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Journée d’intégration des candidats LREM : les 1001 vices du renouvellement qui se cachent derrière les effets d’affiche
©Capture d'écran Dailymotion

Bas les masques !

Malgré le renouvellement affiché des visages des candidats de La République en marche investis pour les législatives, des questions demeurent quant au véritable renouvellement en termes de pratiques politiques, au regard notamment de la sociologie des candidats.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Quelle sociologie paraît ressortir des candidats investis officiellement par La République en marche ? Au-delà du visage, incarnent-ils véritablement le renouveau annoncé ? 

Eric Verhaeghe : Il est encore un peu tôt pour dresser un portrait-robot exhaustif de ces candidats, surtout qu'ils ne sont pas tous désignés. Ce qu'on en sait aujourd'hui confirme que le "renouvellement" consiste surtout à désigner aux élections des candidats issus des catégories socio-professionnelles supérieures, plutôt jeunes, et appartenant à ces milieux bobos bien-pensants qui constituent le socle de l'électorat Macron.

Pour répondre à votre question, je dirais d'ailleurs volontiers qui les candidats En Marche ne sont pas. Par exemple, En Marche n'a pas investi le député socialiste sortant Malek Boutih, soutien de Valls. Boutih répond pourtant à de nombreux critères. Il a un investissement associatif, puisqu'il fut président de SOS Racisme. Il vient d'un milieu modeste. Sa mère était femme de ménage. Mais il pose sans doute plusieurs problèmes à En Marche. En particulier, Boutih, sans forcément se définir comme un identitaire, campe sur des positions très fermes en matière de laïcité. Il ne peut être soupçonné de tendresse vis-à-vis des islamistes. Il incarne une vision très intégrationniste du Vivre Ensemble. C'en est trop pour En Marche, où la bienpensance incline à plus de tolérance vis-à-vis des mouvements identitaires musulmans. C'est cette bien-pensance-là qui a bénéficié des investitures En Marche, au travers d'une procédure opaque qui a bien souvent caché des passe-droits. Beaucoup de ceux qui sont investis ont des parents influents qui ont joué des coudes pour placer leurs enfants.  

Parmi les candidats qui pourraient avoir une chance d'être élus, quel renouveau des pratiques politiques pourraient-ils insuffler ? 

C'est la grande inconnue. On a tendance, me semble-t-il, à confondre deux éléments très différents. Il y a le renouveau des gens, d'abord. C'est une bonne chose que les visages changent à l'Assemblée nationale, mais ça ne suffit pas. En réalité, l'Assemblée nationale n'est pas l'épicentre du pouvoir dans la Ve République, et le renouveau qui peut s'y pratiquer ne suffit pas à renouveler l'exercice du pouvoir lui-même. Il ne faut donc pas en attendre des miracles.

Surtout, il faudrait renouveler les institutions pour changer les pratiques politiques. Et sur ce point, Emmanuel Macron n'a guère d'ambition, si ce n'est une ouverture très modeste du CESE à des gens nouveaux. On est très loin de l'effort qui serait nécessaire pour changer la morphologie de la décision publique. Il faudrait repenser la notion de démocratie représentative pour progresser, pour rapprocher le pouvoir du citoyen, pour émanciper les individus de la tutelle de l'Etat. Et sur ce point, soyons clairs, rien ne changera. A de nombreux égards, projeter des "nouveaux" à l'Assemblée nationale est même paradoxalement une régression, dans la mesure où l'inexpérience renforce mécaniquement le pouvoir d'une technostructure omniprésente. Et sur ce point, on ne devrait pas tarder à constater que Macron est bien le candidat de la technostructure. 

Cette volonté d'imposer le programme au préalable ne va-t-elle pas à contre-courant des institutions ? 

Macron est l'héritier de la vision énarchique du Parlement, qui est emplie de mépris. La technostructure française méprise la démocratie représentative et considère qu'elle est plus légitime que les élus pour contrôler les rouages du pouvoir et de l'Etat. Ayons conscience que, envisagée sous l'angle actuel d'En Marche, la remise à plat du Parlement fait le jeu de la technostructure, qui aura face à elle des inconnus qui devront tout à Emmanuel Macron et qui n'aurons pas la compréhension de l'Etat, ni l'esprit critique autorisé pour remettre en cause des décisions qui seront plus que jamais centralisées. En ce sens, la victoire d'En Marche constitue un coup de force jacobin qui ne dit pas son nom.

A titre personnel, je ne trouve pas cela forcément critiquable, d'ailleurs, mais beaucoup de soutiens de Macron, qui ont voté pour lui avec une cécité proche du sectarisme primaire, risquent de découvrir dans quelques mois que leur adhésion à un programme de renouveau a juste constitué un blanc-seing donné à de hauts fonctionnaires pour prendre des décisions aussi cataclysmiques que celles qui sont prises depuis plusieurs années. On regardera de près l'évolution du dossier de la pénibilité pour comprendre vers où nous allons, mais je pense qu'on verra rapidement que la complexité administrative continue son oeuvre.

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