L’État prêt à doubler le salaire des patrons d’entreprise publiques pour s’attirer les meilleurs. Politiquement, ça promet !<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo prise le depuis le toit de la Grande Arche de la Défense montrant des gratte-ciel dans le quartier d'affaires de la Défense, dans la banlieue nord-ouest de Paris.
Photo prise le depuis le toit de la Grande Arche de la Défense montrant des gratte-ciel dans le quartier d'affaires de la Défense, dans la banlieue nord-ouest de Paris.
©Thomas SAMSON / AFP

Atlantico Business

Les difficultés d’EDF ont convaincu l’exécutif que s’il voulait des managers de niveau international, il faudrait aussi les payer au prix du marché, soit presque le double de ce qu’ils touchent actuellement. Soit 900.000 euros

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le remplacement de Jean-Bernard Levy à la tête de EDF, annoncé au début du mois de juillet, va obliger Bercy à modifier les conditions d’engagement et surtout de rémunération des dirigeants d’entreprises publiques.

« Si on veut les meilleurs, il va falloir les payer au prix du marché international des grandes entreprises, sinon ils ne viendront jamais » explique-t -on à Bercy. 

Sauf que cette évidence-là est compliquée à appliquer dans le contexte actuel. 

Le problème est très simple. En 2012, François Hollande avait plafonné la rémunération des dirigeants d’entreprise publique à 450 000 euros brut annuel. 

A ce prix-là, on ne voit pas comment l’État fera pour trouver l'oiseau rare capable de diriger le premier électricien de France, de conduire le redressement d’EDF, de mettre en place la stratégie de relance du nucléaire et surtout, celui qui aura la fibre sociale pour ne pas braquer les syndicats hyper puissants et tenir tête aux forces politiques qui considèrent que les entreprises publiques leur appartiennent et qu’elles peuvent s’affranchir des contraintes du privé. 

Avec cette difficulté supplémentaire : EDF travaille sur le très long terme, alors que l’horizon du responsable politique ordinaire est borné sur la durée de son mandat ou même sur l’année budgétaire. 

Jean-Bernard Levy a fait les frais de toutes ces ambiguïtés. Nommé sous François Hollande, avec comme tutelle Emmanuel Macron à Bercy, JBL n’a sans doute pas eu le choix de refuser. Il a même dû abandonner une grande partie de son salaire précédent (il était auparavant président de Thales). 

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 Peut-être pensait-il à l’époque que la cotation en bourse allait lui permettre de s’affranchir de l’État pour mener une stratégie courageuse capable de renforcer l’indépendance énergétique de la France ?

Toujours est-il que la situation économique et financière en a décidé autrement. Les tarifs d’Edf ont été utilisés comme variable d’ajustement politique pour amortir les effets d’une inflation importée et dopée par l’invraisemblable politique européenne sur les prix de l’électricité. Résultat : Jean-Bernard Levy n’a pas eu les moyens d’entretenir son parc de centrales nucléaires alors qu’on lui demandait, au même moment, de mettre le paquet sur le renouvelable, tout en freinant les tarifs pour cause d’inflation. Toujours est-il que son bilan, dont il n’est pas responsable, se solde par une perte historique de 5 milliards d’euros. 

Il faudra donc, à l’avenir, trouver un surhomme pour diriger EDF. Tous les chasseurs de cadres dirigeants sont sur le pied de guerre pour dénicher l’expert en énergie, qui soit aussi politique et efficace, aussi bon en macronie qu’en géopolitique. 

Bref, pour les uns ça ressemble à la quadrature du cercle, pour les autres à la diagonale du fou. 

Les « fous » de management capables de supporter le stress au prix du service public français n’existent pas. Ou alors sont très rares. 

L’Etat français en a accepté quelques-uns. Pour Air France, par exemple, en quasi faillite, on était allé chercher un canadien Benjamin Smith, ancien président d’Air Canada. Et ça marche. Seulement, pour venir, il a fallu lui offrir un fixe de 750 000 euros par an, et en prime, une variable plafonnée à 1,5 million d’euros. Sans parler de l’aimable (et forte) pression de KLM et du gouvernement hollandais. 

Pour Renault, le conseil d’administration, en plein drame après l’affaire Carlos Ghosn, est allé chercher un magicien de la construction automobile. L’italien Luca De Meo, passé chez Volkswagen, Fiat et Toyota. Pour qu’il vienne au prix de 700 000 euros annuels, avec une rémunération variable de 2 millions (maxi), soit plus que Carlos Ghosn.  Et dans les deux cas, un paquet d’actions. 

En dépit du poids important de l’État au capital de ces deux entreprises, ces nominations sont passées au conseil d’administration et ont été validées par l’assemblée générale des actionnaires. Parce que ces deux entreprises sont dans le vent de la concurrence internationale et que le décret Hollande, qui plafonne les rémunérations des dirigeants, ne s’applique pas.  Parfois, même dans le privé, ça passe mal. La rémunération de Carlos Tavares nomme à la direction du nouveau groupe PSA-Fiat, Stellantis, l’Etat actionnaire n’a pas dit grand-chose mais ce sont les actionnaires privés qui ont demandé des explications sévères. 

A l’EDF où l’État a été contraint de revenir occuper 100 % du capital et donc de sortir de l’enfer boursier, la question des rémunérations du dirigeant va être encore plus compliquée à cause de ce fameux décret. Le gouvernement n’a pas de majorité pour faire passer de telles mesures pourtant nécessaires. 

Pour les Insoumis de la Nudes, c’est du pain béni. Feu d’artifice de boules puantes garanti.  

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