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"Jusqu’à ce que mort s’en suive" de Olivier Rolin : quand Charybde tue Scylla en duel. L’histoire de deux révolutionnaires du XIXème siècle
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De : Olivier Rolin Gallimard, collection blanche Parution le 4 janvier 2024 208 pages 19 €

Paul Beuzebosc pour Culture-Tops

Paul Beuzebosc pour Culture-Tops

Paul Beuzebosc est chroniqueur pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

L’héritage de Victor Hugo, l’Homme siècle, reste fertile. Une page d’un des chapitres des Misérables (1862) a inspiré l’auteur, enquêteur scrupuleux, pour approfondir le roman d’une haine entre deux révolutionnaires proscrits, réfugiés en Angleterre après le coup d'État du 2 décembre 1851. Conflit furieux entre deux idéologies, duel meurtrier entre deux violences incarnées, la vie oppose et la mort tranche ce que la révolte parisienne méconnue du 23 au 26 juin 1848 et la révolution tout court n’ont pas su réconcilier. Jusqu’à ce que justice bourgeoise et vengeance humaine soient faites avec l’exécution « jusqu’à ce que mort s’en suive » du survivant de ce duel fatal entre deux tempéraments opposés. 

POINTS FORTS

Olivier Rolin, activiste repenti est resté sensible au romantisme révolutionnaire. Il s’est saisi d’une plume inspirée de cette histoire qui a défrayé la chronique judiciaire tant en France qu’en Angleterre dont l’île libérale a hébergé nombre d’exilés politiques européens, le plus souvent bourgeois ou aristocrates progressistes, au cours du XIXème siècle. Elle met aux prises deux figures méconnues, chefs de mémorables barricades du côté de la Bastille trahissant deux visions opposées du monde. Frédéric Cournet, à droite si l’on peut dire, l’ancien marin, géant flamboyant et rebelle, et Emmanuel Barthélémy, à gauche toute, ouvrier austère, détenu intraitable et « gamin tragique », qui se retrouveront, trois ans plus tard à Londres, pour régler dans le sang leur mystérieux différent et leur honneur bafoué.

Maître de la digression et du récit, l’auteur réussit à concilier, dans une investigation quasi policière qui va sonder Hugo à Guernesey, l’Histoire, les scènes de vie et de crime, l’imagination des consciences, l’humeur des protagonistes et les sources des deux côtés du Channel. Il ménage le suspens jusqu’au moment fatidique : qui tombera lors de ce duel fratricide ? Pourquoi et comment mourra le survivant impliqué dans un nouveau meurtre ? Que reste-t-il aujourd’hui comme traces et comme témoins de ce drame entre frères ennemis ?

QUELQUES RÉSERVES

Sauf à refuser d’emblée le parti pris de la digression, je n’en vois pas. 

ENCORE UN MOT...

Récit inclassable, titre superbe suivi d’une parfaite mise en scène de l’intrigue qui va suivre, c’est bien à un spectacle de lutte entre morts en sursis qu’assiste le lecteur. En un temps qui renoue avec la violence de la haine, avec le sang du crime et du combat plus qu’avec la fièvre respectueuse du débat, cette étude de caractères revêt une actualité brûlante. 

UNE PHRASE

“Puisque vous avez entendu le mensonge, pourquoi ne pas souffrir la vérité ?.” (p. 48)

“La révolution généreuse contre la révolution doctrinaire". (p. 75) 

“La liberté, ils n’en voulaient pas pour nous ; ils n’en veulent pas pour eux.” (p. 91). 

“Un vrai militant  est insensible à ce qui n’est pas « la cause »”. (p. 113)

“Un de ces types (…) capables de devenir des bêtes féroces comme de mourir en héros.” (p. 121) 

“Tout cela lui paraît bizarre, cette agitation perpétuelle. Des histoires de Français.” (p. 147) 

“Il est entouré de cette aura sinistre de ceux qui vont mourir.” (p. 188).

L'AUTEUR

Né en 1947, normalien, Olivier Rolin est diplômé en philosophie et en Lettres. Militant et dirigeant de la Gauche prolétarienne et de la « Nouvelle résistance populaire » jusqu’en 1973, journaliste à Libération et au Nouvel Observateur, éditeur au Seuil, son œuvre littéraire couvre son expérience de Mai 68, ses voyages et un certain nombre de destins tragiques. Il a été récompensé par le prix Fémina pour Port Soudan (1994), le prix France Culture pour Tigre en papier (2003), le grand prix de littérature Paul Morand de l’Académie française pour Ensemble de son œuvre (2010). Ses dernières ouvrages : Extérieur monde (2019), Vider les lieux (2022) et Jusqu’à ce que mort s’en suive (2024) sont publiés chez Gallimard. Il est le frère de l’écrivain Jean Rolin.

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