Atlantico Business
Inflation : l’Insee mesure un ralentissement en mars, la Banque de France reconnaît que la baisse sera rapide… mais pas pour tout le monde
L’Insee a confirmé que l’inflation avait fortement ralenti en mars … Ce qui renforce le scénario Banque de France d’un tassement rapide lié au prix de l’énergie... mais les prix alimentaires eux vont rester très tendus et on peut se demander pourquoi.
La baisse de l’inflation annoncée par l’Insee ne signifie pas que les prix vont baisser, elle signifie que la hausse des prix va ralentir. Sauf sur l’alimentaire où il se passe des phénomènes plus difficiles à expliquer.
L’inflation, c’est très simple. C’est la hausse des prix. C’est une moyenne annuelle calculée chaque mois, sur un échantillon de produits.Le problème, c’est que cette inflation est ressentie très différemment selon les consommateurs, parce que dans la « vraie vie », le consommateur moyen n’existe pas. L’inflation qui nous affecte dépend de notre structure de consommation’
L’Insee vient donc de confirmer que sur un an, les prix à la consommation avaient augmenté en mars de 5,6%, soit une hausse beaucoup plus modérée que le mois précédant puisqu’en février, les thermomètres nous indiquaient une inflation à +6,3%.
Ce repli est essentiellement imputable au ralentissement des prix de l’énergie. Le pétrole et le gaz sont revenus à un niveau d’avant le Covid. La hausse très rapide enregistrée après le Covid est liée a une explosion de la demande, elle-même imputable au rattrapage, cette hausse renforcée par les effets de la guerre en Ukraine et notamment les sanctions prises contre la Russie sur le gaz et le pétrole. Cette explosion des prix de l’énergie est aujourd’hui amortie.
En revanche, les prix des produits alimentaires et du tabac sont restés très tendus. Tout comme la plupart des produits industrialisés et les services.
Résultat : la moyenne des prix est donc freinée par les prix de l’énergie et notamment ceux du pétrole, et théoriquement, ce ralentissement des prix pétroliers devrait contaminer beaucoup d’autres produits, parce que le pétrole, c’est aussi la petro chimie et la petro chimie est une composante de nombreuses chaines de valeur à commencer par le transport, la logistiqu, les emballages et beaucoup de produits manufacturés.
Les tendances à la baisse sont donc en marche et la Banque de France prédit un scénario de baisse rapide lors du deuxième semestre de l’année, pour terminer 2023 au rythme annuel de 3,8%. … mais exception à cette règle : les produits alimentaires de base où la hausse annuelle moyenne est de 15% en moyenne avec des points à 2% pour certains produits à base de céréales.
Par conséquent, quand on décrypte les raisons et l’impact de l’inflation, on tombe sur des ressentis et des phénomènes qui n’ont rien d’abstraits ou théoriques.
1er remarque : les baisses en amont sont très lentes à descendre vers l’aval. Le ruissellement marche assez vite à la hausse mais assez mal à la baisse. Concrètement, une hausse des prix du pétrole se répercute assez rapidement à la pompe alors que l’inverse n’est pas vrai. Quand le prix du pétrole brut se replie, les prix de l’essence à la pompe mettent plusieurs semaines à suivre le mouvement. Il existe une résistance à la baisse pour des raisons techniques, liées au stockage, aux durées des contrats signés, mais aussi pour des raisons de fiscalité. Le fisc profite des hausses de prix. Plus les prix monten, plus le montant de la TVA perçue par l’État gonfle.C’est vrai pour tous les produitsmais c’est encore plus vrai pour les produits pétroliers où le montant des impôts et des taxes représentent plus de la moitié du prix détail. Ajoutons à cela que les automobilistes vivent très mal la hausse des prix du carburant ou du gaz, et c’est normal, mais ils ne sautent pas de joie quand ils baissent. La mauvaise nouvelle fait la une des journaux.Les bonnes s’oublient très vite.
2e remarque ; la France est pénalisée par les prix de l’énergie et notamment ceux de l’électricité. Nous devrions payer en France l’électricité la moins chère d'Europe, parce que nucléaire. Or nos prix de l’électricité sont fixés au niveau européen sur la base du prix marginal, c’est-à-dire du prix de revient le plus cher produit en Europe. Le prix marginal a été très longtemps abordable grâce à l’électricité fabriqué avec du gaz russe. Maintenant que le gaz russe est coupé, le prix marginal du Kwh a explosé. D’où d’ailleurs la relance des programmes nucléaires. D’où les chèques carburant.
3eremarque : les produits alimentaires de base ont augmenté dans des proportions insupportables pour beaucoup de consommateurs parce que la guerre en Ukraine a bloqué le marché mondial des grandes céréales et accessoirement du sucre … mais cette situation revient à des niveaux plus acceptables. Le consommateur n’en touche pas encore le bénéfice puisque les prix au détail continuent de monter. Il existe des rigidités dans la filière des produits alimentaires entre la grande distribution et les grands industriels. Les uns comme les autres se sont habitués à signer des contrats d’échange sur le long terme. C’est vrai sur l’énergie où des consommateurs se sont retrouvés piégés par des contrats longs alors que les prix à la production avaient baissé. Mais c’est vrai aussi pour les produits de consommation courante. Il est vrai qu’il existe une obligation pour les grands hypermarchés et leurs fournisseurs de négocier les prix.Ces prix et ces tarifs sont alors fixés pour six mois. Or, les prix de base peuvent changer au cours de ces six mois à la hausse comme à la baisse.La grande distribution a terminé la semaine dernière les grandes négociations de prix et de marge, à un moment où les marchés internationaux commencent à s’infléchir, notamment sur le blé et toutes les grandes céréales. Le consommateur devra attendre le deuxième semestre au mieux pour pouvoir en profiter.
4e remarque liée au comportement des consommateurs. D’abord, la hausse des prix des produits alimentaires courants touchent surtout les consommateurs qui ne sont pas favorisés. La part de l’alimentaire est d’autant plus importante dans le budget que le budget est faible. Mais d’autre part, le consommateur est tout à fait libre de faire jouer la concurrence.Alors la marge de négociation prix pour le consommateur est très faible mais la négociation sur la marque est plus large et les grands industriel savent qu’ils courent un risque sur leur marge. La progression des produits génériques ou des marques blanches est très importante actuellement. Dans ce cas-là, à qualité égale, on peut laisser de côté un produit star. A qualité égale bien sûr. Mais pour l’industriel comme pour le distributeur, c’est le consommateur qui décide et qui vote tous les jours en faisant ses courses.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !