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A la rencontre
des musulmans d'Angleterre
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Melting pot

Les émeutes de Londres et Birmingham a remis au goût du jour les tensions communautaires en Grande-Bretagne. Coup de projecteur sur l'histoire et l'implantation de la communauté musulmane dans le pays.

Moustafa  Traoré

Moustafa Traoré

Moustafa Traoré est diplômé d'un doctorat en études anglophones de la Sorbonne. Il est spécialiste du système d'intégration en Grande-Bretagne et de ses limites.

 

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L’'évaluation exacte de la population musulmane est toute récente. En 2001 sont apparus pour la première fois des chiffres plus exacts. Ceci explique là aussi le manque de recul et d’'expérience nécessaire à une intégration réussie de la subculture musulmane. Lors du recensement 2001 est apparue pour la première fois une question sur l’'appartenance religieuse. Il est devenu alors chose courante en Grande-Bretagne de voir la question de l’'appartenance religieuse apparaître dans les formulaires administratifs, comme le prouvent les différents documents utilisés dans cette recherche. Les statistiques portant sur la confession religieuse des individus est une initiative nouvelle qui a pour but de rendre compte du fonctionnement du système d’'intégration britannique.

Si en 1924 la population musulmane de Grande-Bretagne était estimée à 11 000 individus dont 1 000 Britanniques convertis, d’'après le recensement qui a eu lieu en 2001, le nombre de musulmans sur le territoire britannique serait aujourd’'hui estimé à 1,591 million soit près de 1,6 million d'’individus. Il y a par conséquent plus de 1.591.000 de musulmans sur une population totale de plus de 58 789 194 d’'après ce site officiel, aujourd’'hui, le Royaume-Uni, avec plus de 2,7 % de musulmans, vient en troisième position dans l'’Union européenne (après la France 4.000-4.500 et l’'Allemagne 3.040) en ce qui concerne la présence d’'individus de culture ou de confession islamique sur son territoire (Brigitte Maréchal, 2003). L'’augmentation de la population musulmane s’'observe également à l’'échelle mondiale. L'’Islam a notamment gagné du terrain en Afrique et en Asie tout comme en Occident. Le nombre de musulmans dans le monde est aujourd'’hui estimé à 1/5 de la population totale. Si cette religion monothéiste apparaît en premier lieu en Arabie Saoudite, seulement 15% des musulmans sont arabes.

La forte croissance de la communauté musulmane s’'accompagne bien évidemment d'’une croissance de l’'expression culturelle. En ce qui concerne l'’existence des lieux de cultes, on constate en Grande-Bretagne une nette expansion des mosquées. D'’après le site informatique « Lancashire Council of Mosques », cette croissance est même surprenante dans un certain nombre de villes britanniques. De 7 mosquées en 1964 on est passé à 22 en 1974, et par la suite on a assisté à l'’ouverture de 25 à 30 nouvelles mosquées chaque année. C'’est à Birmingham que l'’expression culturelle Islamique est l’'une des plus significatives d'’Angleterre. La diversité culturelle y est aussi plus importante qu'’ailleurs comme en témoigne la carte des différents lieux de cultes musulmans présents dans cette recherche. L'’importance de la présence musulmane et de ses lieux de cultes est illustrée par l’'élection du premier maire musulman de Grande-Bretagne, Mahmood Hussain en 2002. A elle seule, la ville de Birmingham compte près de treize mosquées officielles, et plus de cent lieux de cultes. La croissance presque spectaculaire de la population musulmane en Grande-Bretagne, surtout durant ces trois dernières décennies, explique en partie notre intérêt la concernant.

Quelles sont enfin les origines sociales et régionales de cette population musulmane de Grande-Bretagne ? Selon Steve Bruce : « … le mode de vie des fermiers du Gujarat n’est pas celui des citadins et des docteurs citadins de l’'Afrique de l’'Est » (Bruce, 1995 : 83). Ces divergences ne sont pas sans conséquences sur l’'intégration des musulmans dans la société britannique et sur l’expression des valeurs qui lui sont propres.


