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Internet Premium : pourquoi les opérateurs voudraient nous faire payer plus cher pour un réseau non bridé
©Reuters

Bonnes feuilles

David Fayon décrypte les notions et les enjeux de la "gouvernance d'Internet", connaissance indispensable au regard de l'importance économique et sociale du Web aujourd'hui. Extrait de "Géopolitique d'Internet : Qui gouverne le monde ?" (2/2).

David Fayon

David Fayon

David Fayon est responsable de projets innovation au sein d'un grand Groupe, consultant et mentor pour des possibles licornes en fécondation, membre de plusieurs think tank comme La Fabrique du Futur, Renaissance Numérique, PlayFrance.Digital. Il est l'auteur de Géopolitique d'Internet : Qui gouverne le monde ? (Economica, 2013), Made in Silicon Valley – Du numérique en Amérique (Pearson, 2017) et co-auteur de Web 2.0 15 ans déjà et après ? (Kawa, 2020). Il a publié avec Michaël Tartar La Transformation digitale pour tous ! (Pearson, 2022) et Pro en réseaux sociaux avec Christine Balagué (Vuibert, 2022). 

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En matière de vidéo, la croissance des usages est plus rapide que la baisse des coûts de production. Pour les opérateurs, les revenus stagnent alors que le trafic de données explose. Ils se doivent de rechercher un modèle pour couvrir leurs coûts d’infrastructure.

La pratique du peering est la clef du succès du « best effort » dans un contexte d’équilibre des flux entre acteurs supposés « égaux ». Or, ce modèle ne reflète plus la réalité des coûts. Les opérateurs pourraient par exemple être tentés de dégrader leur offre standard au profil d’une offre premium en organisant la rareté de la bande passante. La bande passante devient réellement rare avec l'effet ciseau.

Ceci implique de bâtir de nouveaux modèles économiques. La tarification ne se fait plus au temps d’usage (voix) ou au nombre de transactions (SMS) mais avec un usage de services quasi-illimité avec une tarification fixe (triple play), laquelle ne pourra être éternelle du fait de la rareté de la ressource. Le paradoxe est que la croissance de l’utilisation des données ne rapporte pas de nouveaux revenus aux opérateurs alors que celle-ci est très consommatrice de bande passante.

La neutralité d’Internet est un principe fondateur comme indiqué au chapitre 1. Elle consiste à transmettre les données sans discrimination quels que soient la source, l’émetteur et leur nature et en outre sans système de priorité. L’innovation a été permise grâce à ce principe de neutralité qui a favorisé l’émergence de nouveaux acteurs créés ex nihilo. Des exceptions à la neutralité peuvent néanmoins exister. Elles peuvent être d’ordres techniques (congestion de réseau, attaque à contrer) ou juridiques dans certains cas (crimes et délits, trafics). Toutefois, elle est de plus en plus remise en question. Ainsi des FAI, qui se plaignent d’engorgements notamment avec la croissance des flux de vidéo, souhaitent pouvoir s’affranchir de la règle de non-discrimination du trafic.

L’idée d’un Internet Premium fait son chemin. Les opérateurs télécoms historiques européens regroupés autour de l’ETNO61 (European Telecommunications Network Operators) prônent un Internet à plusieurs vitesses ou une différenciation dans la gestion du trafic selon les accords commerciaux passés avec les fournisseurs de services en ligne au-delà du principe d’Internet du « best effort ». L’idée avait été déposée à l’UIT en vue d’une inscription dans les principes de régulations internationaux (ITR) alors revus en décembre 2012.

Historiquement, fin 2007, l’opérateur Comcast aux États-Unis avait bloqué le trafic en provenance du réseau P2P d’échange de fichiers musicaux BitTorrent, la neutralité d’Internet avait ainsi été violée. Ceci avait provoqué un tollé de la part des internautes. L’âpre débat qui a suivi a ensuite gagné l’Europe. L’enjeu affirmé était de redistribuer les coûts en les répercutant sur les sites gourmands en bande passante. La neutralité d’Internet emporte en effet de réels conflits d'intérêts. Des grands groupes ont intérêt à disposer d’un Internet à plusieurs vitesses, de plusieurs niveaux de priorité selon la logique économique. Ils souhaitent diffuser les contenus dont ils ont les droits dans une course à l’accès aux cerveaux et à l’attention.

Les opérateurs du Web, pour leur part, dont les FAI et les opérateurs téléphoniques ou de câble ne font pas de discrimination entre les sites. A contrario la catégorie des intermédiaires (Google, Amazon, eBay), la plus récemment apparue, participe le moins à l’investissement dans les réseaux tout en réalisant les bénéfices les plus importants. C’est également elle qui consomme le plus de bande passante (...). Les téléchargements en P2P sont très consommateurs en bande passante, de même que l’essor de la télévision de rattrapage qui consiste à regarder des programmes télévisés sur Internet en différé (par exemple, M6 Replay), ce qui a un coût.

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Extrait de Géopolitique d'Internet: Qui gouverne le monde ?, Editions Economica (mars 2013)

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