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La fausse bonne idée d'un État palestinien reconnu par l'ONU
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Guerre et Paix

Le Hamas et le Fatah viennent de s'entendre, à la surprise générale, pour former un gouvernement non partisan jusqu'à la tenue d'élections présidentielle et législative d'ici à un an. Ne manquerait plus qu'une reconnaissance de l'État palestinien par l'ONU ? Pas si sûr, tant cette initiative diplomatique pourrait devenir une bombe à retardement.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Dans la longue histoire des initiatives diplomatiques autour du conflit israélo-arabe, tout laisse à penser que c’est maintenant le tour de l’Assemblée générale des Nations unies d’en écrire un nouveau chapitre lors de sa prochaine session à l’automne de cette année en adoptant, ou tout au moins en se proposant d’adopter, une résolution visant à reconnaître officiellement un Etat palestinien.

Il convient d’emblée de rappeler que pour avoir force légale sur le plan international, une résolution de ce genre devra être proposée et a fortiori entérinée par le Conseil de sécurité. Or les USA ont déjà fait savoir qu’ils n’approuvaient pas cette initiative diplomatique. Le couperet du veto américain se précise donc. Supposons tout de même, simple hypothèse de travail, que les Etats-Unis s’abstiennent d’opposer leur veto et que la Palestine soit proclamée le 193e Etat des Nations unies.

Cette reconnaissance n’apporterait pas de solution aux deux points dont dépend tout accord de paix israélo-palestinien, à savoir : la question des frontières et ce qu’on appelle le « droit au retour » en Israël des Palestiniens partis en 1948 ainsi que de leurs descendants.

La question des frontières

Quant à la question des frontières, le contentieux concerne le statut de Jérusalem Est et les implantations juives en Cisjordanie, car Israël s’est déjà retiré de la bande de Gaza et a cédé à l’Autorité palestinienne plus de la moitié de la Cisjordanie. La nouveauté à cet égard résiderait dans le fait que, en cas de reconnaissance par l’ONU de l’Etat palestinien, Israël occuperait une partie d’un territoire appartenant à, ou revendiqué par, le nouvel Etat membre de l'ONU. Or, il y a plusieurs cas semblables actuellement ; celui de la Turquie qui investit la moitié de Chypre depuis 1974, celui de la Russie qui en fait de même dans plusieurs parties de la Georgie et de la Moldavie, et celui du même Israël qui lors de la guerre de 1967 prit à la Syrie le plateau du Golan. L’ONU n’ayant d’opération internationale en cours dans aucun de ces cas, on ne voit pas pourquoi elle agirait avec plus d’emphase dans le litige territorial qui opposerait le nouvel Etat palestinien à Israël.

Deux Etats palestiniens sinon rien

Le « droit au retour » constitue de loin le principal point de blocage de toute solution négociée. Exiger qu’Israël accepte les Palestiniens partis en 1948, et leurs descendants de surcroît, équivaut à demander non pas un, mais deux Etats sous contrôle palestinien : l’un, officiellement nommé Palestine, où il n’y aurait que des Palestiniens ; l’autre, nommé provisoirement Israël, lequel, si l’on mettait en pratique le « droit au retour », serait à terme englouti par une population palestinienne devenue à terme majoritaire. Inutile de dire qu’une telle exigence, en plus d’être dépourvue de sens, demeure inacceptable pour l’Etat hébreu.

Selon des documents confidentiels dévoilés en janvier dernier par la chaîne Al-Jazeera, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, avoue en privé qu’"insister sur le droit au retour" serait "illogique" et "équivaudrait à la fin d’Israël". Mais en public, un représentant de la même Autorité palestinienne du même Mahmoud Abbas vient de déclarer que le « droit au retour » constitue un droit fondamental auquel les Palestiniens ne sauraient renoncer.

Voilà donc le blocage fondamental auquel se heurte toute solution du conflit israélo-palestinien. Toutefois, la reconnaissance par l’ONU d’un Etat palestinien ne toucherait en rien ce point de discorde essentiel et donc incontournable.

L'ONU, alliée du Hamas malgré elle ?

Bien que la reconnaissance par l'ONU d'un Etat palestinien ne résoudrait pas les deux points litigieux traités ci-dessus, elle ouvrirait en revanche une fenêtre d’opportunité pour l'aile radicale du mouvement palestinien, le Hamas, lequel serait tenté d’intensifier les tirs de roquettes sur Israël afin d’obliger l’armée israélienne à lancer une nouvelle incursion sur Gaza. Le Hamas viserait ainsi trois grands objectifs politiques : primo, faire condamner Israël à l'ONU, et éventuellement porter le cas devant la Cour pénale internationale, pour violation du territoire d'un Etat membre de l'ONU (la Palestine); secundo, se présenter en maître du jeu sur le terrain par rapport à sa faction rivale, le Fatah du président Mahmoud Abbas; et tertio, trouver un prétexte (l'incursion israélienne) pour repousser une nouvelle fois les élections qui viennent d'être annoncées pour la fin de l'année, lesquelles élections le Hamas a jusqu'à présent refusé de tenir à Gaza de peur, ou conscient, de les perdre.

Le Hamas serait tenté de provoquer Israël pour gagner également sur le front égyptien. En effet, par la réaction israélienne qui suivrait à une telle provocation, le Hamas espérerait forcer l’Egypte post-Moubarak à durcir sa position face à Israël, à revoir les accords avec l’Etat hébreu, voire même – le souhait le plus ardent du Hamas – à lever le blocus de Gaza que l’Egypte impose actuellement au détriment du Hamas.

L’Autorité palestinienne, pour sa part, ne verrait pas d’un trop mauvais œil qu’Israël fasse la sale besogne d’essayer de chasser le Hamas du pouvoir à Gaza – tout en criant, bien entendu, haro sur Israël dans les enceintes internationales.

Aussi, pour des raisons multiples et variées, le Hamas et l’Autorité Palestinienne pourraient espérer tirer, chacun de son côté, des dividendes politiques majeurs d’une nouvelle incursion israélienne dans Gaza après la proclamation par l’ONU d’un Etat palestinien. Autant dire qu’une telle proclamation - sans accord négocié préalable sur les deux éléments principaux du contentieux israélo-palestinien -, loin d’être un facteur de paix, risque de s’avérer une bombe à retardement.

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