- Disparité démographique hommes et femmes

La présence d’'une population musulmane en Grande-Bretagne est avant tout le résultat de vagues successives d’'immigration. Contrairement au reste de la population britannique, on compte moins de femmes que d’'hommes parmi les musulmans même chez les personnes au-delà de 65 ans. Le caractère migratoire de la présence musulmane sur le sol britannique est, avant tout, une initiative masculine :

Les différences en ce qui concerne le taux de mortalité signifient que les femmes âgées de 65 ans et plus sont normalement plus nombreuses que les hommes. Ceci se constate de manière distincte dans le groupe ethnique blanc (54 pour cent). Cependant chez certains groupes ethniques ceci a été affecté par des modèles d’immigrations divergents. Ceci est particulièrement évident dans le groupe bangladeshi où seulement un tiers (34 pour cent) de ceux âgés de 65 ans et plus étaient des femmes. De manière similaire, pour le groupe pakistanais les femmes représentaient 45 pour cent des 65 ans et plus. (source)

Il s’agit là d’'une population toujours et encore en voie d’'expansion, avec une forte population masculine susceptible d’'être rejointe dans un futur proche par des conjointes qui, pour l’'immense majorité, sont en âge de procréer. La présence initiale des femmes musulmanes en Grande-Bretagne est à l’'origine le résultat de la volonté politique citée plus haut favorisant le regroupement familial. Une fois rejoints par leurs femmes et leurs enfants, les musulmans occupent le plus souvent des logements plus adaptés à une habitation familiale. Selon le recensement de 2001, et contrairement au reste de la population britannique, il y aurait moins de femmes musulmanes que d’'hommes dans les villes britanniques tout en sachant que la fiabilité du rapport hommes femmes se trouve parfois occulté par la pratique chez l'’homme musulman de la polygamie autorisée dans l'’Islam. Ceci est le cas notamment dans la communauté pakistanaise de Birmingham.

- Dynamisme de cette population

La population musulmane de Grande-Bretagne se caractérise également par une population extrêmement jeune. Le dynamisme de cette population se constate dans le pourcentage de jeunes ayant moins de 16 ans. Le nombre de musulmans âgé de moins de seize ans atteint en 2001 un peu plus de trente cinq pour cent, ce qui est presque le double de la population blanche : « Environ un tiers de tous les musulmans britanniques ont moins de quatorze ans. » (http://ww.qantara.de/webcom/show_article.php/_c-478/_nr-243/i.html) :

Les groupes du Bangladesh, les autres noirs et les Pakistanais avaient également des structures jeunes : 38 pour cent des groupes bangladeshi et des autres noirs avaient moins de 16 ans, et 35 pour cent des Pakistanais correspondaient également à ce groupe d’'âge. Ceci était presque le double de la proportion du groupe des Britanniques blancs où un sur cinq (20 pour cent) avait moins de 16 ans (http://www.statistics.gov.uk/cci/nugget.asp?id=456).

La jeunesse de cette population musulmane née sur le territoire britannique est une caractéristique spectaculaire. « 70 % des musulmans britanniques ont moins de 25 ans » (http://eduscol.education.fr/D016/Islam_abou_zahab.htm). Ceci signifie également qu'’il s'’agit d'’une population qui connaîtra dans les années à venir une très forte croissance. Par conséquent, se prononcer sur la population musulmane de Grande-Bretagne, c’'est aussi parler d’'une certaine manière de la jeunesse britannique et de son avenir. L’'enjeu de la problématique musulmane est, avant tout, celui de sa jeunesse : « Se préoccuper du sort des musulmans britanniques, c’'est se préoccuper de la jeunesse musulmane, car 70% de l’'ensemble des musulmans britanniques ont moins de 25 ans » (http://www.lancashiremosques.com/discovery_muslims_in_britain.a, le 05/08/2003).

Dans ce contexte, il devient aussi difficile d’'envisager le futur de la Grande-Bretagne sans prendre en considération la jeunesse de la population musulmane. Dans la ville de Birmingham il est devenu chose courante d’'avoir dans certains établissements scolaires plus de soixante-cinq pour cent d'’élèves d'’origine musulmane. Les langues parlées dans les pays dont cette population est originaire se trouvent parfois également enseignées dans ces établissement comme le Lycée « Bishop Vesey’s Grammar School ». La population musulmane de Grande-Bretagne affiche aussi un dynamisme spectaculaire et sans équivalent. Une autre des spécificités importantes du dynamisme de la population musulmane concerne sa densité. L'’installation et la répartition de la population musulmane de Grande-Bretagne reflètent celle de la population dite « ethnie minoritaire » dont elle est une des composantes. Elle est aussi à l'’image de l'’évolution des secteurs d'’activité et des besoins en main d’œ'oeuvre qu'’ils suscitent.

