L’agriculture moderne a fait mentir Malthus : jusqu’à quand ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Sans l’agriculture moderne davantage de terres devront être défrichées, entraînant une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Sans l’agriculture moderne davantage de terres devront être défrichées, entraînant une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Tribune

Les apports technologiques de l’agriculture moderne ont, jusqu’à aujourd’hui, systématiquement démenti les effrayantes prédictions malthusiennes annonçant une pénurie alimentaire systémique et mondialement généralisée liée à une baisse des rendements agricoles. L’action conjuguée du réchauffement climatique sur le secteur primaire et la hausse ininterrompue de la pression démographique les remettent pourtant au goût du jour. Pour les éviter, un retour à la raison scientifique est nécessaire.

Jean-Baptiste d'Albaret

Jean-Baptiste d'Albaret

Jean-Baptiste d'Albaret est journaliste, consultant éditoral chez Clifluence. 

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Des signaux au rouge

D’ici 2050, une augmentation de 70 % de notre production de denrées alimentaires sera nécessaire pour nourrir une population mondiale, estimée à cette date par les projections de l’ONU, à 10 milliards d’êtres humains. La littérature scientifique a d’ores et déjà abondamment permis de détailler les conséquences délétères du réchauffement climatique sur les rendements agricoles. Un rapport de référence, publié le 4 septembre par l’Agence européenne de l’environnement, évoque une « alarmante cascade des répercussions du changement climatique sur les écosystèmes agricoles et la production de cultures », touchant en premier lieu les terres agricoles des régions du sud de l’Europe. Entre autres causes ? La multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes et, par définition, dévastateurs. D’ici 2100, la valeur des terres arables dans les régions du sud de l’Europe pourrait chuter de 60 à 80 %.

Certains observateurs perçoivent déjà les prémisses de ce qui pourrait advenir dans les décennies à venir. Le prix des denrées est, aujourd’hui, 33 % supérieur à novembre 2020. Une hausse que l’on impute, en partie à raison, aux conséquences délétères de la crise sanitaire sur les chaînes de valeur agricole. Mais d’un point de vue tendanciel, les prix des denrées alimentaires s’inscrivent dans une orientation haussière, en valeur nominale et réelle, depuis trois décennies, selon les données de l’indice fourni par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Si un rééquilibrage est attendu à la fin de la crise sanitaire, rien n’indique que cette tendance à la hausse s’inverse dans un monde contraint en rendements agricoles et soumis à une pression démographique toujours plus forte. Dans les décennies à venir, la part des individus ne pouvant se permettre une alimentation saine — estimée aujourd’hui à 4 humains sur 10 selon l’ONU — pourrait croître exponentiellement.

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L’agriculture moderne est un atout écologique

Sans l’agriculture moderne qui pourrait permettre une augmentation des rendements sur les terres déjà cultivées, davantage de terres devront être défrichées, entraînant de facto une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Une métaétude de l’université de Stanford, publiée en 2010, a prouvé que l’intensification agricole permise par les pesticides et les engrais, la motorisation ou encore un usage accru de l’irrigation a permis l’économie de 590 gigatonnes d’émissions d’équivalent CO2. En termes d’ordre de grandeur, cela correspond à un tiers de l’ensemble des gaz à effet de serre émis entre 1850 et 2005. Dans les années à venir, une extension du périmètre agricole cultivé pour nourrir une population en croissance aurait, très logiquement, des conséquences parfaitement néfastes sur l’environnement.

Nourrir plus, en produisant moins : l’impossible équation de la Commission européenne

Le Pacte Vert européen, dont la vocation louable est de rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050, inclut une transformation systémique de notre modèle agricole. Il aspire notamment, à travers les stratégies « De la ferme à l’assiette » et « Biodiversité », à limiter drastiquement l’usage de pesticide — d’environ 50 % — et à augmenter les superficies dédiées à l’agriculture biologique — en les multipliant par trois —. Alors même que les conclusions d’une métaétude réalisée par l’université de Stanford et publiée en 2012 dans l’Annals of Internal Medicine, a souligné que les aliments biologiques étaient, d’un point de vue nutritionnel, peu ou prou équivalents aux aliments classiques.

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Une étude, préparée par un centre de recherche de la Commission européenne et rendue publique dans un silence assourdissant en plein cœur de l’été, a dressé un tableau prospectif relativement sombre de ces stratégies. Ces travaux — qui doivent évidemment être lus avec circonspection — affirment que des baisses de production comprises entre 5 et 15 % sont à attendre dans les décennies à venir. Une réalité qui, de facto, entraînera un recours accru aux exportations et constituerait une menace pour notre souveraineté alimentaire. 

Refaire confiance à la raison scientifique

Le refus de capitaliser sur les progrès technologiques, dans le contexte actuel, apparaît comme un choix peu pertinent, aux conséquences potentiellement délétères. Pour les rendements d’abord. Le changement climatique contribue à la migration des ravageurs de culture, des maladies et fait émerger de nouvelles menaces pour les agriculteurs. Par exemple, le doryphore, nuisible pour la pomme de terre, s’est d’ores et déjà implanté en Norvège et en Finlande, où le froid aurait pu les tuer. Même avec des pesticides, un agriculteur peut perdre 40 % de sa récolte. Un taux qui peut grimper à 80 %, sans l’usage de pesticides.

Bien souvent, les argumentaires, portés par des dizaines d’ONG sur la prétendue dangerosité des pesticides pour l’environnement, relèvent en grande partie de la fraude scientifique. Une étude réalisée par l’Environmental Protection Agency américaine a ainsi révélé que 97 % des pesticides utilisés en Californie étaient moins toxiques que la caféine, consommée quotidienne et sans impact notable, à dose modérée, sur la santé humaine.

Plus que jamais, les agriculteurs doivent faire entendre leur voix pour remettre au goût du jour un usage encadré, strictement contrôlé et scientifiquement fondé des pesticides, des OGM et de tout ce qu’a apporté l’agriculture moderne. Pour continuer à faire mentir Malthus.

Jean-Baptiste d’Albaret

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