Interview du 14 juillet : les questions auxquelles François Hollande doit vraiment des réponses aux Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Français attendent des réponses sur leur avenir. François Hollande interviendra à la télévision pour le 14 juillet.
Les Français attendent des réponses sur leur avenir. François Hollande interviendra à la télévision pour le 14 juillet.
©Reuters

Les questions qui fâchent

Lors de son intervention publique du 14 juillet, François Hollande ne verra pas son rêve de concilier fête nationale et victoire des bleus réalisé. Il n'empêche pas moins qu'il répondra aux questions de la traditionnelle interview. Jean-Yves le Drian a rappelé que le président était "en situation de 2017", voici alors les questions auxquelles il serait bon qu'il réponde, qu'il s'agisse d'économie, de cohésion gouvernementale, d'Europe, ou de son action politique.

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Jean-Claude  Magendie

Jean-Claude Magendie

Jean-Claude Magendie est premier président honoraire de la Cour d’appel de Paris et expert associé de l'Institut pour la Justice.

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Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Nous avons fait appel à différentes personnes évoluant dans différents domaines, en leur proposant d'imaginer les questions dont ils aimeraient connaître les réponses de la part de François Hollande. Pour faciliter la lecture, vous retrouverez celles concernant la politique intérieure page 1, l'économie page 2, et l'Europe page 3.

Politique intérieure

Première question

Nicolas Goetzmann : Vous avez nommé à la suite des élections municipales un nouveau gouvernement dirigé par Manuel Valls. Peu après son entrée en fonction il déclarait que la France tiendrait ses "engagements" budgétaires vis-à-vis de l'Europe alors que vous réclamiez jusqu'ici un délai supplémentaire. Quelle est aujourd'hui la nature concrète de vos rapports avec le Premier Ministre ?

Si les deux premières années du quinquennat Hollande sont unanimement considérées comme un échec, le changement de Premier Ministre avait pour but de désigner un coupable ; Jean Marc Ayrault. Manuel Valls a repris la main dès le lendemain des élections municipales, avec un style plus offensif, une communication plus maîtrisée, et une autorité qui lui aura permis d’éviter les couacs en série du gouvernement précédent. Mais après quatre mois de fonction, le constat est que Manuel Valls s’empêtre de la même façon dans les sables mouvants du Hollandisme. Parce que c‘est bien à l’Elysée que le problème demeure. D’un projet plutôt clair dans l’idée ; le pacte de responsabilité, (baisse des charges des entreprises financées par une baisse des dépenses publiques) le résultat est de plus en plus incertain, et est surtout devenu illisible. La méthode Hollande est passée par là.  

Manuel Valls est une carapace de popularité pour le Président, ce qui donne une dimension sacrificielle au Premier Ministre. Mais fondamentalement, l’alliance ou la confrontation des deux membres de l’exécutif ne permettra pas de faire naître une vision nouvelle. Il ne s’agit que d’un jeu politique, pas d’un débat d’idées. Les deux personnalités partagent à peu de chose le constat économique du pays, ce qui ne peut que produire qu’un entêtement dans une direction manifestement erronée.

Deuxième question

Christophe de Voogd : Votre politique est contesté par les "frondeurs" et la plupart de vos alliés de gauche. Avez-vous encore une majorité pour conduire les réformes? 

 C’est ici évidement le défi central pour le président (et le premier ministre). Plus la rigueur affichée et la volonté de réforme se traduiront dans les faits (budget 2015, seuils sociaux etc..), plus la résistance des "frondeurs" (et autres) sera forte, d’autant que les perspectives économiques sont sombres. Le point de rupture devrait être atteint à l’automne 2014 ou au début 2015, entraînant une probable dissolution.  

Dans l’état de la droite parlementaire, vu la force du FN et avec une réforme en faveur de la proportionnelle – dont on parle significativement de plus en plus- cette hypothèse serait-elle d’ailleurs si catastrophique pour le président? Et même dans l’hypothèse d’une cohabitation (il y aura toujours des volontaires…) le président pourrait se refaire une "virginité" politique d’ici 2017… Voir le précédent de 1988 qui a vu le triomphe, impensable deux ans plus tôt, du "premier François".

Troisième question

Christophe de Voogd : Vous aviez annoncé un "choc de simplification". Dans le même temps le code du travail atteint 3400 pages et le compte pénibilité accroît la charge bureaucratique et le risque de contentieux dans les entreprises. Le premier ministre vient de le reporter d'un an. Quelle est votre position sur ce sujet?

