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Ioulia Timochenko persécutait-elle ses anciens amants comme ses anciens collègues ?
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Bonnes feuilles

Crimes non élucidés, affaires de sexe et d’argent, anciens espions du KGB : l'enquête de Frank Schumann écorne la figure emblématique de Ioulia Timochenko, ancienne égérie de la révolution orange en Ukraine. Extrait de "La princesse du gaz" (2/2).

Frank  Schumann

Frank Schumann

Frank Schumann, journaliste de 1978 à 1991 pour un grand quotidien allemand, a créé sa maison d’édition, Ost. Il est l’auteur de plusieurs bestsellers en 2012, dont L’homme qui voulait sauver la RDA.

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Dans le privé, elle se sera certainement comportée comme dans sa vie exécutive woman : on ne maintient une relation que si elle est utile. Quand il n’y a plus de profit à en attendre, on y met fin, vite et sans trop d’états d’âme. C’est ce que j’entendrai plus tard de la bouche de Youri Bober, qui eut pendant deux ans une liaison avec Ioulia Timochenko.

Ensuite, elle l’avait laissé tomber comme une vieille chaussette. Une fois leur relation ter- minée, il avait été persécuté ; il avait même eu droit à un cambriolage et une agression. Un album avec des photos compromettantes avait été volé ce jour-là. Avait-elle confié elle-même cette mission à quelqu’un ?

L’enquête n’a pas encore révélé si c’est elle qui a commandité l’action, mais il paraît évident qu’elle aurait eu tout intérêt à empêcher une utilisation compromettante de ces clichés. En 1995, KUB, L’Essence ukrainienne, disparut et son capital entra dans une nouvelle société : Systèmes d’énergie unifiés d’Ukraine (UESU). Elle était immatriculée en tant qu’entreprise britannique-ukrainienne et disposait d’un capital social de 10 millions de dollars.

L’homme de paille, Gravez, était encore là, mais n’avait plus son mot à dire. À un moment donné, il décrocha et mit les voiles pour Israël. Les principaux détenteurs de la société étaient des membres de la famille Timochenko. Ioulia agissait comme chef d’entreprise, son beau-père Genadi comme directeur général tandis qu’Alexandre, encore marié avec elle, dirigeait les transports. Sa mère, une tante et sa fille furent placées à la tête des succursales d’UESU. Il s’agissait de filiales au sens propre ! La remarque faite par son beau-père, au congrès Gromada, parti du Premier ministre Lazarenko qui amena Ioulia au Parlement en 1996, est tout à fait révélatrice : « Je vénère ma belle-fille. Tous, nous vivons de son intelligence et de son talent. »

Et lorsque Lazarenko est remplacé et se réfugie à l’étranger, Timochenko crée son propre parti, L’Union pour tous les Ukrainiens, Batkivchtchina/Patrie. Le 10 octobre 2010, le journal Kommersant Ukraine rapportait dans le cadre du Xe congrès du Parti que sa « présidente permanente » s’appelait Ioulia Timochenko. « Le Batkivchtchina entrait en 2002, 2006 et 2007 au Parlement, Verkhovna Rada, comme faction du Bloc Ioulia Timochenko (BJuT), avec respectivement 7, 26 ; 22,29 et 30,71 % des suffrages. » Ces mots montrent toute la phraséologie et la démagogie dont Timochenko entoure son action ainsi que le culte de la personnalité qu’elle construit autour d’elle. D’où la nécessité de citer ce reportage sur le congrès du Parti : « La présidente du parti Batkivchtchina, Ioulia Timochenko, est arrivée pile à l’heure dans la salle, c’est-à-dire à 11 h 00.

Sur la tribune, une chorale l’attendait et a dit une prière pour l’Ukraine. Puis, ouvrant le congrès, Timochenko a invité les membres du bureau à s’asseoir. » Après avoir menacé de faire boycotter les élections communales par son parti, elle expliquait maintenant le contraire : « Il n’y aura pas de boycott des élections ! » « On combattrait jusqu’à la fin, rapportait le journaliste, car les élections communales étaient en soi un bon entraînement avant les nouvelles élections parlementaires et présidentielles. » C’est comme ça qu’elle s’y préparait, dans un discours d’une heure et demie.

« Le gouvernement actuel est un gouvernement provisoire, fortuit, sans logique, il est donc de notre devoir de le remplacer », déclarait-elle. Timochenko pensait qu’un changement de gouvernement serait possible aux prochaines élections régulières pour entrer au Verkhovna Rada. Mais, préventivement, elle déclarait d’ores et déjà qu’elle ne « reconnaîtrait pas les résultats des élections si le gouvernement ne modifiait pas ses relations avec les partis d’opposition. Ses paroles recueillirent un tonnerre d’applaudissements. “Honneur à l’Ukraine”, s’exclama Ioulia Timochenko. “Honneur aux héros”, répondit la salle en chœur. »

 Extrait de  "La princesse du gaz - Espions, amours et corruption : enquête sur Ioulia Timochenko, ex-Premier ministre d'Ukraine" , Frank Schumann, (Editions du moment), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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