L’Irlande porte la croissance européenne et en voilà les enseignements cachés <!-- --> | Atlantico.fr
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Le PIB irlandais fait partie des PIB les plus spéciaux en Europe.
Le PIB irlandais fait partie des PIB les plus spéciaux en Europe.
©PAUL FAITH / AFP

Croissance européenne

Sans la croissance irlandaise, l'Union européenne serait en récession selon les chiffres de la croissance au dernier trimestre.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Les chiffres de la croissance au dernier trimestre montrent que sans la croissance irlandaise, l’Union européenne serait en récession. Qu’est-ce que cela signifie ?

Alexandre Delaigue : Le PIB irlandais fait partie des PIB les plus spéciaux en Europe. L’économie irlandaise reçoit une part importante des multinationales sur son territoire, à la fois de manière réelle - grâce à la langue parlée, la fiscalité, la proximité avec la zone euro et les compétences de la population -, mais aussi de manière irréelle, avec des entreprises qui font de l’optimisation fiscale : cela est plus facile en raison du fait que depuis trente ans, le capital des entreprises est majoritairement virtuel, étant donné que les entreprises produisent plus tant avec des machines, des terrains et des usines qu’en transformant des actifs immatériels pour leur production. Prenons l’exemple d’une société pharmaceutique : elle produit des médicaments mais l’essentiel pour sa production repose sur la propriété intellectuelle qui permet de vendre les molécules pharmaceutiques. Les actifs virtuels peuvent ainsi être localisés là où vous le souhaitez.

Comme la fiscalité irlandaise est très avantageuse, les entreprises déplacent les actifs virtuels vers l’Irlande. Sur cette fiscalité avantageuse, on peut citer également le fait que beaucoup de compagnies aériennes ne sont pas propriétaires des avions qu’elles utilisent mais elles les ont en leasing (des sociétés de crédit-bail achètent ces avions mais les louent aux compagnies aériennes). Et ce que l’on voit, c’est que de très nombreuses sociétés de leasing d’avions sont placées en Irlande. Plus de 50% des avions dans le monde sont immatriculés en Irlande alors même qu’ils n’atterrissent jamais en Irlande.

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Pour ces différentes raisons, à savoir la localisation d’actifs virtuels et mais aussi la localisation d’activités réelles, l’Irlande a un statut très particulier puisqu’il y a énormément de revenus qui sont générés sur le territoire irlandais, ce qui fait gonfler le PIB du pays, mais ces actifs virtuels ne contribuent pas aux revenus des Irlandais eux-mêmes puisqu’une grande partie de ces revenus vont être rapatriés vers le siège de ces entreprises internationales. Microsoft Irlande, qui va commercialiser tous ses logiciels achetés en Europe, va faire rapatrier ses revenus au siège de l’entreprise aux Etats-Unis.

La croissance irlandaise est donc difficile à interpréter. En 2015, lorsqu’il y a eu énormément de localisations d’avions en leasing en Irlande, c’est comme si l’Irlande importait énormément d’avions et faisait beaucoup d’investissements, mais c’est de l’artefact. C’est juste en raison du nombre de nouvelles immatriculations.

En quoi cela impactera la croissance européenne ?

La croissance européenne est la moyenne de toutes les croissances de tous les pays européens, pondérés par leur poids dans l’économie européenne. Il suffit qu’un pays comme l’Irlande ait une forte croissance pour que la moyenne augmente.

Il y a un autre aspect : les investissements faits en Irlande pourraient être faits ailleurs en Europe donc cela pose la question de la répartition globale de la croissance en Europe. Par exemple, avec le fait que le viagra est passé dans le domaine public, Pfizer s’est installé en Irlande alors que le groupe avait sa production en France.

La croissance européenne est-elle portée de manière générale par la croissance irlandaise ?

L’Irlande est un point de passage pour des revenus : ces derniers ne sont pas vraiment bien mesurés en raison de l’optimisation fiscale. C’est un peu ce que l’on peut constater avec le Luxembourg.  

Quant à la croissance européenne, la question de savoir si l’Europe est en récession ou pas, c’est plus une question de statistiques. L’économie en Europe ne se porte pas très bien, une partie de la croissance vient du fait que l’inflation ralentit un peu en raison de la baisse des prix des matières premières, même si leur prix reste élevé. L’activité est un peu moins mauvaise que l’on aurait pu le craindre. C’est moins grave que les scénarios les plus pessimistes le laissaient imaginer. 

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