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Jean-Luc Mélenchon : quelle part de vote communautaire ?
©JOEL SAGET / AFP

Vote des urbains

La dynamique constatée dans les urnes pour le candidat de la France Insoumise a été portée par de nombreux quartiers et banlieues des grandes villes.

Atlantico : À quel point pouvons-nous observer une superposition entre la carte du vote Jean-Luc Mélenchon et celle où les populations immigrées sont les plus fortes ?

Laurent Chalard : Le premier électorat du candidat Mélenchon provient de territoires où sont surreprésentés des minorités visibles. Il s’agit des banlieues des grandes métropoles : Paris, Lyon, Marseille. En Île-de-France, on retrouve sans surprise des communes de Seine-Saint-Denis, de l’est du Val-d’Oise ou du sud de Paris. À Lyon, le fort vote Mélenchon se retrouve à l’est de la ville comme à Vénissieux ou à Vaulx-en-Velin. Enfin à Marseille, il s’agit des « quartiers nord » où la proportion de minorités visibles est la plus forte. Il est indéniable que ces communautés ont « survoté » pour le candidat, elles expliquent une performance meilleure qu’attendue, mais résumer le vote Jean-Luc Mélenchon aux minorités est réducteur. Si l’on regarde la carte du vote Jean-Luc Mélenchon à l’échelle nationale, il n’y a pas une corrélation totale entre la présence de minorités visibles dans les communes et le résultat final.

Quest ce qui explique le vote communautaire pour Mélenchon ? Est-ce ses prises de positions ou simplement le contexte ? 

Le vote communautaire pour Jean-Luc Mélenchon est complexe. Tout d’abord, on ne peut pas parler d’un vote communautaire car on ne peut pas regrouper dans un même ensemble les minorités visibles. Un Français d’origine antillaise ne se sent pas appartenir à la même communauté qu’un Français d’origine maghrébine. Mais dans un contexte de peur de l’extrême-droite, les populations issues des minorités visibles ont eu peur. La montée d’Éric Zemmour et sa radicalisation du discours a amené de nombreuses communautés à considérer Jean-Luc Mélenchon comme le meilleur rempart. Face à ce discours, qu’elles ont perçu comme haineux et raciste, le candidat de la France Insoumise est devenu pour elles celui qui pouvait le mieux les défendre. C’est cette peur de la radicalisation d’Éric Zemmour qui a entraîné cette population vers Jean-Luc Mélenchon.

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Notons aussi que le candidat a eu un fort soutien de la communauté maghrébine. Le clientélisme électoral de LFI se destine à cette communauté avec des discours politiques s’adressant à de nombreuses reprises à cette population. Si on ne peut pas parler de vote traditionnel acquis des minorités visibles pour le candidat, il y a bien eu un vote acquis pour la communauté maghrébine. 

Enfin, il ne faut pas oublier que durant la crise des Gilets jaunes, de nombreuses personnes issues des minorités visibles, notamment des Antillais, se sont identifiées à Jean-Luc Mélenchon. 

Peut-on savoir quelle part du très bon score de Jean Luc Mélenchon est attribuable à ce vote communautaire ? 

Sans statistiques ethniques, il est très difficile de le savoir. Ici on parle uniquement de minorités visibles et on fait des corrélations à partir des territoires de votes. Quand on prend une commune comme Bobigny où les minorités visibles sont très largement surreprésentées, Jean-Luc Mélenchon fait plus de 50 % et on établit une corrélation. On ne peut cependant pas établir de pourcentage sur son électorat à l’échelle nationale même s’il représente une part non négligeable, mais minoritaire, lui ayant permis d’enclencher une dynamique.

Au-delà des minorités, comment se compose l’électorat de Mélenchon ? 

Une partie des communes qui ont donné le champion de LFI en tête sont des circonscriptions rurales, isolées où il y a peu de populations issues des minorités visibles. Il s’agit de certaines parties de l’Ardèche, de la Drôme, de la Lozère ou encore de l’Ariège. On ne peut donc pas considérer que le vote pour Jean-Luc Mélenchon est celui d’un seul type d’électorat, Mélenchon agrège plusieurs votes. C’est cette agrégation de plusieurs votes qui lui a donné son score. Lorsque l’on regarde plus en détail son électorat, il réunit quatre types de territoires qui correspond à trois types d’électorat.

Nous avons déjà parlé des minorités visibles, mais il y a un second électorat mélenchoniste qui est jeune (18-24 ans) et composé d’étudiants. Et cela explique pourquoi LFI fait des scores honorables dans les grandes villes universitaires comme Rennes ou Aix-en-Provence. Cette commune chic de la périphérie marseillaise, qui traditionnellement vote à droite, a vu Jean-Luc Mélenchon arriver en seconde position avec 23,41% des voix. Si l’on regarde la sociologie de la ville, cela s’explique par la présence d’étudiants. 

Son troisième type d’électorat vient de la ruralité des « écologistes-alternatifs ». Cette population vote plutôt EELV aux élections européennes, mais par vote utile elle a reporté ses voix vers LFI. Ainsi, on voit apparaître des territoires ruraux peuplés d’alternatifs comme l’arrière-pays de la Drôme ayant voté Mélenchon. Si l’on prend la ville de Die, on retrouve 43 % de vote pour Jean-Luc Mélenchon. C’est l’exemple type d’une petite ville peuplée d’alternatifs écologistes, qui par vote utile a survoté LFI par rapport à 2017. 

Un dernier est celui des Outre-Mer où Jean-Luc Mélenchon a été très performant, et qui est un poids non négligeable de l’électorat.

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