 La contradiction entre mot d’ordre affiché et complexité croissante d’une règlementation paralysante est ici exemplaire. Une solution bien plus simple aurait été de prendre en compte l’espérance de vie à la retraite de diverses catégories professionnelles : mais la voie était politiquement trop sensible car ce critère, pourtant simple et équitable, aurait montré l’avantage net des fonctionnaires et agents publics en la matière. Le plus embêtant pour François Hollande est que ce "compte pénibilité" était la contrepartie offerte aux syndicats (dominés, on le sait par le secteur public) de la réforme des retraites

Quatrième question

François Géré : Vous aviez annoncé la "sanctuarisation" du budget de la défense: la loi de finances rectificative prévoit une baisse de ce budget de 350 millions et une nouvelle baisse en 2015. Comment expliquez-vous cette contradiction ?

Les lois de finances dites "rectificatives" constituent depuis de longues années un instrument pervers permettant de ne pas tenir les engagements pris antérieurement. Le Président de la République, chef des armées et de la diplomatie, a donné de grandes orientations lors de sa prise de fonctions. Il les a réaffirmées notamment lorsqu’il s’est agi d’engager l’armée française, bien seule, au Mali, en Centre Afrique. Aujourd’hui nous savons bien que la dégradation de la situation en Lybie, nouveau foyer du jihadisme exigerait une action. Notre diplomatie a réuni autour du Nigéria les chefs d’Etat africains qui ont "déclaré la guerre à Boko Haram". Fort bien mais qui va faire cette guerre ? Qui, au Niger ou au Cameroun, sera entraîné ? Avec quels moyens ? Ceux de la France ? Il n’est donc pire politique que de déclarer de grandes ambitions sans en avoir les moyens. Tel est aujourd’hui l’enjeu.

Le gouvernement a la chance de disposer de deux personnalités compétentes, profondément impliquées depuis vingt ans dans les différents problèmes de défense : Jean-Yves Le Drian et Patricia Adam, à l’assemblée nationale, tous deux socialistes, Tous deux se battent becs et ongles pour contrer les réductions exigées. En accord avec les chefs d’Etat-major des armées, ils ont  exprimé l’impossibilité d’aller au-delà des réductions consenties dans la LPM (loi de programmation militaire établie fin 2013). Rogner 300 millions en 2014… puis poursuivre ces réductions dans les années suivantes témoigne d’une absence de vision. La Défense n’a pas à rabioter. Au contraire, elle doit exiger d’obtenir les moyens nécessaires pour remplir les missions définies par le président de la République. Il est tout-à-fait exact que certaines dépenses administratives ont pris une ampleur absurde. Cette gabegie se retrouve parfois à une plus grande échelle dans d’autres ministères. On peut donc faire beaucoup mieux. Mais on marche sur la tête en raisonnant selon des logiques purement comptables et en s’abaissant à des rivalités entre les ministères de l’Etat.

Il s’agit des buts politiques de la France et de la stratégie pour les réaliser. La défense n’est pas une fin en soi mais un instrument très particulier au service de ces finalités. Quelle défense veut vraiment le Président Hollande au regard des objectifs sur lesquels il s’est engagé ? Il doit s’exprimer sans ambiguité, sans arrières-pensées.

Economie

Première question

Christophe de Voogd & Nicolas Goetzmann : La stratégie économique globale de votre mandat a sensiblement varié en deux ans. Quelle analyse faites-vous aujourd'hui des causes de la crise et des moyens d'en sortir ?

Christophe de Voogd : Après le déni de la crise pendant la campagne électorale ("c’est la faute à Sarko !") le président a reconnu sa profondeur et formulé le diagnostic d’un déficit de l’offre qu’il faut combler. Mais de plus en plus de voix, des frondeurs à Montebourg, en passant par Manuel Valls effrayé des effets récessifs du matraquage fiscal des ménages, parlent du nécessaire soutien de la demande. Alors "offre ou demande" ? Sans doute un peu des deux, répondra(it) le président, avec son art consommé du "d’un-côté-de-l’autre", mais quelle conséquence précise en pratique ? Quel partage au final ? Et d’abord quelle réelle marge de manœuvre offrent les économies budgétaires ?

