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Inquiétude sur les Balkans : pourquoi la menace de l’implantation de l’Etat Islamique reste limitée
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Infiltration

En Février 2015, le drapeau de l'Etat Islamique avait été dressé sur le fronton d'une maison du nord de la Bosnie. La région des Balkans, sinistrée économiquement, n'offre aucune perspective d'avenir à la jeunesse. D'après des universitaires anglais, plus de 600 Occidentaux en provenance des Balkans combattent désormais pour les extrémistes en Irak et en Syrie.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : A quelles menaces d'ordre sécuritaire font face les pays des Balkans aujourd'hui? Y a-t-il eu une mutation de la menace par rapport aux années 1990 ?

Florent Parmentier : La région des Balkans est marquée par sa diversité ethnique et religieuse, un décrochage économique par rapport à l’Europe de l’Ouest, ainsi que la faiblesse des institutions étatiques. Sur fond de désintégration de la fédération yougoslave, le début des années 1990 a vu l’émergence de guerres particulièrement dures pour l’indépendance des différentes Républiques, en Croatie (Serbes de la Krajina) et en Bosnie-Herzégovine (déchirement des communautés serbe, croate et musulmane). Le Kosovo est l’objet d’une intervention internationale de l’OTAN en 1999, et devient indépendant en 2008. 

Par contraste avec cette période de conflits armés, les menaces d’ordre sécuritaire ne sont plus liées aujourd’hui à des velléités d’indépendance, mais à des contextes mêlant criminalité organisée, déliquescence des Etats ou djihadisme, contribuant ainsi à saper l’Etat de droit et l’ordre social de la région. 

Quelles sont les origines de l'implantation de l'islam radical dans les Balkans?

D’une manière schématique – il existe en réalité plusieurs Islams des Balkans –  l’Islam  des Balkans est héritier de l’Empire ottoman, d’une tradition plutôt tolérante : les Chrétiens et Juifs devaient certes s’acquitter d’un impôt spécifique, la djizia, afin de protéger les dhimmi (citoyens non-musulmans d’un Etat musulman), mais ceux-ci n’étaient pas contraints à l’expulsion. L’implantation de l’Islam dans les Balkans (à l’exemple de la Bosnie) s’est effectuée par l’arrivée de colons ottomans et de Slaves islamisés, mais aussi par la conversion d’une partie de la population autochtone, au moins autant pour des raisons économiques et sociales que religieuses, notamment à partir du XVIIe siècle. 

L’Islam radical est d’importation beaucoup plus récente, il est consécutif à l’effondrement de la Yougoslavie, mettant au rebut la sécularisation poursuivie durant la période communiste, en Bosnie-Herzégovine mais également sous l’Albanie d’Enver Hodja, officiellement le « premier Etat athée du monde » en 1967. C’est durant le conflit des années 1992-1995 que les réseaux islamistes radicaux apparaissent en Bosnie avec des complicités locales, par le biais de combattants étrangers, et ils profitent depuis de l’instabilité régionale et des tensions existantes pour développer leur présence. 

Quelles sont les causes de l'apparition récente de réseaux djihadistes dans les Balkans?

Deux décennies après la fin de la guerre en Bosnie, il faut observer que la Bosnie n’a pas réussi à retrouver les dividendes attendues de la paix ; l’absence de perspectives économiques s’avère le principal moteur de la radicalisation de jeunes musulmans, tout comme la situation politique désastreuse. Ici comme ailleurs, le terreau était favorable à la propagation d’une idéologie mobilisatrice et porteuse d’une vision.

Au-delà du chiffre brut de partants, très important d’ailleurs si on le ramène à la population, c’est bien le risque d’une croissance exponentielle de départs qui peut constituer une source d’inquiétude légitime pour les autorités locales comme pour les Européens de l’Ouest. Ce chiffre doit attirer notre attention sur la puissance des réseaux concernés, ainsi que les possibles relais qu’ils sont à même de se constituer localement, quand bien même plusieurs facteurs sociaux (rôle des femmes dans la société d’après-guerre), historiques (tradition de coexistence) ou internationaux (pression internationale et coopérations anti-terroristes) freinent ces phénomènes de radicalisation. 

Ainsi la région peut devenir potentiellement un lieu de recrutement et de passage, bref un avant-poste en Europe pour les djihadistes si nous en détournons les yeux et ne proposons pas de vision alternative pour l’avenir de la région. 

Les autorités politiques et religieuses parviennent-elles à enrayer ce phénomène?

Le phénomène de radicalisation doit entraîner la mise en place d’une politique de prévention à grande échelle, mais aussi de dé-radicalisation, pour laquelle il n’existe malheureusement pas de solution miracle. Or, il est très difficile de lancer une politique ambitieuse dans le cadre bosniaque, où les institutions étatiques sont défaillantes. L’objectif de prévention suppose une efficacité dans les différentes fonctions régaliennes - pour mieux contrôler le départ de combattants, lutter contre les filières djihadistes et le cyber-terrorisme –, tandis que la dé-radicalisation s’appuie sur des fonctions sociales et symboliques, de la production de contre-discours aux possibilités de réinsertion de l’individu dans la société. Pour l’heure, le terreau reste favorable pour les mouvements fondamentalistes, qui trouvent en Bosnie ou au Kosovo un espace de développement. 

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