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L’index mondial de la performance face au Covid est arrivé et la France est classée...
©Ludovic MARIN / AFP / POOL

Endiguer l'épidémie

L’institut Lowy, un groupe de réflexion australien, a publié une étude dans laquelle l’impact et les conséquences de la géographie, des systèmes politiques, de la population et de l’économie sont étudiés dans la gestion de la crise sanitaire. La France se retrouve très mal classée.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico.fr : L’institut Lowy, un groupe de réflexion australien, a publié une étude dans laquelle il étudie l’impact de la géographie, des systèmes politiques, de la population et de l’économie dans la gestion de la crise sanitaire. Certains facteurs structurels expliquent-ils que certains pays ont mieux géré la crise que d’autres ? Est-on en mesure de dresser un profil type des pays ayant mieux réussi ?

Charles Reviens : La pandémie virale respiratoire liée à la covid-19 court depuis plus d’un an et a provoqué une situation globale tout à fait inédite dans laquelle tous les pays du monde sont confrontés à peu près en même temps à peu près aux mêmes défis à la fois sur le plan sanitaire mais également dans le champ socio-économique.

L’éventuel point de comparaison historique qui vient à l’esprit concerne la pandémie grippale de 1918 (« grippe espagnole ») mais avec deux différences majeures : son apparition après quatre années de guerre mondiale, mais aussi la facilité contemporaine à comparer les données nationales et régionales en permanence. Les éléments de comparaisons sont aujourd’hui à un clic de souris sur son ordinateur ou à une pression du doigt sur l’écran tactile de son portable : données de l’hôpital Johns Hopkins de Baltimore, site ourworldindata ou covidtracker… Et il y a en plus le travail des organisations internationales sur les conséquences économiques de la pandémie, par exemple le world economic outlook du FMI ou les perspectives économiques de l’OCDE.

La facilité matérielle des comparaisons et la gravité globale de la situation rend ces comparaisons inéluctables par analystes et journalistes qui disposent aisément d’un immense matériau informationnel. On peut noter pour la France le rôle joué par Atlantico pour appeler l’attention du grand public et des pouvoirs publics sur les pratiques à l’étranger via de multiples contributions et par exemple les miennes depuis mars 2020.

Après les données brutes il y a donc différents travaux d’analyse et d’explication des performances relative des différents pays. L’une de mes contributions Atlantico a ainsi présenté le travail du professeur Yaneer Bar-Yam du MIT qui a classé les pays en « zones vertes » ou « zones rouges » en opposant les stratégies de maîtrise partielle de la contamination visant principalement à éviter son explosion aux stratégies d’éradication totale du virus, infiniment moins disruptives selon lui.

L’Institut Lowy présente aujourd’hui un nouveau scoring covid-19 de 98 pays. Pour mémoire cet institut est un thinktank australien qui porte le nom de Frank Lowy, un affluent homme d’affaires ayant cofondé Wesfield, la société gestionnaire de centres commerciaux rachetée il y a quelques années par Unibail Rodamco.

Leur étude, réalisée par Hervé Lemahieu et Alyssa Leng, classe les pays en fonction de la performance sanitaire covid (cas, décès et tests covid en valeurs absolues et rapportées à la population). Il ne s’agit pas d’une approche globale de la réussite qui inclurait non seulement les aspects covid mais également les aspects socio-économiques ou des conséquences exhaustives en matière de santé publique.

L’aspect intéressant de ce travail concerne son analyse de différents facteurs pouvant impacter la performance covid des 98 pays du benchmark : localisation dans une région du monde, systèmes politiques, taille de la population, développement économique, ceci afin de déterminer s’il existe des variations significatives entre les différents pays dans le traitement de la pandémie.

Les principales conclusions sont les suivantes :

  • efficacité supérieure de la zone Asie-Pacifique par rapport à l’Europe mais plus encore le continent américain (Nord et Sud), le plus touché au monde ;
  • agilité supérieure des pays de petite taille (moins de 10 millions d’habitants), notamment du fait que les frontières intérieures des pays à plus grande population sont souvent plus ouvertes et poreuses que les frontières internationales ce qui a peut-être facilité la propagation du virus à l’intérieur de ces pays ;
  • quasi désavantage compétitif constitué par un haut niveau de développement économique, notamment dans la phase amont de la pandémie où de nombreux gouvernements des pays en développement avaient plus de temps et souvent un plus grand sentiment d’urgence pour mettre en place des mesures préventives après que l’ampleur et la gravité de la crise mondiale aient été connues ;
  • prise en compte de la nature des régimes politiques et du caractère cohésif de la société du pays en question.

