) et Que pensent les penseurs ? (PUG, 2015).
François Beaudonnet
Après avoir été en poste à Bruxelles, François Beaudonnet est désormais correspondant à Rome pour France 2.
Atlantico : Un sondage Demos paru ce lundi dans La Repubblica révèle que le Mouvement 5 étoiles serait devenu le premier parti politique d'Italie pour l'opinion (32%). Au mois d'octobre prochain, les Italiens seront appelés à voter à l'occasion du référendum constitutionnel. Enfin, depuis la tenue du vote sur le Brexit, le système financier italien semble être à l'agonie. En quoi l'ensemble de ces éléments pourraient être à même de déstabiliser politiquement le pays ? L'Italie pourrait-elle être une sérieuse menace pour l'Europe ?
François Beaudonnet : La convergence de ces facteurs est très mauvaise pour Matteo Renzi qui jouissait pourtant d'une assez bonne popularité - du moins comparativement à celle des dirigeants français. Le succès du Mouvement 5 étoiles le met en contre-pieds. Matteo Renzi a plu aux Italiens par son côté anti-système - car même s'il a été maire de Florence, il était vierge de toute vie politique à l'échelon national -, par son âge, son énergie et sa volonté de tout changer. Mais il n'incarne plus cela désormais aux yeux de la population, car son parti, le Parti populaire italien (PPI), s'est retrouvé mêlé à plusieurs affaires ces dernières années. De plus, le Mouvement 5 étoiles est constitué par des personnalités encore plus jeunes que lui, à l'instar de Virginia Raggi, la nouvelle maire de Rome, qui a 29 ans, soit vingt ans de moins que Renzi ! Quant à la nouvelle maire de Turin, autre ville gagnée par le Mouvement 5 étoiles, celle-ci a 37 ans. Et puis le Mouvement 5 étoiles est véritablement anti-système ; c'est même sa raison d'être.
Quels sont, aujourd’hui, les moyens de stabilisation offerts à Matteo Renzi ? En quoi a-t-il besoin de l'assistance de ses partenaires européens dans la crise qui semble se profiler ? En quoi l'Europe ne peut se permettre un tel scénario ?
Raul Magni-Berton : J'aurais tendance à penser qu'il faut attendre pour savoir s'il s'agit d'un choc de court terme - qui me parait plus probable - ou alors d'une crise qui aura des conséquences sur l'économie italienne et européenne.
Au regard de la situation actuelle et à venir (les résultats du référendum d'octobre), dans quelle mesure l'hypothèse d'un "Italexit" paraît envisageable ?
Raul Magni-Berton: Cela me semble totalement invraisemblable à court terme. Encore une fois, quel que soit le résultat du référendum, la situation ne concernera en rien les relations entre l'Italie et l'Europe. Les résultats électoraux qui se profilent ne me semblent pas entraîner une sortie de l'UE. Et puis, aucun parti qui compte n'est aussi hostile à l'UE que ne l'étaient certains élus britanniques. Le Mouvement 5 étoiles, plutôt critique, est effectivement favorable à la tenue d'un référendum, mais, actuellement, vu les conséquences économiques du Brexit, on peut bien se demander quel électorat choisirait de sortir de l'UE. Encore moins les Italiens qui sont traditionnellement beaucoup plus europhiles que les autres pays et plus dépendants de l'économie européenne.
François Beaudonnet : Pour le moment, seule la Ligue du Nord a demandé la tenue d'un référendum sur un Italexit. Beppe Grillo, la grande figure du Mouvement 5 Etoiles a, quant à lui, demandé le maintien de l'Italie dans l'UE mais une réforme profonde de cette dernière. Pendant très longtemps, les Italiens ont été pro-européens, une tendance qui commence à changer. L'hypothèse de l'Italexit n'est pas à exclure dans le cas où Matteo Renzi démissionnerait à l'issue du référendum constitutionnel de cet automne.
Propos recueillis par Thomas Sila
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