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L’Europe visioconfère de plus en plus, converge un peu plus, mais ne contribue toujours pas assez : ce sera donc à la BCE de "faire l’appoint" !
©IAN LANGSDON / POOL / AFP

Avenir de l'Union européenne

Les dirigeants européens ont tenté de trouver des solutions communes face à la crise sanitaire et économique du coronavirus dans le cadre du Conseil européen, organisé en visioconférence. Un accord de principe a été trouvé pour un grand plan de relance censé répondre à la crise financière.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Au moins, ces réunions sont écologiques, faute d’être « encore » conclusives ! En effet, la quatrième vidéoconférence qui s’est tenue le 23 avril a porté sur deux thèmes, ou plutôt, pour parler comme la Commission, sur deux « feuilles de route » : 

• La première est « une  feuille de route européenne commune pour la levée des mesures visant à contenir la propagation de la COVID-19 ». Il est évident en effet que le processus de déconfinement doit être progressif, graduel et aussi coordonné que possible au sein de l’Union. Il s’agit d’éviter des résurgences du virus dans des lieux où il n’est pas encore très présent ou, pire, où il a déjà beaucoup sévi. La convergence sur ces questions est assez avancée, les détails sur le suivi du déconfinement et les modalités du « traçage volontaire » étant toujours en débat.

• La deuxième est « une feuille de route pour la relance », où il s’agira certes de grands principes (« solidarité, cohésion, convergence »), d’être « souple et réactif » et enfin d’obtenir « l’adhésion de tous les acteurs » pour financer l’effort. Et c’est là que les choses se compliquent, d’abord pour chiffrer le coût de la phase de résistance/résilience, ou d’arrêt de la crise, et plus encore celui de la relance. Les deux vont ensemble, et sont coûteux. On parle ainsi de 5 à 10% du PIB européen, Christine Lagarde a avancé le chiffre de 15% dans cette réunion (et de 19% lors d’une interview sur France Inter).

2000 milliards d’euros sont donc en jeu, sachant que 500 environ ont déjà été actés. Il y a en effet 100 milliards pour aider les États membres à financer le chômage à temps partiel (programme SURE), 200 pour les PME (par l’intermédiaire de la Banque Européenne d’Investissement) et 240 milliards pour les régions et pays fragiles (Italie et Espagne pour ne pas les nommer) par l’intermédiaire du fonds MES, mais cette fois sans « conditionnalités ». « Conditionnalité » : mot élégant pour dire que le prêt est  assorti d’engagements de réformes. Mais, dans le cas présent, c’est sans conditionnalités, évidemment parce qu’elles seraient très impopulaires, sinon impossibles à mettre en place dans des pays en récession sévère (ils le sont tous) et sous forte tensions politiques internes (l’Italie surtout).

C’est à ce point que les choses se compliquent. D’abord, il faudra bien préciser le contenu du plan de relance. On comprend qu’il s’agit d’écologie et de transformation numérique, pour des raisons évidentes d’acceptation politique et pour créer un semblant de continuité avec le Pacte Vert d’Ursula van der Leyen. Mais il doit entrer dans un cadre plus général qui est celui de « l’autonomie stratégique de l’UE », avec la redéfinition d’une politique industrielle, de secteurs à revoir (sanitaire), de chaînes de production à redessiner. Tout ceci devra être précisé par la Commission, avec les pays : c’est essentiel et ne va pas de soi.

Le vrai point de blocage est celui du financement, entre prêts (combien et avec quelles garanties) et « transferts » à des pays, secteurs ou régions en difficulté. Il est assez clair que si l’on endette plus encore les secteurs, régions et pays déjà surendettés, on ajoute de la dette à la dette, donc on précipite la chute. Les agences de rating ont commencé leur travail de dégradation des notes, et l’Italie en sera la prochaine victime.

Mais si « donner » n’est pas possible, ou plutôt assez limité, ce sera la dette publique qui interviendra, donc la BCE qui la rachètera. Elle avait prévu d’acheter 32 milliards d’euros par mois de bons du trésor pour soutenir l’économie, avant la pandémie.  A cela s’ajoute maintenant une enveloppe de 750 milliards pour financer la pandémie, 83 milliards par mois (programme PEPP). On a compris, il faudra prévoir plus et bientôt. Tout le monde aura donc sauvé la face : l’Union aura montré sa solidarité (pour 540 à 600 milliards), se sera endettée pour 1 200, en aura « donné » 200 (ce n’est pas encore fait) et aura demandé à Christine Lagarde, de passer son programme de financement de la pandémie de 750 à 1 000, puis 1 200 milliards (par exemple). La BCE est décidément le financeur en dernier ressort. Ce n’est pas parfait loin de là. Ce n’est pas fini non plus. Et refiler le risque à la BCE ne le fait ni démutualiser, ni disparaître, au contraire ! Rendez-vous donc à la prochaine visioconférence de bonneteau européen. Les marchés pourraient ne pas aimer.

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