Jackie Kennedy à la Maison Blanche : ce qui lui a permis de reconquérir son mari <!-- --> | Atlantico.fr
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Jackie Kennedy et son mari.
Jackie Kennedy et son mari.
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Bonnes feuilles

Jackie Kennedy n’était pas qu’une icône du glamour et de la mode. Elle était aussi, et surtout, une visionnaire, passionnée d’histoire et de littérature, parlant couramment le Français et l’Espagnol. Incarnant le concept de "soft diplomacy", Jackie Kennedy était un atout indispensable à la Maison-Blanche. Extrait de "Jackie, une femme d’influence", publié aux Editions du Moment.

Maud  Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin part à France-Soir au service politique pour suivre la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock.

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« J’ai toujours pensé qu’il y avait une bonne chose à la Maison Blanche, qui compensait le côté “bocal à poissons rouges” et le ser- vice de sécurité présidentiel : on était hermétiquement coupés du monde extérieur. […] On pouvait vivre là-bas une curieuse petite vie, enfin, je parle de la vie privée 1. »

Jackie Kennedy ne l’aurait jamais imaginé : la Maison Blanche est une vraie « maison ». Les sept premières années de leur mariage, John Kennedy était perpétuellement sur les routes à faire campagne. Le voici sédentaire. Depuis son arrivée au pouvoir, le « Jack Kerouac » de la politique se tient tranquille, à quelques mètres d’elle, dans le Bureau ovale. Paradoxalement, alors qu’il gouverne le pays, « nous n’avons jamais été aussi proches », commente Jacqueline 2.

En devenant président des États-Unis, JFK serait-il devenu un Américain moyen, avec sa maison, son jardin, sa femme, ses enfants et son chien ? Pas loin. À la Maison Blanche, les Kennedy découvrent la « vie de famille ». Une vie plus cadrée, avec des heures de bureau et des heures de repos. Chose que le couple n’avait pas connu, et dont Jackie se souvient avec plaisir. « À huit heures moins le quart, quand George 3 venait frapper à notre porte, il se levait et allait prendre son petit déjeuner dans sa chambre. Moi, soit je me faisais apporter le mien, soit je somnolais encore un peu. Ensuite les enfants arrivaient et se précipitaient sur la télévision, et on entendait des rugissements qui venaient des dessins animés […].

Jack petit-déjeunait assis sur une chaise avec un plateau en face de lui, lisant les cinquante journaux du matin ou les piles de livres qu’il devait passer en revue […] au milieu de ce vacarme. Puis il prenait un bain dans la salle de bains des invités. […] Le bord de la baignoire était couvert de petits animaux flottants, des canards, des cochons roses… parce que Jack demandait des jouets pour s’amuser avec John. Ensuite, tous les matins il descendait avec Caroline dans son bureau 1. »

Si John Kennedy n’est pas encore un « papa poule », les photos de famille tant diffusées par le service communication de la Maison Blanche illustrent un style de vie nouveau. Certes, c’est un plan marketing qui nourrit l’image de la « famille américaine modèle ». Mais les petits Kennedy partagent une réelle proximité avec JFK. Comme tout père des années 1960, il demeure loin de l’éducation quotidienne de ses enfants, mais il a voulu construire une relation étroite avec eux… Réflexe qu’il n’a jamais eu envers sa femme.

« Quand il terminait sa journée, les enfants venaient jouer dans le Bureau ovale […] John jouait sur la machine à écrire de Madame Lincoln 2. » En évoquant son mari, Jackie le ferait presque passer pour un père modèle. À l’image des célèbres clichés qu’il a lui- même fait faire de son fils jouant sous son bureau. Une photo emblématique de la mythologie Kennedy, où l’on voit le petit John à quatre pattes sous l’impressionnant Resolute Desk 3, et qui a été soigneusement préparée… Une mise en scène « inspirée de faits réels », dirons-nous. « Jack travaillait très tard le soir, et il fallait jongler avec les siestes des enfants pour qu’il les voie. Il aimait passer une demi-heure avec eux avant le dîner […]. Il jouait avec eux-mêmes quand il y avait un dîner officiel. 1 » Une attitude moderne à une époque où distance émotionnelle et relations for- melles avec les enfants étaient de mise.