Le problème, à la fois le plus transversal et le plus grave dans la politique du gouvernement, est son incertitude quant à la nature du diagnostic, à l’ampleur et à la cohérence des mesures dans tous les domaines. Trop souvent une décision vient en contredire une autre ; un ministre, un autre ; et une partie du PS, l’autre ! Or cette incertitude entretient la crise de confiance du pays et interdit toute anticipation positive : tout le monde attend, de l’administration aux consommateurs en passant par les entreprises, le prochain contre-ordre : donc panne de l’investissement, de la consommation et des embauches.

Nicolas Goetzman : François Hollande reste ancré dans sa conception cyclique de l’économie. Il envisage la situation actuelle au regard des crises qui ont pu frapper le pays au cours des 30 dernières années. Une phase d’expansion laisse la place à une accalmie ou à une récession, puis se retourne à nouveau. Sur cette base, sa stratégie est d’attendre. Le problème est que la crise que nous traversons n’a pas des telles caractéristiques et que la durée exceptionnelle du marasme n’a pas l’air d’alarmer le Président sur la justesse de son diagnostic.

Bien évidemment, si le diagnostic posé est erroné, il n’y rien à attendre des solutions proposées. Les remèdes que François Hollande veut appliquer au pays ne conviendraient qu’à une économie déjà en croissance, et dont l’objectif serait de permettre une amélioration de son potentiel. Il ne s’agit pas de ça aujourd’hui. Il s’agit en priorité de redonner au pays les moyens d’exercer son potentiel actuel, ce qui nécessite une action monétaire. Mais de monnaie, il n’est pas convenable de parler. C’est sans doute le point le plus alarmant. La situation de la zone euro est guidée par une politique monétaire dont le fonctionnement, et dont les conséquences, semblent échapper aux dirigeants.

Deuxième question

Nicolas Goetzmann & Christophe de Voogd Vous avez accepté le pacte budgétaire européen et annoncé le respect par la France en 2015 de la limite des 3%: De nombreuses voix dans la majorité et au gouvernement, à commencer par le Ministre de l'économie, contestent cette limite à laquelle d’ailleurs les observateurs ne croient pas: quelle est votre position aujourd'hui?

Nicolas Goetzmann : Toujours le respect du cadre. En signant le pacte budgétaire européen en 2012, François Hollande pensait obtenir une contrepartie. Il a obtenu un délai pour rétablir les déficits. Pour parvenir à ses fins, le Président a choisi de faire monter la pression fiscale, ce qui a détruit la croissance. Le résultat est que le délai est épuisé, que les déficits ne sont toujours pas dans les limites fixées et que la croissance stagne à 0. Le constat pourrait paraître partisan mais les faits sont clairs : l’échec  est total. Le diagnostic de base est faux, les remèdes le sont également, et les résultats ne peuvent être que navrants. 

La lutte contre les déficits ne peut avoir de sens que si l’économie est en croissance. Réduire le budget dans le contexte d’étau monétaire organisé par la BCE, c’est rajouter de l’austérité fiscale à l’austérité monétaire. Aussi longtemps que François Hollande s’interdira tout débat sur l’euro, sur son rôle et sa finalité, la crise perdurera. Eviter le sujet de l’euro avec l’Allemagne, c’est ne pas voir l’éléphant au milieu de la pièce.

Christophe de Voogd : Depuis l’élection de François Hollande, les chiffres annuels de déficit budgétaire ont été nettement supérieurs aux prévisions, malgré la forte hausse des impôts. Déjà revu à la hausse, l’objectif de 3,6% ne sera pas atteint cette année en raison de la baisse des rentrées fiscales : la croissance est plus faible que prévu et "trop d’impôt tue l’impôt". Le chiffre attendu en 2014 sera très proche de celui de 2013 (autour de 4%). D’ores et déjà les 3% prévus pour 2015 paraissent inatteignables, même si le gouvernement maintient officiellement l’objectif. Jusques à quand ?

Europe

Première question

Christophe de Voogd & Nicolas Goetzmann : Vous aviez annoncé lors des vœux de début d'année "une initiative franco-allemande pour le printemps". Nous sommes le 14 juillet. Où en est cette initiative?

Christophe de Voogd : François Hollande n’est jamais interrogé sur cet engagement qui était pourtant au cœur de ses vœux le 31 décembre, avec le pacte de responsabilité. Pendant ce temps-là le temps passe…La position allemande est pourtant claire : une initiative de croissance n’est pas du tout exclue par Berlin, contrairement à ce que l’on prétend sans cesse à Paris, mais doit s’accompagner de réformes structurelles dans les pays membres. Il y a là la base solide d’un grand compromis franco-allemand, que les "hésitations" françaises en matière de réformes ne permettent simplement pas de conclure.

