L’inflation alimentée par les profits des entreprises : cette désagréable réalité qui s’impose à la BCE (et à nous…)<!-- --> | Atlantico.fr
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Les taux d'intérêt de la BCE se situent désormais dans une fourchette comprise entre 2,5% et 3,25%, au plus haut depuis novembre 2008.
Les taux d'intérêt de la BCE se situent désormais dans une fourchette comprise entre 2,5% et 3,25%, au plus haut depuis novembre 2008.
©Capture écran France TV

Dilemme

Des documents internes à la BCE montreraient "que les marges bénéficiaires des entreprises ont augmenté plutôt que de diminuer, c'est-à-dire que les bénéfices des entreprises stimulent l'inflation plus que les salaires".

Alexandre Lohmann

Alexandre Lohmann

Alexandre Lohmann est chef économiste dans un fonds d'investissement brésilien.

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Atlantico : Des documents internes à la BCE montreraient « que les marges bénéficiaires des entreprises ont augmenté plutôt que de diminuer, c'est-à-dire que les bénéfices des entreprises stimulent l'inflation plus que les salaires ». Comment l’expliquer ? 

Alexandre Lohmann :Ce n’est pas surprenant. Quand il y a une augmentation générale des prix et une détérioration des anticipations d'inflation, les entreprises peuvent accompagner le mouvement sans que cela se justifie au niveau des coûts. Les entreprises ont pu ainsi capturer une part plus importante de l’augmentation des prix. 

Concernant l’augmentation des salaires, à part le SMIC qui suit l’inflation en France dès que l’augmentation de l’indice des prix dépasse 2%, ils augmentent toujours moins que l’inflation dans un premier temps. Ce n’est que progressivement que les salaires vont augmenter, après que les agents constatent le phénomène d’inflation. De facto, la part de l’inflation due à l’augmentation des marges va diminuer en part relative, ce qui va pour finir entrainer une inflation davantage nourrie par la hausse des salaires. 

La croissance de l´offre de monnaie réelle en zone euro :

La hausse des taux était-elle justifiée ?

Théoriquement, quand on est dans une phase d’inflation aiguë, il faut ralentir l’activité économique (autrement dit, il faut augmenter les taux) et ainsi contraindre les entreprises à faire jouer la concurrence et à réduire les prix. Or on a observé que les taux de la BCE sont restés bas pendant longtemps et que les Etats ont poursuivi une politique budgétaire expansionniste, ce qui a nourri l'inflation jusqu'à ce qu'elle devienne difficile à contrôler.  

La BCE doit-elle réduire ses taux aujourd'hui pour éviter une récession à plus long terme ?

On pourrait dire au contraire que les marges des entreprises ont augmenté, donc pour réduire ces marges, il faudra augmenter les taux. En réalité, on est dans un moment où on devrait constater l’impact de la hausse des taux sur l’activité économique, mais pour l’instant, cela ne se voit pas au niveau du chômage et de l’inflation. Le problème de baisser les taux serait de le faire avant même d'avoir pu faire un bilan de la hausse des taux. Aujourd’hui, la BCE est dans une situation où il n’y a pas de bonne solution. La désinflation pourrait être beaucoup plus lente si la BCE arrête la hausse des taux, et une crise de la dette pourrait avoir lieu si elle continue d’augmenter ses taux. Ce qu’aurait dû faire la BCE, c’est d’augmenter ses taux beaucoup plus tôt. 

Etait-il possible de faire autrement que d’augmenter les taux ?

Tout d’abord, il y a eu plusieurs facteurs : on a assisté à une dévalorisation de l’euro, à une inflation liée au Covid, au changement climatique. Bref, la hausse des prix de l’énergie est une composante parmi d’autres pour expliquer l’inflation. 

De manière générale, en matière d’inflation, un choc d’offre va se transformer en un choc de demande, les années suivantes par effet d'inertie. Donc il aurait été difficile de ne pas augmenter les taux. 

Le problème aujourd’hui est que les gouvernements, pour soutenir le pouvoir d’achat, poursuivent une politique budgétaire expansionniste. 

L’observation de la quantité de monnaie disponible pourrait-elle faire réfléchir la BCE ?

Ce qui interroge les économistes, c’est la chute constatée de la quantité de monnaie dans l’économie, ce qui veut dire que la monnaie disparaît, même si une partie de cette baisse est une correction des excès du « quoiqu'il en coûte ».En effet, la BCE avait versé beaucoup d’argent pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, ce qui avait provoqué une explosion de la monnaie en circulation.

On se retrouve donc dans une situation inverse qu’avant la crise sanitaire. On peut légitimement se demander si la BCE ne pourrait pas produire l’erreur inverse aujourd’hui : après avoir été laxiste, se montrer trop restrictive et encourager la récession. 

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