L’institut Lowy a établi un indice de performance pour classer les pays selon leurs résultats sanitaires. La France se retrouve classée 73ème sur 98, comment expliquer cette place si basse ?

Je vous propose de regarder d’abord le top 10 de l’Institut Lowy. On constate la présence de multiples pays insulaires (Nouvelle Zélande, Taiwan, Chypre, Islande, Australie, Ski Lanka) et l’insularité semble donc avoir constitué un avantage important dans la maîtrise de le pandémie. On note aussi le bon classement de certains pays africains (Rwanda, Togo, Tunisie, Mozambique, Malawi).

Concernant les pays régulièrement regardés, on voit que la Corée du Sud est classée 20ème, le Japon 45ème, l’Allemagne 55ème, le Royaume-Uni 66ème, la France 73ème, la Russie 76ème, l’Inde 86ème (positionnement pas totalement intuitifs pour ces deux pays au vu des données de mortalité), les USA 94ème, le Brésil 98ème et dernier.

Selon l’Institut Lowy, la France est donc au début du dernier quart, en quelque sorte le meilleur des pas bons. Si l’on applique la grille d’analyse de l’Institut, cette situation serait liée à :

  • une population importante ;
  • un positionnement géographique en Europe, zone fortement touchée ;
  • un absence d’avantage liée à son niveau de développement économique ;
  • les limites de la cohésion nationale, la France demeurant « la société de défiance » décrite en 2007 par Pierre Cahuc et Yann Algan.

On a souvent entendu que les régimes autoritaires étaient plus à même de faire appliquer les mesures de restrictions nécessaires. Sont-ils vraiment plus efficaces que les démocraties ?

L’étude de l’Institut Lowy classe les 98 pays de son panel entre 3 types de régimes : autoritaires, démocratiques et « hybrides ». Ils ne distinguent aucun avantage dans la durée de pour les régimes autoritaires même s’il y a peut-être eu un petit avantage au début de la pandémie. A noter que le panel Lowy n’inclut pas la Chine « en raison d’un manque de données accessibles au public sur les tests », alors qu’il s’agit à la fois du foyer initial de la pandémie, de la 2ème économie et de la 2ème population du monde.

Au-delà de cette question du régime politique, l’Institut Lowy met en avant l’importance de sociétés cohésives et d’institutions compétentes pour faire face avec efficacité à une telle crise. Les auteurs donnent ainsi un certain crédit au politologue américain Francis Fukuyama selon lequel la ligne de démarcation en matière d’efficacité n’est pas le type de régime, mais le fait que les citoyens des pays en question fassent confiance à leurs dirigeants et que ces dirigeants sont à tête d’un État compétent et efficace.

L’étude déconstruit le cliché de l’essentialisme culturel. Selon les chercheurs, il n’y a pas eu d’"expérience occidentale" et les Etats-Unis seraient plus proches du Brésil que de l’Union européenne...

Comme indiqué plus haut l’étude propose une explication multifactorielle de la performance relative des 98 pays du panel et conclut aux caractéristiques suivantes pour les pays à bonne performance relative :

  • pays à petite population (moins de 10 millions d’habitants) ;
  • solidité, crédibilité et compétence des pouvoirs publics ;
  • bon niveau de cohésion nationale ;
  • supériorité de la zone Asie-Pacifique et accessoirement de l’Afrique sur l’Europe et encore davantage l’ensemble du continent américain.

Par définition une telle approche n’est pas essentialiste. Il n’en demeure pas moins que des caractéristiques culturelles, par exemple la relation au risque et à la mort, ou historiques doivent être regardés avec attention. Ma contribution sur l’Asie avec Sophie Boisseau du Rocher de l’IFRI expliquait par exemple l’impact des pandémies récentes (SARS, MERS) sur la réactivité et donc la performance supérieure des pays développés d’Asie du Sud-Est par rapport au reste des pays OCDE.

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