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L'Egypte antique, Attila le Hun, le tsar Alexandre Ier... et maintenant "Game of Thrones" : pourquoi l'humanité est fascinée par la matière des météorites
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Bonnes feuilles

Apprenez comment forger la plus parfaite des épées, concocter un poison foudroyant, ou abattre un mur (supposé) infranchissable. Levez le voile sur les secrets du feu grégeois, de l'acier valyrien, et partez à la rencontre des dragons, loups géants, et autres créatures de légendes qui vivent au-delà du Mur. Extrait de "Science & magie dans Game of Thrones" d'Helen Keen, aux éditions Albin Michel (1/2).

Helen Keen

Helen Keen

Helen Keen est une auteure, comédienne et journaliste de radio anglaise. 

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Toutes les épées de Game of Thrones ne sont pas faites d’acier valyrien. L’une des plus fascinantes appartient à un personnage qui n’apparaît que dans la saison 6, à la faveur de quelques flash-backs : Ser Arthur Dayne, dit « l’Épée du Matin ». (Il s’agit d’un titre, lié à sa maison, que seul peut porter celui qui s’en est montré digne, et vous ne devriez pas vous mettre à glousser en entendant parler « d’épée du matin » parce que nous sommes tous des adultes, ici, et dotés d’un esprit scientifique.)

Ser Arthur était un fameux chevalier, célèbre pour ses exploits, et membre de la Garde royale ; il fut tué par le noble Ned, venu retrouver sa sœur Lyanna Stark à la tour de la Joie. Ser Arthur avait la réputation d’être le plus grand épéiste des Sept Couronnes. Toutefois, l’acier valyrien forgé par sorcellerie n’était pas pour lui. Oh non ! Sa lame ancestrale était faite d’une matière encore plus rare. Une étoile tombée du ciel. Ou, pour le dire plus prosaïquement, une météorite. Cette épée se nommait Aube et le siège de sa maison se trouvait aux Météores, à Dorne. Voilà qui nous fournit quelques indices sur l’origine de cette arme et la manière dont elle est entrée en possession de sa famille. Dans les livres, Aube est décrite comme une arme magique, dont la lame d’une blancheur laiteuse semble irradier une clarté lunaire.

Évidemment, il fallait que je me renseigne : existe-t-il vraiment dans notre monde des épées faites de fer météoritique ? Si vous êtes un lecteur assidu de littérature fantastique, vous vous doutez que la réponse est un « oui ! » bien franc et sonore. Lorsque le très aimé et très regretté auteur Terry Pratchett a été anobli pour devenir sir Terry Pratchett, il a longuement réfléchi à se procurer une épée (car tout chevalier qui se respecte doit en avoir une, n’est-ce pas ?). Ser Terry a décidé que la sienne devrait comporter un peu de sidérite, comme certains l’appellent parfois. « Durant la plus grande partie de ma vie, j’ai produit de l’intangible. Vous ne pouvez imaginer le sentiment d’accomplissement que l’on ressent lorsqu’on fabrique finalement un objet que l’on peut réellement toucher du doigt », a-t-il dit au sujet de son épée, qu’il a forgée lui-même. Alors, quelle est l’origine de ce métal voyageur ? Il provient de rochers qui dérivent dans notre système solaire ou qui nous viennent de bien plus loin dans l’espace, du cœur en fusion de planètes disparues depuis des millénaires et des millénaires. On en retrouve un peu partout à la surface de notre monde.

Il suffit de remonter le cours de l’histoire pour découvrir que depuis l’aube des temps, les humains ont toujours été fascinés par l’idée de fabriquer des objets à partir de météorites. Il existe une très lourde statue à l’image d’un bouddha, volée par les nazis au Tibet, qui fut taillée dans une météorite ataxite – un caillou spatial essentiellement composé d’un alliage de fer et de nickel. On estime que cette statue, appelée l’Homme de fer, a probablement été sculptée voilà un millier d’années, mais l’analyse chimique montre que la roche elle-même est sans doute tombée sur Terre il y a dix mille à vingt mille ans, dans le champ de météorites de Chinga, en Mongolie.

