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"Non, Jean-Claude Trichet n'est pas un sado monétariste !"
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Banquier central européen

Carmignac s'est payé une pleine page dans le Financial Times cette semaine pour donner quelques conseils à Jean-Claude Trichet. L'économiste Jean-Marc Daniel arbitre le match entre le fond de gestion du Français Édouard Carmignac et le Président de la BCE.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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 [Préambule: La lettre adressée au gouverneur de la BCE, publiée dans le Financial Times]

A l’occasion du départ de Jean-Claude Trichet de la présidence de la Banque Centrale Européenne, il est de nouveau de bon ton de s’attaquer à lui et de refaire son procès en « sado-monétarisme ».  Carmignac vient de le faire avec des arguments parfois intéressants mais souvent polémiques et véhiculant une pensée économique vaguement keynésienne, à mon sens aujourd’hui bien dépassée. Cette vision de l’économie qui voudrait que la croissance repose sur des taux d’intérêt bas - 0% - et  une dévaluation de la monnaie fleure bon les années 1960 et son keynésianisme hydraulique. Quelle que structurée qu’elle puisse paraître, je ne pense pas qu’elle corresponde aux besoins du temps présent.

Dans les critiques de Carmignac à Trichet, je partage l’idée qu’il est indispensable, naturel et conforme au rôle d’une banque centrale que la BCE achète la dette des États membres de la zone euro. Que certains commentateurs aient oublié que les banques centrales ont été créées comme prêteurs en dernier ressort est de fait affligeant. Que certains pensent qu’en achetant de la dette publique aux banques la banque centrale créé de la monnaie alors qu’elle se contente de changer la nature de la monnaie déjà créée par les banques de second rang lors de leur acquisition de dette publique est surprenant.  Que certains tirent de cette erreur d’appréciation sur qui crée effectivement de la monnaie la vision d’une invraisemblable menace inflationniste est déroutant. Mais Trichet en la matière est plus une digue face aux visions de certains milieux allemands que le responsable de l’incroyable aberration intellectuelle sur le statut des dettes publiques qui ébranlent la zone euro. Ce n’est pas Trichet qui appelle au défaut grec mais son collègue le gouverneur de la banque centrale des Pays Bas, histoire de punir les Grecs et surtout les banquiers qui leur ont prêté sans réaliser qu’in fine ce sont tous les Européens qui seraient punis par un défaut grec.

En revanche, croire, après les dégâts de la gestion Greenspan, que les taux zéro font de la croissance ; croire après les dégâts politiques et économiques des dévaluations compétitives des années 1930 que dévaluer apporte de la croissance ; tout cela paraît étrange. L’appréciation de l’euro améliore les termes de l’échange de la zone. Jusqu’à preuve du contraire, une amélioration des termes de l’échange signifie plus de pouvoir d’achat, un allègement de la facture pétrolière, une pression sur les entreprises pour faire de la productivité. Et la croissance économique repose non sur la captation en pirate de parts de marché par des dévaluations brutales dont les impacts s’effacent en inflation et en effet « Stolper-Samuelson » mais sur un accroissement permanent de la productivité poussée par la concurrence nationale et internationale et par l’incorporation régulière d’innovation. Si Trichet dévaluait à tout va notre euro, il aurait injecté de l’inflation dans la zone euro plus que de la croissance et cela aurait encore davantage nui à la pérennité de l’euro.

Pour revenir à la lettre de Carmignac, je signe des deux mains son propos quand il manifeste sa déception face au cafouillage des dirigeants européens. On parle de défaut grec, mais ce qui fait défaut en ce moment, c’est moins la Grèce que la volonté. Néanmoins, le spectacle affligeant des sommets qui s’enchaînent et s’enferrent  ne doit pas masquer l’œuvre accomplie qui est, elle, loin d’être pathétique. L’Europe avance, mais dans la douleur, la tension et l’angoisse qui génèrent une incertitude dommageable. On ne saurait l'imputer à Jean-Claude Trichet.

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