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La vague que Nicolas Sarkozy croyait sentir monter en sa faveur l'a en fait emporté sur son passage, et avec lui la plupart des concurrents de la primaire. Une vague d'une violence inouïe.
La vague que Nicolas Sarkozy croyait sentir monter en sa faveur l'a en fait emporté sur son passage, et avec lui la plupart des concurrents de la primaire. Une vague d'une violence inouïe.
©Pixabay

Onde de choc

Les électeurs de la primaire ont tranché. Ils ont ainsi bouleversé le paysage politique national, faisant en quelque sorte place nette pour la campagne présidentielle. Ils ont voté à 44,1% des suffrages pour celui que Nicolas Sarkozy qualifiait de "collaborateur" lorsqu'il était à l'Elysée et qui, depuis le retour de l'ancien Président à tête des Républicains, se tenait à l'écart de la vie interne du parti en traçant son propre chemin.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Une vague .Une de plus, plus forte encore que celle des régionales et des départementales. Celle que Nicolas Sarkozy croyait sentir monter en sa faveur l'a en fait emporté sur son passage, et avec lui la plupart des concurrents de la primaire. Une vague d'une violence inouïe. Les électeurs du premier tour n'ont pas fait de saupoudrage comme ceux de la primaire de la gauche en 2011, qui avaient alors le choix entre une palette de nuances de rose. A droite, il n'y avait que deux options: la ligne conservatrice incarnée par François Fillon, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, Jean-François Copé et Jean-Frédéric Poisson, et une ligne plus "soft", mâtinée de centrisme portée par Alain Juppé et Nathalie Kosciusko-Morizet. Les électeurs de la primaire ont tranché, et éliminé dès le premier tour. Ce faisant, ils ont bouleversé le paysage politique national, faisant en quelque sorte place nette pour la campagne présidentielle. Ils ont voté à 44,1% des suffrages pour celui que Nicolas Sarkozy qualifiait de "collaborateur" lorsqu'il était à l'Elysée et qui, depuis le retour de l'ancien président à tête de l'UMP, se tenait à l'écart de la vie interne du Parti en traçant son propre chemin. Parti en campagne depuis trois ans il a préparé un programme de rupture dont la mise en œuvre s'avère rude s'il accède à l'Elysée en mai prochain. Mais il l'assume et a promis de "casser la baraque". Les électeurs de la primaire ont apprécié son calme et son sérieux qui tranchent avec l'excitation et les discours aux accents populistes de Nicolas Sarkozy. L'ancien Président a raté sa tentative de reconquête des Français. Il n'a pas su trouver le ton juste pendant cette campagne qui élargit certes la base électorale d'un parti politique mais ne concerne qu'une frange de l'électorat, celle des CSP+, (l'électorat plutôt aisé, et dans le cas présent âgé... de plus de 35 ans). Un électorat poli et plus policé que l'électorat de base auquel il s'adressait comme s'il menait une campagne présidentielle. Distancé par François Fillon et Alain Juppé, sa troisième place avec 20,6% des suffrages, n'est pas contestable. Il l'a parfaitement compris et annoncé que le temps était venu pour lui "d'aborder une vie avec plus de passion privée et moins de passion publique", autrement dit de s'éloigner de la vie politique pour de bon, cette fois. Rude moment également pour Bruno Le Maire qui a cru faire du seul Renouveau un instrument de victoire sur les caciques. Celui qui a longtemps été le troisième homme de cette campagne, se retrouve relégué à la cinquième place, devancé par Nathalie Kosciusko-Morizet. Lui qui ne partage pas les options de François Fillon, notamment sur les questions de société, n'a eu d'autre choix que se ranger derrière le favori. Comble de l'ironie, dans son département d'élection de l'Eure, Le Maire est très proche des centristes et il a activement soutenu la candidature (victorieuse) d'Hervé Morin à la présidence de la région Normandie.

Moment plus que difficile pour Alain Juppé ; à l'écouter, lui et ses soutiens, cette élection devait être imperdable. N'incarne-t-il pas la synthèse entre la droite et le Centre? Ne promet-il pas une majorité diverse, à l'inverse de Nicolas Sarkozy qui voulait que tout le monde se range sous le même drapeau? Longtemps favori des sondages, il a bénéficié du soutien actif de l'ancien premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, de la plupart des chiraquiens, (à l'exception de François Baroin et du président du groupe LR à l'Assemblée Nationale, Christian Jacob), des centristes de l'UDI et du Modem de François Bayrou. Tenu pour responsable de la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, le patron du Modem fait figure d'épouvantail auprès de Nicolas Sarkozy et des militants L.R.

Avec 28,6% des voix, Alain Juppé peut-il encore espérer créer une dynamique et virer en tête au deuxième tour? L'hypothèse est si peu vraisemblable que la question s'est posée dimanche soir de savoir s'il n'allait pas retirer sa candidature et offrir la victoire sans deuxième tour à François Fillon, mais tant que le scrutin n'est pas clos... Le candidat a mis fin au suspense dans la soirée en assurant qu'il "continuerait le combat... projet contre projet". En fait l'hypothèse d'un retrait pur et simple était inenvisageable au regard de ce qu'est la droite française, qui a toujours été partagée entre bonapartistes et légitimistes, entre girondins et jacobins, aujourd'hui entre tenants d'une droite conservatrice sur le plan sociétal et une droite plus libérale. François Fillon, tout en revendiquant l'héritage séguiniste, incarne la première; il est d'ailleurs soutenu par Sens Commun, le mouvement anti-mariage pour tous. Alain Juppé incarne une droite plus libérale au plan sociétal, peu en cours dans l'électorat à l'heure actuelle, mais qui n'a pas totalement disparu. Il est important pour elle de se compter pour évaluer le futur rapport de forces au sein de l'Assemblée Nationale, car les législatives suivent de peu la Présidentielle. Même si Nicolas Sarkozy s'engage à titre personnel à voter pour François Fillon au deuxième tour, parce que d'après lui "François Fillon est celui a le mieux compris les choix qui s'imposent à la France", tous ses électeurs ne vont pas suivre ce choix .La campagne reprend aujourd'hui et le débat entre les deux hommes programmé pour jeudi soir sera déterminant pour l'issue du scrutin. Et puis, ce deuxième tour sera également déterminant pour la redistribution des cartes au sein du parti Les Républicains qui est entièrement à la main de l'ancien président. Là aussi le rapport de forces au deuxième tour va compter. Au nom du rassemblement, François Fillon sera amené à faire des concessions, à mettre de l'eau dans le vin de son programme économique radical, voire à passer l'éponge sur quelques "transferts" de ses soutiens vers Nicolas Sarkozy, à l'instar d'Eric Ciotti, Eric Woerth et de Laurent Wauquiez qui se sont déjà empressés de le rallier en attendant beaucoup d'autres.

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