Nicolas Goetzmann : Lors de son "virage de l’offre" orchestré en janvier dernier, François Hollande pensait faire le pas en avant nécessaire pour négocier une avancée au niveau européen. Le problème est que 7 mois après, le pacte de responsabilité ne ressemble plus à rien. Les syndicats ont lâché le gouvernement, le pacte lui-même a été peu à peu  vidé de son contenu, et les réductions de dépenses sont encore très floues. Entretemps la France a été rappelé à l’ordre pour ses déficits excessifs, la croissance a été révisée à la baisse et le François Hollande a essuyé deux grandes défaites électorales. A partir de là l’initiative franco-allemande n’a même jamais été évoquée en Allemagne. Angela Merkel a bien tenté de remettre François Hollande en selle lors de son invitation en mai dernier, mais le Président Français n’est tout simplement plus à même de proposer quelque initiative que ce soit.

Deuxième question

Nicolas Goetzmann & Christophe de Voogd : Le couple franco-allemand est au point mort tandis que vos convergences avec Matteo Renzi semblent fragiles. Tous les observateurs notent la marginalisation de la France à Bruxelles. Comment expliquez-vous cette marginalisation?

Nicolas Goetzmann :  François Hollande agit de façon très cadrée en Europe. Il ne remet rien en cause, parle de façon très lisse, et se soumet bien volontiers aux règles établies. Il a pu essayer d’obtenir quelques délais supplémentaires concernant les déficits, mais le cadre lui-même n’est pas mis en cause. Et ce cadre européen est la caverne de Platon. En restant dans la caverne, le Président perd toute possibilité d’agir efficacement sur la réalité. Et c’est bien l’objectif du cadre, que rien ne change. L’austérité est le seul projet politique à disposition, François Hollande s’en accommode mollement.

Cette attitude "molle" lui est lourdement reprochée par une partie de la droite et du centre, et son acceptation du cadre lui est reprochée par une partie de la droite, de la gauche, et de l’extrême droite. La défiance interne l’affaiblit considérablement au niveau européen, ce qui vient se rajouter à ce qui est aujourd’hui un fait : la France est devenue le boulet économique de la zone euro, ce qui pose à un problème à chacun et condamne le Président au silence. Au coin. Tout ce qu’il reste au Président est la probable annonce, ce jour, du nom du futur commissaire européen français : Pierre Moscovici. Et que rien ne change.

Christophe de Voogd : Parmi tous les signes de cette marginalisation de la France – qui est un leitmotiv des conversations à Bruxelles- un événement très symbolique et qui a suscité peu de commentaires chez nous : la réunion à l’invitation du premier ministre suédois le 11 juin des leaders de l’Europe du Nord pour discuter de la succession de Barroso à la Commission européenne : en l’absence de la France, non conviée. Un tel événement eût été impensable naguère… 

Troisième question 

Nicolas Goetzmann :Vous avez appelé à travers plusieurs interventions à une politique plus audacieuse en Europe, notamment en relançant l'investissement. Par quels moyens et avec quels alliés pensez-vous pouvoir mettre en œuvre ces idées ?

Depuis son entrée en fonction, François Hollande annonce son intention de réorienter l’Europe. Son premier échec est intervenu rapidement lors de la signature en 2012, sans réelle contrepartie, du pacte budgétaire européen. Plus récemment, suite aux élections européennes, le Président a ré-annoncé la même intention, et a obtenu le même résultat. La nouvelle commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker a fait de la croissance et de l’emploi ses priorités, mais au-delà des mots, la ligne économique reste inchangée.

L’idée même de relancer l’Europe par la voie de l’investissement est une erreur. Si l’investissement est au point mort en Europe, cela n’est qu’une conséquence de la politique menée par la BCE. Qui peut avoir intérêt à investir dans un contexte de quasi déflation ? En forçant les acteurs économiques à investir, on élude le problème posé par la BCE. Si cette dernière mettait en œuvre un plan de relance monétaire, les acteurs économiques auraient alors l’intérêt d’investir, ce qui est très différent de les forcer à investir dans un contexte ne s’y prêtant pas.

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