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L’immobilier aux USA, facteur de ségrégation
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

L’immobilier monte. Partout. Ou presque.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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A Paris les prix reprennent le chemin de la hausse. Toujours autant de chômage ou presque, quasi aucune croissance, des perspectives au mieux, obscures ou incertaines, pas d’augmentation des salaires ni du pouvoir d’achat. En clair, une bulle.

Aux USA, sur toutes les métropoles les prix battent la chamade. Un peu plus d’emplois, un peu plus de croissance, mais globalement une population Américaine qui ne s’enrichit pas. En clair, une bulle. Ici à Miami, les tours, comme à New York, poussent comme des fleurs au printemps, avec des prix qui ont doublés (voire plus) entre 2009 et aujourd’hui. Sans aucune connexion avec les moyens des populations locales, dont le niveau de vie n’a pas bougé d’un iota. Les bulles, font la course à la hauteur en oubliant que plus on monte haut, plus cela explose fort. Les conséquences sont en partie les mêmes, mais pas pour tous.

En France on a choisi. Le propriétaire est un voleur, un profiteur, un exploiteur. Il doit donc être puni, ce qui est la moindre des choses quand on cumule autant de défauts. Le locataire a pris le pouvoir et il en subit les conséquences pour accéder au logement, et en profite pour se maintenir gratuitement quand il arrête de payer. Un locataire peut aisément rester 18 mois à Paris sans payer de loyer, sans ce que n’émeuve qui que ce soit en France. Ni les Juges, ni la Justice ou la police. C’est normal. Idem pour le bail commercial. C’est le locataire qui revend son droit au bail, quand sur les meilleurs emplacements, 90% de cette valeur provient du passage, qui ne lui appartient en rien, mais appartient plutôt au propriétaire qui a parié, souvent chèrement sur l’emplacement. Nos locataires sont trop protégés du propriétaire, mais surtaxés par l’Etat qui monnaye cette protection en lui faisant payer une taxe foncière de plus en plus élevée. Nos locataires commerciaux bénéficient et vendent une valeur qui ne leur appartient pas et pour laquelle ils n’ont pas investit, mais profitent d’une pérennité qui reste essentielle pour la diversité souhaitable du commerce.

D’un côté, plus personne ne veut louer à qui que ce soit, à moins d’avoir un loyer élevé et des garanties que les plus faibles ne peuvent fournir. Ce qui favorise une véritable discrimination de l’accès au logement. Cela signifie donc, que, comme pour la plupart des législations françaises censées être protectrices, la Loi se retourne en fait contre ceux qu’elle est censée protéger. L’obsession anti-propriétaire est donc lamentable et inutile, mais on préfère se retourner contre AIRBNB, coupable bien utile, pour expliquer la crise du logement Parisien. Le cynisme n’est pas la moindre qualité du politique ! Pour redonner de la mixité aux quartiers et une fluidité au marché, et tout simplement un équilibre et la justice à l’économie immobilière, il faut à la fois limiter l’augmentation des loyers, qui doit suivre l’évolution du coût de la vie. Et en même temps, ne donner aucun droit à rester à un locataire qui ne paie pas, supprimer la trêve hivernale et donner un droit à expulsion assisté par la force publique après 3 mois de loyers impayés. Ainsi les propriétaires pourront, comme aux USA, être moins regardant sur les garanties, laisser accéder chacun à ses risques et périls à tout type de bien, tout en s’assurant que le loyer ne flambe pas. Si les loyers ne flambent pas, les prix d’acquisitions ne prendront pas feu, et nous n’aurons plus besoin des politiques, comme pompiers des incendies immobiliers. Comme me le rappelait un ami, qui dirige des agences Sotheby’s, toute montée forte et déconnectée du marché, trop rapide et brutale, finit dans le sang et les larmes.

En ce qui concerne le loyer commercial, il faut supprimer la notion de droit au bail. On a le fonds de commerce, dans lequel le passage doit être au pire partagé avec le propriétaire quand il est vendu, voire même lui être totalement attribué à hauteur de ce qui ressort de l’emplacement. Ainsi, à défaut d’augmentation de loyers, les propriétaires pourront compter sur une prime régulière, à la cession du fonds de commerce à laquelle la valeur et l’emplacement de leur bien participent. Ainsi on conserve une sécurité juridique qui garantit la tranquillité du commerçant, et on augmente la rentabilité des investissements immobiliers.

