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Comment la Russie a pu s'adapter face aux sanctions occidentales depuis le début de l'offensive en Ukraine ?
Comment la Russie a pu s'adapter face aux sanctions occidentales depuis le début de l'offensive en Ukraine ?
©Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

Sanctions économiques

Malgré les lourdes sanctions occidentales, le FMI prévoit que la Russie échappera à la récession en 2023 et surtout qu’elle connaîtrait une meilleure croissance en 2024 que la zone euro. Mais la réalité est-elle aussi simple ?

Eric Chaney

Eric Chaney

Eric Chaney est conseiller économique de l'Institut Montaigne depuis janvier 2017.

De 2008 à 2016, il est le chef économiste d’AXA pour ses activités mondiales. Il conseille également diverses entreprises, financières et non-financières, sur les questions économiques et géopolitiques, par l’intermédiaire de sa société, EChO. De 2000 à 2008, Eric Chaney était le chef économiste Europe de Morgan Stanley, qu’il avait rejoint en 1995, après avoir dirigé la Division Synthèse Conjoncturelle de l’INSEE, où il animait en particulier la publication trimestrielle ‘Note de Conjoncture’. Il a été Maitre de Conférences à l’ENA (1993-1996), a siégé au Conseil des Prélèvements Obligatoires auprès de la Cour des Comptes (2010-2014), au Conseil Economique de la Nation (1997-2014) et au Conseil scientifique du Fonds AXA pour la Recherche. Il est membre du Conseil scientifique de l’Autorité des Marchés Financiers et, depuis 2014, est vice-Président du Conseil d’administration de l’Institut des hautes Etudes Scientifiques de Bures-sur-Yvette.

Ancien professeur de mathématiques et éditeur d’une publication mathématique de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, Eric Chaney est aussi ancien élève de l’ENSAE-Paris-Tech.

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Atlantico : En récession en 2022, avec une chute du PIB de 2,2%, le pays dirigé par Vladimir Poutine devrait connaître une très faible croissance économique en 2023 malgré les sanctions occidentales, selon le FMI. En 2024, la croissance de la Russie devrait être supérieure à celle de la zone euro. Comment l’expliquer ?

Eric Chaney : Les prévisions du FMI se font sur les prévisions du commerce des matières premières et du pétrole. Il y a eu une contraction de l’économie russe en 2022, donc la croissance de 2023 sera en partie le fait d’un rattrapage. Certes, pour 2022, on s’attendait à une contraction plus forte, mais les sanctions ont été contournées, aussi bien pour les importations de produits occidentaux - des pays voisins ont importé ces produits, en particulier ceux du secteur du luxe, et les ont exportés en Russie -, que pour les exportations de pétrole. 

La croissance aurait-elle pu être positive sans l’invasion de l’Ukraine ?

Dans des circonstances de reprise mondiale post-Covid où le prix des matières premières monte, avec une grande partie de la croissance du PIB russe dépendant du prix des matières premières, les estimations sont entre 5 et 10 points de PIB perdus par rapport à ce qu’aurait dû être la croissance russe depuis le début de la guerre en Ukraine. Bien évidemment, les croissances des pays européens ont également été affectées par la guerre de l’Ukraine, avec la crise énergétique qui a suivi, mais cet impact a été plus important pour la Russie. 

Et cela ne devrait pas s’inverser dans le futur. Les recettes proviennent des exportations de pétrole, de gaz et de produits raffinés, mais à des prix trop faibles pour équilibrer le budget. Par ailleurs, l’industrie ne se porte pas bien : la croissance de l’industrie automobile est proche de zéro. En cause, les difficultés à se procurer des pièces détachées en raison des sanctions occidentales. Il y a donc plusieurs pans de l’industrie russe qui sont à l’arrêt. 

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Notons que l’Union européenne a récemment utilisé une arme supplémentaire pour affaiblir la Russie, celle de l’assurance des navires pétroliers qui transportent le pétrole russe : les firmes européennes ne sont plus autorisées à assurer l’or noir russe. Les sanctions occidentales vont ainsi être de plus en plus efficaces. 

La seule grosse interrogation concerne l’action politique de la Chine. Va-t-elle sortir de sa politique zéro Covid en 2023 de manière certaine ? Si c’est le cas, la demande d’énergie chinoise augmentera, ce qui fera les affaires des Russes, qui pourront exporter leur pétrole. 

La Russie a-t-elle cherché à se diversifier depuis l’année dernière ?

L’économie russe est en train de se transformer structurellement en économie de guerre « arriérée » puisqu’elle n’a plus accès à la technologie occidentale, et la technologie chinoise dont elle bénéficie n’est pas aussi performante.

Poutine a condamné l’économie russe à la régression technologique, en matière de savoir-faire ou encore de valeur ajoutée. Les meilleurs ingénieurs fuient la Russie.

Par ailleurs, l’économie russe est donc en voie de vassalisation par la Chine. Certes, les Chinois achèteront encore le pétrole et le gaz russes, mais au prix qu’ils veulent, car c’est avant tout une question de monopsone (régime de formation des prix dans lequel un acheteur unique trouve en face de lui une multitude de vendeurs). De plus, la Russie dépend de la Chine pour bon nombre de produits industriels. Les exportations des automobiles chinoises en Russie ont été multipliées par deux ou par trois. Le prochain secteur touché sera l’aviation. 

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Cette vassalisation est d’ailleurs un renversement historique total : à l’époque de Mao, lorsque Khrouchtchev a décidé de retirer tous les techniciens soviétiques qui aidaient la Chine à s’industrialiser à cause de désaccords politiques, ce fut dramatique pour la Chine. Les Chinois n’ont pas oublié cet événement. Ils ont un profond mépris pour la gestion russe de l’économie.

Les sanctions pourraient-elles être alourdies ?

L’embargo sur le gazole russe commence tout juste.  Cela aura un impact sur les recettes de l’Etat russe. La batterie de sanctions est maintenant très importante, mais encore faut-il appliquer les sanctions ! Des pétroliers russes arrivent encore à échapper aux sanctions et à livrer du pétrole à destination des pays européens.

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