Atlantico : Dans un contexte de renouveau souhaité des institutions européennes (par la conférence sur l’avenir de l’Europe notamment) mais aussi des évolutions internes à l’UE ainsi que des nouveaux enjeux internationaux, est ce que le couple franco allemand est encore en situation d’être moteur pour l'UE quand on regarde ce qui s’est passé ces dernières années ?
Edouard Husson : En fait, il faut comprendre qu'Emmanuel Macron n'a pas le choix. Il est lié par les choix budgétaires désastreux de son premier quinquennat. L'Allemagne est son assurance-vie politique. De facto, l'Allemagne garantit la dette française. Cela aurait été encore plus visible si quelqu'un d'autre avait été élu à la place d'Emmanuel Macron. Tout est à changer dans le fonctionnement des institutions européennes, pour répondre directement à votre question. Mais la France est incapable d'avoir une politique à elle car elle n'a aucune crédibilité auprès de la plupart des pays à cause de ses finances publiques. Au fond, cela ne gêne pas Emmanuel Macron dans la mesure où il vit dans la bulle du fédéralisme européen. Mais là aussi, pour exister, il est obligé de coller aux positions les plus radicales. Donc les plus éloignées d'une saine coopération entre les nations. L'Union Européenne est dans une crise profonde. La seule façon de s'en sortir serait de revenir à un fonctionnement appuyé sur les souverainetés nationales et le contrôle des parlements nationaux. Dans une telle configuration les relations franco-allemandes auraient encore un rôle à jouer.
Pour autant, l’heure de remplacer le couple franco-allemand par une autre locomotive de l’UE a-t-elle sonné ? Qui ou quoi pourrait, actuellement, la remplacer ?
La machine européenne s'est emballée. Madame von der Leyen est dans la fuite en avant. La politique sanitaire est une prérogative des Etats: elle a voulu profiter de la crise sanitaire pour que la Commission s'approprie le domaine, au mépris des traités. Elle semble avoir négocié le premier paquets de sanctions anti-russes directement avec Washington. Ce n'est pas seulement que c'est critiquable: c'est délétère pour l'UE, qui se brisera rapidement sur le réel. Si l'on laissait aujourd'hui un jeu normal des institutions européennes, conforme aux traités, on aurait assez naturellement des alliances qui se mettraient en place par dossiers. La France pourrait profiter du départ de la Grande-Bretagne pour monnayer son soutien à l'Allemagne sur certains dossiers, bloquer Berlin sur d'autres - ce qu'on a fait très timidement sur le sujet du nucléaire. Au lieu de cela, Emmanuel Macron pratique sa propre fuite en avant: avancer en plus petit groupe pour plus d'intégration, telle est la vieille lune qu'il a ressortie dans son discours au Parlement.
Emmanuel Macron s’est rendu ce lundi soir à Berlin pour rencontrer Olaf Scholz, que retenir de son voyage et de sa rencontre avec son homologue ?
On en retiendra, comme toujours avec Emmanuel Macron, de la gesticulation. La France et l'Allemagne devraient être à la pointe de l'effort diplomatique pour mettre fin au conflit en Ukraine. Si l'on aime vraiment les Ukrainiens, il faut mettre fin le plus vite possible à la surenchère du Président Zelenski et des Anglo-Américains. Les Britanniques font ce qu'ils veulent, ils ne sont plus dans l'Union. Mais nous avons le choix en ce qui concerne les sanctions: rien ne nous oblige à les pousser au point de les transformer en instrument de destruction de l'économie de l'Union. Les entreprises allemandes commencent à se plaindre de la récession qui a commencé. Le réel va nous obliger à redevenir pragmatiques - en tout cas si nous voulons sauver l'Union. les grandes déclarations sur une "communauté politique européenne" ou les couleurs ukrainiennes sur la porte de Brandebourg ne sont rien d'autre que de la communication politique. C'est triste car ce n'est pas nous qui prenons les bombes d'un conflit inutilement prolongé. Mais Emmanuel Macron et Olaf Scholz croient-ils encore à une autonomie européenne face aux Etats-Unis ?
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