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"J'ai l'énergie d'une lionne dans un corps d'oiseau" de Patricia Bouchenot-Déchin : Rosa Bonheur, sa vie son œuvre
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Patricia Bouchenot-Déchin publie "J'ai l'énergie d'une lionne dans un corps d'oiseau" aux éditions Albin-Michel.

Anne Jouffroy pour Culture-Tops

Anne Jouffroy pour Culture-Tops

Anne Jouffroy est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

« J'ai l'énergie d'une lionne dans un corps d'oiseau », dit Rosa Bonheur à son frère Isidore, le 3 janvier 1899 peu de temps avant sa mort.

Rosa Bonheur (1822-1899), adulée à son époque mais vite tombée dans l'oubli au XXe, suscite un regain d'intérêt en cette année de son bicentenaire car elle est dans « l'air du temps ». C'est une ardente féministe et une pionnière sur les terrains de l'écologie et de l'attention portée aux animaux qui, dans ses œuvres, accèdent au statut de véritables personnages. 

Formée dès l'enfance par son père peintre, Raymond Bonheur, elle connut une carrière fulgurante et exceptionnelle pour une femme artiste au XIXe. Très vite reconnue, elle vend ses premières toiles dès ses 14 ans. A partir de 1841 -elle a 19 ans- elle expose tous les ans au Salon de Paris. En 1848, elle reçoit une médaille d'or pour son tableau Boeufs et Taureaux, race du Cantal. Cette œuvre qui selon le jury représente “la vie laborieuse des champs avec autant de poésie que de vérité”, annonce l’immense succès en 1849 de son Labourage nivernais immédiatement acheté par l’Etat et qui de nos jours est au musée d’Orsay. En 1855 à l’exposition universelle de Paris, elle présente Le Marché aux chevaux qui est depuis 1887 au MET de New York. Ses portraits, ses paysages et ses scènes animalières d'un style réaliste nimbé de tendre mélancolie ont un tel succès qu'elle peut réaliser ses rêves de liberté et d'indépendance financière. 

Meurtrie, à 12 ans, par le décès de sa mère morte à la tâche pour élever ses enfants alors que son père avait quitté le foyer familial pour rejoindre le couvent saint-simonien de Ménilmontant, Rosa fait le vœu de ne pas se marier, de « rester vierge et pure » et de se vouer à l'art. De retour à la maison après la disparition de sa femme, Raymond Bonheur se laisse convaincre par Rosa qui affirme avec autorité: « Je serai artiste ». 

En 1860, Rosa s’installe au château de By à Thomery en lisière de forêt de Fontainebleau, où elle fait construire un très grand atelier et aménage des espaces pour ses animaux : lapins, mouflons, cerfs, biches, sangliers, moutons, chevaux, boeufs, chiens, et même un couple de lions, le mâle en cage, la femelle en liberté. Le château de By est, dit-elle, « le domaine de la  parfaite amitié » entre les hommes et les animaux.

Lors de ses voyages de Paris à Londres, des Highlands à la French Riviera, Rosa est célébrée. En Grande- Bretagne, elle ne peut se promener incognito. Plusieurs centaines de personnes la suivent en permanence dans la rue, crient son nom et applaudissent dès qu'elle apparaît.

Pourquoi a-t-elle été oubliée au XXè siècle ? Sans doute parce que son style n'était plus à la mode... Cézanne disait : « Mon Dieu, c'est horriblement ressemblant !».

POINTS FORTS

D’une plume vivante on découvre la vie romanesque de Rosa et sa carrière, commencée si tôt. Les évocations de la société du XIXe sont intéressantes :  le mouvement  saint-simonien, les recherches scientifiques sur les animaux et les végétaux, la vie mondaine et le réseau artistique de Rosa, le monde rural encore peu touché  par la révolution industrielle et la mobilité nouvelle apportée par le développement du chemin de fer. Rosa ne cesse de travailler et de voyager. 

QUELQUES RÉSERVES

Mis à part le tableau de la couverture Rosa Bonheur peignant dans les Highlands écossais (détail) de Frederick Goodall, 1856-1858, on regrette l’absence d’illustrations. Quelques-unes des œuvres les plus emblématiques de Rosa  auraient été les bienvenues.

ENCORE UN MOT...

Mais rien de tel que de voir ou revoir les œuvres de Rosa “ en vrai ”, dans un  musée ! Pour célébrer le bicentenaire de Rosa Bonheur des expositions sont annoncées pour ce printemps et cet automne. L’une du 18 mai au 18 septembre 2022 aux musée des Beaux-Arts de Bordeaux (ville natale de Rosa) et la seconde à Paris au musée d’Orsay du 17 octobre au 15 janvier. En outre, le château de By, où tout est resté en place depuis le décès de Rosa (meubles, décoration, photos, archives, atelier, animaux empaillés…) est ouvert à la visite : Rosa Bonheur : son œuvre et sa vie au château de By. Cela dit, beaucoup d’autres évènements mettront Rosa à l’honneur cette année.

UNE PHRASE

- « Nivernais, château de la Cave, fin septembre 1848

Le motif lui est venu d'un seul coup sans hésiter. C'était la veille, au soir de leur arrivée. Des bœufs magnifiques, puissants et paisibles, attelés par six, associés deux à deux, tiraient une charrue à peine visible. La présence de l'homme et du soc qui enfonçait profondément à chaque pas ne se devinait qu'au soulèvement des mottes d'une terre sombre, profonde et riche. Un bouvier marchait à leur suite, la badine symboliquement à la main, tant les animaux connaissent leur place, leur tâche et l'accomplissent sereinement. Il y avait dans ce tableau quelque chose qui d'emblée a enthousiasmé Rosa. Elle a déjà traité ce thème, mais en voyant ces bœufs, elle a su qu'elle était venue pour peindre cet instant de vie généreux, fertile, presque joyeux, et qu'il représentait bien plus qu'une simple scène de labourage nivernais. » (p. 142)

- « Curieuse d'aller repérer au plus près le cadre tel qu'il commence à lui apparaître, Rosa a déjà fait quelques croquis pour la composition générale. Elle veut centrer son sujet sur l'attelage puissant, cadré serré, occupant l'essentiel de la toile. Le travail et le regard des bœufs plus que ceux des hommes. Malgré les honneurs reçus, l'année passée a été une terrible éducatrice. Elle est venue lui rappeler que malheureusement l'espèce humaine ne vaut pas en général les animaux. Quand elle sera à Paris, il faudra qu'elle retrouve dans ses précédentes études celle d'un bœuf dont elle avait saisi le regard qui la fixait avec une acuité particulière. Elle veut en faire son sujet central : l'animal qui regarde l'homme et l'interroge sur cette sagesse qu'il croit détenir. L'âme du bœuf s'interrogeant sur celle de l'homme. » (p.146)

L'AUTEUR

Patricia Bouchenot-Déchin est historienne et conseillère scientifique chargée de la restauration du parc du château de By à Thomery.  Elle a publié des romans et des biographies parmi lesquels La Montansier, une femme d’affaires, biographie, Perrin, 1993 ; Au nom de la reine, roman, Plon, 1998 ; André Le Nôtre, essai, éditions du Rocher, 2006 ; Perrault, biographie, Fayard, 2018. 

Dans le catalogue des expositions à Bordeaux et au musée d’Orsay, on trouvera 2 articles de Patricia Bouchenot-Déchin L’ampleur et l’influence des réseaux de Rosa Bonheur et L’atelier de plein air de Rosa Bonheur, parus dans Rosa Bonheur (Sandra Buratti-Hasan et Leïla Jarbouai (dir.), Paris Flammarion, 2022 ).

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