Les communautés musulmanes de Grande-Bretagne sont principalement localisées dans les grandes villes anglaises qui constituent la région de Londres et du West Midlands. Au début de son installation sur le territoire britannique, cette population musulmane, invitée à travailler par des sociétés telle que l’'East India Company, se trouvait essentiellement concentrée dans les villes portuaires et notamment logée dans des foyers destinés aux marins. Il existe une concentration de cette même population dans et aux alentours de deux grandes agglomérations - Londres et sa région, et la ville de Birmingham. La concentration de la population musulmane autour de Londres et dans certains quartiers est si forte qu'elle a même valu à la ville le surnom de Londonistan :

Près de la moitié de la population musulmane sud asiatique vit dans l'’agglomération londonienne, le reste est concentré dans les villes industrielles des West Midlands et du Yorkshire, notamment dans les villes de Manchester, Birmingham et Bradford (http://eduscol.education.fr/D0126/Islam_abou_zahab.htm ) Contrairement au reste de la population britannique, et, en l’'occurrence, contrairement à la population dite blanche, la population musulmane de Grande-Bretagne semble être attirée par les grandes villes anglaises. C'’est, avant tout, une population urbaine, formant une main d’œ'oeuvre concentrée là où elle est la plus susceptible de trouver du travail. Il est vrai que, d’'une population de main d’œ'oeuvre maritime et industrielle, cette population s'’est, à bien des égards, transformée en une population de main d’œ'oeuvre industrielle et tertiaire. Cependant, les anciennes villes portuaires et industrielles restent encore relativement peuplées par les musulmans.

D’'autres villes comme par exemple Exeter, comptent en revanche un nombre peu important de musulmans. Ce sont, dans la plupart des cas, des villes appartenant à des régions plutôt agricoles qu'’industrielles. La répartition de la population musulmane sur le territoire britannique est loin d’'être homogène comme le démontre la répartition des lieux de cultes sur tout le territoire. D’'après le recensement de 2001, la population musulmane originaire du Bangladesh vivant à Londres serait estimée à cinquante pour cent environ, tandis que la population musulmane originaire du Pakistan est plus également répartie sur le territoire. Dix-neuf pour cent des personnes d’'origine pakistanaise vivent dans la région de Londres, vingt et un pour cent dans les West Midlands, vingt pour cent dans le Yorkshire et le Humber, et seize pour cent dans le Nord-ouest. Ceci pourrait expliquer pourquoi les villes de Londres et de Birmingham ressortent comme étant les deux agglomérations majeures regroupant le plus grand nombre de musulmans.

- Disparité dans la ville britannique

La vie en communauté est une autre des spécificités du musulman. Dans le cas par exemple du Borough de Londres appelé Redbridge, les statistiques de 1991 (Redbridge Census, 1991) démontrent qu' ’il existe une disparité évidente entre la circonscription électorale de Loxford composée à quarante pour cent de population sud asiatique majoritairement musulmane, et la circonscription électorale de Hainault. Ce même phénomène se retrouve plus au cœoeur de Londres, notamment à Brixton, qui compte également de nombreux Jamaïcains convertis à l’'Islam. Quant à la ville de Birmingham, il est possible d’'y observer une concentration notoire de la communauté musulmane dans des quartiers bien déterminés. La population originaire du Bangladesh est fortement concentrée dans l’'« inner city ». Elle vit pour la plupart dans les quartiers d’'Aston, Sparkbrook, Handswonth, et Small Health, mais aussi dans le quartier de Ladywood.

Dans la plupart des cas la localisation des lieux de cultes est assez représentative de la distribution de la population musulmane dans la ville. L'’identité musulmane au sein du paysage culturel britannique apparaît toujours de façon plus évidente dans les zones ou quartiers connaissant une forte concentration de la population musulmane. Une des explications de ce phénomène de concentration d’'une même communauté ethnique dans un lieu donné tient au choix de cette population de se regrouper là où d’'autres musulmans d’'origine sud asiatique habitent déjà. Les habitants de la ville de Birmingham considèrent le quartier d'’Aston comme « le quartier musulman » de la ville. On y trouve effectivement une concentration plus importante de mosquées qu’'ailleurs. Ceci explique aussi la raison pour laquelle les musulmans en Grande-Bretagne sont souvent associés à un type de quartier bien déterminé.

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Extrait de L'intégration de la culture musulmane en Grande-Bretagne, des principes à la réalité de Moustafa Traoré (L'Harmattan)

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