Dans le même temps, on doit repenser la notion de bail 3/6/9, qui n’est plus et pas adaptée aux start-up et PME, qui ne peuvent concevoir de rester dans les mêmes locaux pour une durée qui excède largement la présibilité de leur propre avenir. Et ainsi donner la flexibilité dont nos jeunes et petites entreprises ont besoin, alors qu’elles sont le sel et la condition de la croissance de notre économie. On le voit bien aux USA aussi, la tendance est au co-working, aux espaces partagés, ou l’on négocie au mois le mois, son départ ou son maintien, avec le succès que l’on connaît. WEWORK est valorisé aujourd’hui à 16 milliards de dollars ! Réveillons nous.

Dans le même temps, de façon globale, il faut inciter à des investissements plus risqués, payants et productifs que l’immobilier. Cet investissement reste un investissement de rente, qui crée peu de valeur, peu de richesse et de plus value. Incitons plutôt nos français à investir dans leur avenir, c’est à dire leurs entreprises. Il sera plus facile et rentable de loger des actifs que des chômeurs, aussi aidons les entreprises à « fabriquer » des actifs, plutôt que d’inciter le français à bâtir sa rente.

Aux USA on a choisit. Le propriétaire a tous les droits. Trop de droits. A Miami, l’immobilier est quasi mafieux. Les terrains et exploitants sont expropriés avec l’aide de la Police et nombre de locataires éconduits (commerciaux) en sont arrivés à être en procès face à la Mairie tant la situation est choquante ! Etudier en détail ce qui s’y passe fait passer le Parrain pour un amateur ! Chaque échéance de bail est un moment de terreur pour le commerçant qui se demande si l’augmentation de loyer le poussera à la ruine. C’est ainsi que le mythique magasin Schwartz de New York a dû quitter son « domicile » vieux de plusieurs dizaines d’années, faute de pouvoir suivre le délire inflationniste du propriétaire. Qui l’a remplacé par Apple, qui du fait de ses marges indécentes, peut s’offrir le luxe d’une boutique totalement dépouillée et triste, en lieu et place d’un magasin magique, qui a fait rêver des enfants du monde entier pendant des générations. Maxime Holder, un ami dirigeant des boulangeries Paul, entreprise familiale depuis près d’un siècle, me confiait qu’à Londres, qui a la même position juridique, il ne savait pas si il pourrait conserver sa boutique de Covent Gardens, son « flagship », au prochain renouvellement de loyer. Five Guys est obligé, à Londres, de vendre ses burgers plus de 30% plus chers qu’aux USA, pour pouvoir s’offrir le loyer dément qui lui est imposé.

A Miami, les prix sont devenus ahurissants, alors qu’ils polissaient le plancher de 2009 à 2015. Et quand votre regard se porte sur les immeubles de South Beach, les plus chères, pas un seul n’affiche de lumière sur près de 40 étages ! Vides  en pleine saison. Investissement pur, souvent pour blanchir de l’argent ou le déporter dans une devise plus stable, ce qui permet aux riches américains du Sud ou au Russes, de s’offrir une tirelire aux USA pour des biens qu’ils n’utilisent jamais. Pendant ce temps, les locaux ne peuvent plus suivre et doivent s’exiler en lointaine banlieue. Pendant ce temps, les boutiques à NYC ou Miami, à Londres, ne peuvent plus suivre et doivent laisser la place aux seules boutiques qui peuvent tenir le rythme, celles qui s’adressent aux seuls capables d’acheter des biens surestimés dans les mêmes quartiers. C’est ainsi qu’on obtient des quartiers de réelle ségrégation sociale, couronnés de boutiques offrant des biens à la valeur inaccessible. Une stupidité totale.

En clair, trop de législation pour l’un et pas assez pour l’autre, nous amène à penser que la vérité est entre les deux, si l’on veut maintenir une cohésion sociale, des territoires équilibrés dans leur sociologie et leur commerce, qui ne soient pas des déserts de luxe, emplis 1 ou 2 fois par an aux USA, ni des lieux de non droit pour les propriétaires, qui n’ont le droit que de se taire et souffrir en silence, en France.

Sortir de France, permet de réaliser que la vérité est comme toujours, comme dans la nature, dans l’équilibre et que trop d’Etat ou de Marché, n’assure jamais, à lui seul cet équilibre. Calculer permet de voir que cela ne crée que peu ou pas de richesse pour un Etat, et que, définitivement, rien ne peut battre, l’investissement dans nos entreprises. Le seul investissement qui soit d’avenir, car son propre destin en dépend. La pierre s’entasse, les entreprises se multiplient. Préférons la multiplication à l’addition !

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