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L'entrepreneuriat à l’assaut du monde politique français
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Nouvelle donne

Alors que le monde de l'entreprise a longtemps clivé le paysage politique, entre défenseurs des travailleurs et défenseurs du patronat, le grand boom de l'entrepreneuriat en France est en train de faire bouger les lignes.

Leonidas Kalogeropoulos

Leonidas Kalogeropoulos

 

Léonidas Kalogeropoulos est Président du Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d’entreprendre, l’innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l’audiovisuel, des télécoms, du sport, d’Internet, de l’énergie, de la presse…
 
Il est le fondateur du site libertedentreprendre.com, qui milite pour l’inscription de liberté d’entreprendre dans la Constitution française et est Vice-Président du mouvement patronal Ethic. Il est également le porte-parole du collectif David contre Goliath, lanceur d'alertes concurrentielles

 

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Longtemps, la droite et la gauche françaises voyaient leurs contours calqués sur une lecture classique de la société : les salariés d’un côté, les patrons de l’autre ; les préoccupations sociales au profit de ceux qui subissent l’exploitation de leur force de travail, à gauche ; les préoccupations économiques en faveur des entreprises et de la création de richesses, à droite. Et ces rôles politiques correspondaient à une représentation statique de la société : d’un côté, les "exploités dominés", de l’autre, les "possédants dominants".

Au nom de cette caricature figée, cela fait quarante ans au moins que la France assiste au dialogue de sourds entre ceux qui se renvoient aveuglement l’exigence de renforcer toujours davantage les droits des défavorisés subissant le sort de la fatalité sociale (retraite abaissée, temps de travail diminué, protection juridique renforcée, pénibilité prise en compte, salaire minimum garanti, couverture sociale étendue…) et ceux qui ont plaidé pour l’allégement des contraintes sur les entreprises, la prise en compte des exigences liées à la compétitivité, la baisse des charges, etc. Les ambitions sociales et les contraintes économiques se sont retrouvées depuis au moins 1981 systématiquement opposées les unes aux autres dans un conflit irréconciliable.

La mutation fondamentale à laquelle nous assistons depuis quelques années, quasiment à l’insu de toute volonté politique délibérée, tient en l’émergence de cette divine surprise que représente l’explosion de l’entrepreneuriat dans notre pays. L’ampleur prise par ce phénomène fait voler en éclats les clivages politiques traditionnels, parce qu’il fait tomber les digues des structures sociales figées sur lesquels ces clivages reposaient.

L’entrepreneuriat, c’est la mise en mouvement de ceux qui étaient réputés appelés à se ranger dans l’ordre du salariat à vie, et qui se mettent à rêver d’entreprendre, parce qu’il est désormais acquis qu’être patron n’est pas un privilège inné, que chacun peut tenter l’aventure de  l’entrepreneuriat, et que cette liberté fondamentale, chaque citoyen est en droit de s’en saisir. Et les citoyens français s’en saisissent par centaines de milliers, et qu’importe si c’est sous la contrainte de la peur du chômage ou par l’ambition de réaliser leurs rêves : la France détient le record européen de l’entrepreneuriat, avec plus de 500 000 créations d’entreprises en France en 2015.

Cette métamorphose par la mise en mouvement de la société, par l’enclenchement d’un ascenseur social inattendu - qui passe par la capacité à décrocher des contrats, et non pas nécessairement par celle, plus académique, de décrocher des diplômes - remet en question les clivages traditionnels.

En effet, attachée à défendre les ambitions d’émancipation sociale, la gauche se surprend à défendre les entrepreneurs en herbe, qui se heurtent à la complexité administrative, aux charges fiscales et sociales dissuasives, aux contraintes juridiques kafkaïennes qui freinent la capacité à créer et à se développer.

Cette gauche "pro-entreprise" qui défend la concurrence et les nouveaux entrants, se retrouve à constater que le mur granitique des mesures sociales érigé brique par brique depuis des décennies, à l’image des 4000 pages de notre code du travail, représente une barrière à l’entrée qui menace la réussite des jeunes entrepreneurs lancés dans l’aventure, conduisant la gauche elle-même à vouloir raboter ces contraintes excessives. En effet, elles ont été élaborées au regard des capacités des très grands groupes traditionnels français dotés de directions de ressources humaines, juridiques, financières, fiscales permettant de gérer ces charges et ces contraintes, mais aucune nouvelle pousse ne peut y faire face.

Paradoxalement, nos règles sociales réputées protectrices ont un effet fondamentalement conservateur, celui d’empêcher l’émergence de nouvelles entreprises, qui naissent certes par dizaines de milliers, mais qui meurent dans des proportions comparables, trop souvent étouffées sous le poids des contraintes avant d’avoir dépassé leur troisième année, ou qui se délocalisent à l’étranger pour avoir une chance de survivre.

Ainsi, les critiques énoncées contre les barrières qui empêchent d’entreprendre, au nom de la nécessité de permettre l’émancipation par l’entrepreneuriat, rejoignent-elles par un prisme différent les critiques de tous ceux qui dénonçaient les charges insupportables qui obèrent la capacité de l’ensemble du tissu économique à créer des richesses.

Désormais, les programmes économiques de tous les réformateurs convergent, parce que les solutions préconisées jadis au nom des entreprises "installées", le sont désormais au nom des centaines de milliers de nouveaux entrepreneurs auxquels la République se doit de donner une chance de réussir, dessinant une cartographie politique nouvelle. Ces élus de gauche et de droite - que l’on pourrait désigner sous le vocable d’"entreprenalistes" - désireux de libérer le plus grand potentiel que recèle cette dynamique née du volontarisme et de la créativité des citoyens de notre pays, forment une majorité objective au service de l’entrepreneuriat.

Ce faisant, la France est en train de tourner une page assez pauvre de son histoire politique, durant laquelle elle s’était laissée enfermée dans une représentation de la société structurée autour de classes figées sous le poids des déterminismes, vision héritée d’un marxisme aussi anachronique que mortifère.

Dans ce tournant vertueux enclenché sous la pression de milliers de nouveaux entrepreneurs refusant d’être privés de la promesse de réussite correspondant aux risques qu’ils prennent, la France retrouve progressivement son identité, celle d’une nation forgée par une histoire républicaine ambitieuse et enthousiasmante, dont le projet s’inscrit dans le sillage de l’abolition des privilèges proclamée par la Révolution et la volonté d’organiser une société où les distinctions sociales sont fondées sur les mérites individuels. Cette ambition est la fille de l’esprit des Lumières ; elle ne demande qu’à prospérer sous la dynamique de l’esprit d’entreprise.

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