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Jeanine Mabunda : "Grâce à l'action que nous avons engagée, la RDC n'est plus la capitale mondiale du viol"
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Lutte contre les violences

Jeanine Mabunda, la première femme élue présidente de l'Assemblée nationale en République Démocratique du Congo, vient de recevoir à Paris le Prix de la Femme d’Influence politique. Dans le cadre d'un entretien pour Atlantico, elle se confie notamment sur son action et sur la lutte contre les violences faites aux femmes.

Jeanine Mabunda

Jeanine Mabunda

Jeanine Mabunda est une femme d'Etat de la République démocratique du Congo (RDC). Elle est présidente de l'Assemblée nationale. 

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Atlantico.fr : Vous êtes la première femme élue présidente de l’Assemblée Nationale en République Démocratique du Congo. Les violences faites aux femmes étaient au cœur des débats lundi 25 novembre, journée internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est une cause pour laquelle vous êtes très engagée dans votre pays, qui fait partie des plus touchés par ce fléau. Quelles actions avez-vous mis en œuvre pour lutter contre ces violences ?

Jeanine Mabunda : Avant d’être à l’Assemblée nationale, j’étais Représentant Personnel du Chef de l’État en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants soldats. J’étais ancrée au cœur des communautés et au cœur des populations, auprès des femmes congolaises dans un pays en conflit qui, en sortant de la guerre, avait peut-être des difficultés à asseoir la démocratie. 

Dans mon pays, je me suis toujours attachée à ce que mon action politique contribue à promouvoir la place des femmes dans la société. Il faut voir d’où la République Démocratique du Congo part. En 2010, la RDC a été désignée « capitale mondiale du viol ». J’ai été nommée en 2014 Représentant Personnel en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants soldats. Dès la première année, les premiers résultats sont là : nous avons contribué à faire baisser le nombre de cas de viols de 33 % entre 2014 et 2015, fait de l’application plus rigoureuse de la loi sur les violences sexuelles et de sanctions exemplaires. Nous avons obtenu à faire condamner 246 officiers militaires sur la même période, dont des officiers supérieurs. Nous sommes allés, sur le terrain, à la rencontre des Congolaises, des Congolais, des leaders d’opinion associatifs, religieux pour faire changer les mentalités et faire briser les tabous autour du viol afin que les victimes soient encouragées à dénoncer leurs bourreaux. En 2016, l’ONU a salué et reconnu nos actions et les progrès réalisés. De mauvais élève, nous sommes alors devenus un laboratoire d’expérimentation des expériences réussies dans la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants soldats.

Vous venez de recevoir à Paris le Prix de la Femme d’Influence politique. Qu’est-ce que ce prix représente pour vous ? Comment permet-il de mettre en lumière votre engagement politique en RDC ?

C’est un moment de satisfaction mais aussi d’émotion parce que c’est l’aboutissement d’un chemin qu’on a dédié au service de son pays et au service de la femme congolaise de tous les jours. Le Prix de la Femme d’Influence, c’est la représentation des femmes qui décident, des femmes qui comptent, des femmes qui sont impactantes. Mais notre influence ne compte que si elle change la vie des autres. Si elle change la vie de celles qui, justement, n’ont pas de voix et à qui on peut donner la parole.

Au terme des dernières élections législatives de 2018, j’ai été réélue députée et l’opportunité m’a été faite, à moi, femme, de devenir présidente de l’Assemblée nationale. Il faut quand même préciser une chose, ce sont 337 hommes parmi les 375 députés qui m’ont élue, sur 500 députés au total qui ont fait une confiance à une femme. Cela m’honore moi mais cela honore aussi la femme congolaise, sa résilience, sa combativité et sa volonté de construire la paix et la démocratie.

Félix Tshisekedi, président de la république Démocratique du Congo, a été élu il y a 10 mois. La RDC vit néanmoins sous un régime de coalition avec le parti de l’opposition de l’ancien président Joseph Kabila. Dans ce gouvernement de coalition, comment envisagez-vous votre rôle en tant que présidente de l’Assemblée nationale ? Comment arrivez-vous à faire avancer vos projets ?

Je crois déjà que le fait que la République Démocratique du Congo, un pays considéré mauvais élève dans l’Afrique des Grands Lacs, puisse tenir des élections, respecter le résultat de ces élections, passer une transition pacifique sans effusion de sang, est déjà la plus belle victoire pour tous les Congolais. Il y a 46 millions de Congolais qui ont voté. Ce n’est pas quelque chose de banal dans un pays qui a la taille de l’Union Européenne où les distances sont comme entre Londres et Moscou. Et de le faire, franchement, je dis respect aux Congolais qui ont accepté de jouer le jeu.

Maintenant, tout en votant, ils ont envoyé un message : ils refusent la confrontation, les divisions, la course au pouvoir pour le pouvoir et des blocs politiques qui s’affrontent. Ils ont choisi un président d’une sensibilité politique, qui venait de l’opposition mais ils ont donné la confiance au quotidien, sur terrain, aux députés nationaux qui appartiennent à la structure politique de l’ancien président. À travers ce choix, ils nous disent :« Essayons de construire ensemble la RDC, qu’on s’unisse sur ce qui nous rassemble et qu’on ne se divise pas sur ce qui nous sépare. ».

La coalition c’est une opportunité de consolider la démocratie, de valoriser la paix parce que la paix est quelque chose de fragile. Tous les jours, la vie de certains Congolais – on l’a encore vu récemment avec Beni - est encore mise en jeu, mise à prix, par des groupements qui portent un vrai problème de sécurité sur nos populations et donc un vrai problème de menace à la paix. Et nous, Assemblée nationale, on est l’église au milieu du village, on est garants de ce chemin de paix que les Congolais ont choisi. Et moi, je serai dans cette logique-là de respecter la volonté des citoyens congolais d’aller vers un chemin de démocratie et de paix.

Pour retrouver l'interview de Jeanine Mabunda en vidéo : ICI

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