Mieux, Kennedy aime les tout-petits. Loin de se formaliser, il est le premier ravi lorsque sa fille de trois ans et demi ouvre un jour la porte de son bureau en plein brainstorming avec ses conseillers. En pyjama et chaussée des escarpins de sa mère, Caroline déclare très à l’aise : « Maman veut te voir tout de suite ! »

Quand son agenda le lui permet, le Président n’hésite pas à passer une tête à « l’école ». Une première à la Maison Blanche. Selon un article d’un Paris Match2 de l’époque, « un des soucis de Jackie est de pouvoir élever ses enfants à la Maison Blanche sans qu’ils deviennent différents des autres ». Au lieu de faire venir des précepteurs, Jacqueline a donc ouvert un jardin d’enfants au sein de la résidence pour que Caroline apprenne entourée d’autres enfants de l’administration Kennedy.

« Jack venait toujours dans le jardin à l’heure de la pause du matin, il frappait des mains et tous les petits de l’école accouraient. […] Il y avait les poneys de Caroline, White Star et Black Star. Il organisait une course et il laissait toujours Caroline gagner. 3 »

Nicole Bacharan, spécialiste des États-Unis, souligne un point important : « Le fait de mêler leur fille aux enfants du personnel de la résidence est très novateur. C’est une volonté de mixité sociale étonnante pour l’époque et pour leur milieu 4. »

À la Maison Blanche, la priorité de Jacqueline, « ce sont [ses] enfants », répète-t-elle. Là aussi, c’est une exception dans son milieu ; peu de femmes de son rang s’occupent de leur progéni- ture avec autant de soin. Ainsi, lors du dîner exceptionnel en présence de Pablo Casals, Paris Match1 rapporte : « Jackie, délais- sant ses invités, vient convaincre le petit John de se laisser coucher sans pleurer. Selon sa nurse, ce n’est pas un enfant terrible. » La nurse – anglaise, of course –, c’est Maud Shaw.

Depuis les tout premiers jours de Caroline, elle veille sur les Kennedy. Car si Jacqueline est très impliquée, elle est secondée de près. C’est évidemment la nurse qui se consacre à la logistique quotidienne, lève les petits le matin, leur fait prendre le bain… La très rousse Mademoiselle Shaw a aussi pour consigne d’insister sur les bonnes manières et la discipline ; pour ne pas en faire des divas. Les gardes du corps ont aussi interdiction de porter les affaires des enfants ou de trop les aider. Pas question qu’ils apprennent à « se faire servir ».

La maman « modèle » a un seul credo : offrir une vie aussi normale que possible à Caroline et à John. Une tâche ardue quand chaque sortie ameute des dizaines de photographes.

Aidée par les services de sécurité, Jacqueline ruse pour les emmener jouer au parc de Q Street ou dans les lieux publics de Georgetown. Pour y parvenir, les bodyguards multiplient ce qu’ils appellent dans leur jargon des « mouvements spontanés » : des sorties secrètes et impromptues afin de prendre de court les papa- razzis et les badauds. Pour les gardes du corps à l’affût, cela permet de limiter les tentatives d’enlèvement et, pour la mère-louve, de limiter les photos volées 2.

Enfermée dans le « bocal à poissons rouges », Jackie souffre parfois de tous ces subterfuges qui l’épuisent. La présence pesante des services de sécurité renforce ce sentiment d’étouffement. Pourtant, elle a très vite la chance de tisser des relations de confiance avec certains gardes du corps. Surtout avec Clint Hill, pas franchement enchanté en découvrant son nouveau boss. « J’ai pris ça pour une sanction. J’avais fait partie de la garde rapprochée du président Dwight Eisenhower. Avec lui, j’avais l’impression d’être au centre du monde. Moi, l’enfant adopté du Dakota du Nord. Je n’avais rien contre Mrs Kennedy, mais je ne me sentais aucune affi- nité avec elle. J’avais vingt-huit ans, je ne me voyais pas courir les thés dansants et les galas de charité avec la First Lady 1. » Pourtant, dès leur première rencontre, le courant passe. Ce qui n’est pas si simple. « Elle m’a donné rendez-vous chez elle, à Georgetown. […] Elle me fixe un instant, puis détourne le regard. J’ai compris qu’il faudrait l’apprivoiser pour gagner sa confiance. Un de mes collègues, choisi pour ce poste, n’y était pas parvenu. Il avait été muté. Mes supérieurs ont dû penser qu’entre nous, ça collerait. Ils ont eu raison. […] Je l’appelais “Mrs Kennedy” ; elle, “Mr Hill”. La plupart du temps, j’attendais qu’elle m’adresse la parole. »

Extrait de "Jackie,une femme d’influence", de Maud Guillaumin, publié aux Editions du Moment, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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