Pour les anciens Égyptiens, les météorites étaient « le métal venu du ciel » – un précieux don des dieux. Leur technologie ne leur permettait pas d’extraire le fer, car le point de fusion élevé de ce métal (mille cinq cent trente-huit degrés) nécessite les températures d’un haut-fourneau pour le séparer du minerai. Cependant, leurs habiles artisans savaient façonner de très beaux artefacts à partir des nodules de fer qu’ils collectaient. À l’ouverture de la tombe du pharaon Toutankhamon, on trouva parmi ses possessions une dague faite de fer météoritique. On découvrit aussi des perles de fer qui étaient devenues ternes et avaient rouillé au fil du temps, mais qui devaient avoir eu jadis un magnifique lustre irisé. Le collier du roi était fait de fer venu de l’espace, mêlé à d’autres minéraux fondus à très haute température dans le cœur d’une planète, il y a des millions d’années, et arrivé sur Terre après un long voyage.

Dans les années 1600, l’empereur moghol Jahangir se vit offrir un fabuleux poignard en fer météoritique orné d’incrustations d’or par un collecteur de taxes désireux de s’attirer ses faveurs. Ce dernier décrit comment il dut attendre patiemment que le métal brûlant refroidisse, après avoir vu le rocher tomber du ciel – probablement en recalculant les déclarations de revenus de ses administrés pour tuer le temps.

Attila le Hun possédait la légendaire épée de Mars, descendue des cieux tel un présent des dieux. Le tsar de Russie Alexandre Ier reçut une épée sidérale des mains d’un Anglais qui l’avait forgée dans la matière d’une météorite trouvée au cap de Bonne-Espérance.

La très grande valeur accordée au métal venu de l’espace se retrouve dans toutes les cultures, si distantes soient-elles. L’histoire la plus triste est sans doute celle des trois grandes météorites arctiques. Appelées le Chien, la Tente et la Femme, elles étaient considérées comme des trésors par les Inuits, qui s’en servaient pour fabriquer des pointes de harpons. À moins de faire du troc avec les Européens, ces météorites représentaient leur seule source de fer. En 1897, l’explorateur américain Robert Edwin Peary revint d’une expédition dans le Grand Nord en rapportant ces énormes rochers de l’espace sur le pont de son navire, ainsi que plusieurs hommes et jeunes garçons inuits, qui s’en allèrent vivre (et surtout rapidement mourir) dans un musée de New York où ces météorites sont encore exposées aujourd’hui.

Si vous regardiez par la fenêtre et voyiez une boule de feu traverser le ciel, puis un caillou de taille respectable s’écraser juste à côté de chez vous, n’auriez-vous pas envie de vous en servir pour couler une épée ? Et est-ce que ce serait une bonne idée ?

Eh bien, pour commencer, les météorites sont un peu les œufs Kinder de l’espace. Il est difficile de savoir ce qu’elles contiennent avant de les ouvrir. Et même là… Ce ne sera peut-être pas ce que vous espérez.

On peut penser qu’un objet solide qui a survécu à une chute depuis l’espace est probablement constitué d’un peu de fer, non ? La réponse est… oui et non. Le collectionneur et expert en météorites Martin Goff m’a appris que parmi les soixante-deux mille cent quarante météorites connues et répertoriées dans le monde, seules mille cent trente-deux sont ferreuses, soit 1,82 %. Pourtant, les météorites ferreuses ont toujours été surreprésentées dans les collections, et ce de manière vraiment notable. C’est en partie dû au fait qu’elles sont les plus faciles à reconnaître (demandez autour de vous à quoi ressemble une météorite, la plupart des gens vous décriront une météorite ferreuse), et en partie parce qu’elles résistent mieux à l’érosion que les autres, et peuvent donc attendre plus longtemps d’être découvertes. Elles ont également tendance à être plus grosses et plus lourdes. En fait, le poids combiné des météorites ferreuses répertoriées représente à lui seul à peu près 90 % du poids total de toutes les météorites connues !

Extrait de "Science & magie dans Game of Thrones" d'Helen Keen, aux éditions Albin Michel 

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