L'événement majeur de l'année 2015 : l'accord de Washington entre les Etats-Unis et l'Iran<!-- --> | Atlantico.fr
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Barack Obama, avec Joe Biden, prononce un discours après avoir signé l'Accord de Washington, le 14 juillet 2015, entre les États-Unis et l'Iran mettant fin à un long contentieux portant principalement sur les ambitions nucléaires iraniennes.
Barack Obama, avec Joe Biden, prononce un discours après avoir signé l'Accord de Washington, le 14 juillet 2015, entre les États-Unis et l'Iran mettant fin à un long contentieux portant principalement sur les ambitions nucléaires iraniennes.
©Reuters

Rétro 2015

L'acte décisif a été l'Accord de Washington conclu le 14 juillet 2015 entre les États-Unis et l'Iran mettant fin à un long contentieux portant principalement sur les ambitions nucléaires de l'Iran.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Il est rare que les affaires du monde connaissent, à froid, un tournant décisif qui débloque des situations depuis longtemps gelées.

C'est ce qui s'est passé en 2015 dans les affaires du Proche-Orient et par voie de conséquence dans les rapports entre les Occidentaux et la Russie.

L'acte décisif a été l'Accord de Washington conclu le 14 juillet 2015 entre les États-Unis et l'Iran mettant fin à un long contentieux portant principalement sur les ambitions nucléaires de l'Iran. Ces ambitions sont apparemment gelées, l'Iran se contentant d'être ce qu'on appelle un "pays du seuil", soit un pays disposant de la technique nucléaire mais renonçant à la mettre en œuvre et donc à se doter de l'arme nucléaire.

Cet accord résulte essentiellement de la volonté du président Obama, qui a su l'imposer à une partie de son administration, au Congrès et aux idéologues néoconservateurs hostiles.

Sa première conséquence est la levée des lourdes sanctions économiques qui frappaient l'Iran. Il devrait en résulter un décollage rapide de ce pays de vieille civilisation qui possède les principaux atouts pour devenir rapidement un pays émergent: une population éduquée (malgré la chape de plomb du régime des ayatollahs), des ressources minérales abondantes. Les entreprises américaines n'ont pas attendu l'accord pour se ruer sur le marché iranien laissant derrière elles les entreprises européennes qui avaient sacrifié leurs intérêts pour appliquer les sanctions (le cas le plus emblématique est celui de Peugeot qui a perdu absurdement un marché de 600 000 véhicules au bénéfice de Général Motors).

Israël et l'Arabie saoudite ne sont pas satisfaits de cet accord : Tel Aviv considère que le régime iranien rêve toujours de puissance, plus que de développement économique, et que, à la première occasion, il le violera pour se doter de l'arme nucléaire, ce qui entraînera une guerre entre Israël et l'Iran, à laquelle on se prépare dans l' État hébreu. L'Arabie saoudite a le sentiment que les États-Unis pourraient opérer un changement de pied autour du Golfe persique risquant de choisir désormais comme allié privilégié l'Iran au lieu du royaume wahhabite. Est-ce parce qu'il craint de se trouver ainsi abandonné que le roi d'Arabie renoue avec Moscou ?

Un accord qui modifie sensiblement la géopolitique du Proche-Orient

L'accord de Washington s'est avéré cependant avoir des conséquences sur d'autres terrains, et d'abord en Syrie où Washington et Téhéran ont sans doute décidé de laisser en place encore quelque temps le président Bachar-el-Assad.

C'est ainsi que toute la géopolitique de la région s'est trouvée débloquée.

Jusque là, la situation était figée dans une configuration désespérante. D'un côté, les États-Unis, la France, l'Angleterre, Israël, l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ; de l'autre la Russie, l'Iran et la Syrie. Cette configuration a conduit les Occidentaux à tenir les mouvements djihadistes de Syrie et d'Irak pour des alliés objectifs et à leur fournir pendant quatre ans des armes et un entraînement, quand ils ne sont pas intervenus directement en leur faveur.

Que, ce faisant, ils aient nourri un serpent dans leur sein qui n'aspirait qu'à les dévorer, est apparu dans toute sa netteté avec les attentats de Paris du 13 novembre ouvertement revendiqués par Daesh. Ces attentats on contribué à débloquer la position française jusque-là bloquée dans la configuration antérieure : hostilité radicale au régime Assad et soutien sinon à Daesh, du moins à son frère jumeau Al-Nosra. La France a été ainsi conduite à s'engager dans les affaires de Syrie du bon côté cette fois, soit du côté qui combat les djihadistes, opérant une volte face non seulement en Syrie mais vis à vis de la Russie. Après avoir refusé de livrer les Mistral commandés par Poutine à Sarkozy, ce qui témoignait d'un degré élevé d'hostilité, la France a été conduite à se rapprocher de Moscou pour coordonner ses opérations en Syrie; c'est le but du voyage du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, à Moscou en décembre.

Mais les Américains n'avaient pas attendu l' attentat de Paris pour évoluer sur la question du Proche-Orient: dès le mois d'août, Obama avait appelé à la constitution d'une grande coalition contre Daesh. La Russie avait saisi immédiatement cette perche, déclarant se joindre à la coalition pour en prendre , de fait, la tête au cours du second semestre. La Russie s'engageait largement dans le conflit, dès septembre, par une campagne de bombardements massifs des positions islamistes et un soutien accru à l'armée syrienne. Un soutien particulièrement bien venu au moment où le régime d'Assad, assiégé à Damas et sur la côte et voyant ses jeunes recrues fuir en Europe, se trouvait en difficulté.

Au départ, les Occidentaux, singulièrement les États-Unis et la France, ont vu avec réticence cet engagement russe. Avec les réserves d'usage, on peut penser que ces réticences sont levées au vu de la Résolution du Conseil de sécurité votée à l'unanimité le 18 décembre dernier qui lance un processus de paix pour la Syrie ne mentionnant pas le départ d'Assad et incluant le Front Al-Nosra (dont Fabius disait qu'"il fait du bon boulot") parmi les terroristes à combattre au même titre que Daesh.

De pair avec une certaine coopération sur le front syrien entre Occidentaux et Russes, va l'apaisement au moins temporaire du conflit ukrainien, sinon résolu, du moins provisoirement gelé.

Mais qui ne résout pas tous les problèmes de l'Europe, tant s'en faut

La résolution du 18 décembre ne résout pas tous le problèmes. La négociation entre le parties en présence en Syrie promet d'être difficile. Si la France et sans doute les États-Unis semblent désormais décidés à faire la paix en Syrie, il s'en faut de beaucoup que la Turquie, où Erdogan vient d'être confirmé par les élections du 1er novembre, soit décidée à favoriser ce processus.

Nourrissant depuis plusieurs années le conflit en laissant passer les djihadistes vers la Syrie et l'Irak, envoyant en contrepartie des centaines de milliers de réfugiés vers l'Europe transitant par son territoire, Erdogan ne bénéficie pas moins de faveurs insignes de la part de la communauté internationale laquelle s'est rendue à son invitation au sommet du G20 à Antalya le 16 novembre 2015. Une réunion de l'élite mondiale chez un soutien de Daesh, le lendemain même de l'attentat de Paris revendiqué par le même Daesh ! Beau témoignage de l'inconséquence de cette communauté internationale, singulièrement des Européens en première ligne face à ces agissements hostiles. Les sanctions lourdes prises par la Russie à la suite de la destruction d'un avion russe par le Turcs montre cependant qu'Erdogan a trouvé à qui parler.

S'agissant de l'Europe, les évolutions au Proche-Orient ne résolvent pas non plus la question de l'arrivée massive de réfugiés ou immigrés clandestins venus de Libye tout au long de l'année et de Turquie depuis l'été. Le million est largement dépassé et le flux continue sans fléchir.

Mais il faut bien voir que ce flux de se serait pas établi si certains Européens, principalement les autorités de Bruxelles et le gouvernement Merkel ne l'avaient expressément voulu. Si pour les populations européennes - et sans doute les pays de départ dont il vide la substance, comme le rappelait récemment Mgr Youssouf Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk ( Irak ), il apparaît comme un problème, pour la commission de Bruxelles et Mme Merkel, il apparaît comme une solution, solution à un problème démographique qui leur semble désespéré. Il est vain d'attendre des évolutions du Proche-Orient un tarissement de ces flux tant que les principaux responsables de l'Europe ne seront pas fermement décidés à y mettre un terme.

La position allemande dans cette affaire n'est pas sans rapport avec celle qu'elle a sur l'affaire grecque, soit l'extrême dureté du régime économique qu'elle impose à la Grèce en proie à une crise insurmontable du fait de son appartenance à un euro pas vraiment taillé à sa mesure. Haine de soi d'un côté pour une partie de l'élite dirigeante allemande qui accepte sans sourciller la perspective d'un remplacement partiel de sa population et des lourdes difficultés intercommunautaires qui vont avec. Psychorigidité à la limite du sadisme dans la défense de l'euro, de l'autre, cela au détriment de presque tous les pays du reste de l'Europe mais singulièrement de la Grèce. Une Grèce dont les problèmes ne sont pas près d'être réglés : la troïka qui la dirige de fait a récemment refusé que le gouvernement Tsipras mette en place des soupes populaires pour les indigents !

Si les affaires du Proche-Orient et les relations avec la Russie semblent avoir connu en 2015 un tournant important, il s'en faut de beaucoup que les problèmes graves de l'Europe occidentale aient, eux, trouvé un commencement de solution, au contraire: la crise grecque, l'afflux d'immigrés et les attentats de Paris montrent qu'ils sont au contraire sur la pente de l'aggravation. Le vote de rejet des électeurs français aux dernières élections régionales montre qu'ils en sont tout à fait conscients.

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