Inflation : L’autosatisfaction de Bruno Le Maire s’envole comme les prix !<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre français de l'Economie, des Finances, de l'Industrie, Bruno Le Maire, parle à la presse du "bouclier énergétique", le 30 mai 2022.
Le ministre français de l'Economie, des Finances, de l'Industrie, Bruno Le Maire, parle à la presse du "bouclier énergétique", le 30 mai 2022.
©Eric PIERMONT / AFP

Bilan

Le ministre de l'Economie est optimiste pour l'année 2022. Bruno Le Maire estime que la France gère bien le pic d'inflation actuel.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Extraordinaire Bruno Le Maire ! Tout lui est bon pour plastronner – et cirer au passage les pompes de son chef adoré. N’importe quelle calamité devient un grand succès de la politique gouvernementale pour peu qu’on se limite à ne regarder les choses que sous l’angle le plus flatteur. Question de cadrage, évidemment. Comme disait Bastiat, il y a ce qu’on voit, et puis il y a tout ce qu’on ne voit pas ou qu’on ne veut pas voir. Bonne nouvelle du moment, la France serait le pays de l’Union européenne « où l’inflation est la plus faible » :

Pour commencer, une petite remarque d’incohérence des données dans l’infographie utilisée par Bruno Le Maire pour justifier ses accès de satisfaction. Si l’INSEE a bien annoncé un taux d’inflation annualisé de 5,2 % en mai 2022 en France comme indiqué sur la carte ci-dessus, il s’agit de l’évolution d’un indice des prix à la consommation (ou IPC) propre à la France. Pour ses comparaisons internationales, le service de la statistique de l’Union européenne utilise un indice harmonisé (ou IPCH), c’est-à-dire calculé selon la même méthode pour tous les pays.

Dans ces conditions, le taux d’inflation français comparable au 8,7 allemand ou au 7,3 italien passe à 5,8 %, chiffre que l’INSEE a également donné dans sa publication :

Ce point de méthode étant réajusté, il reste à expliquer pourquoi la France semble effectivement mieux lotie que ses grands voisins. Est-ce vraiment une performance à mettre au compte des anticipations avisées du gouvernement français comme l’affirme le ministre de l’Économie ?

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Un premier élément favorable à la France vient du poids du nucléaire dans son mix énergétique. Planification écologique aidant, il n’est question que de le réduire, mais pour l’instant, il permet d’adoucir considérablement la facture des ménages français par rapport à ce qu’il se passe dans les pays plus dépendants des énergies fossiles russes ou plus imbriqués économiquement avec la Russie et l’Ukraine sur le plan énergétique comme sur le plan alimentaire.

Mais surtout, la politique du « quoi qu’il en coûte » allègrement déployée pendant la pandémie de Covid est bien partie pour devenir monnaie courante. D’après l’INSEE, l’inflation au sens IPC atteindrait 7 % en mai sans les mesures de soutien du pouvoir d’achat mises en place depuis quelques mois. Ce qui nous amène assez vite au-delà de 7,5 % en IPCH.

Entre le bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, le chèque énergiel’indemnité inflation et la remise de 18 centimes sur le carburant à la pompe, la France est le pays de l’Union européenne qui aura le plus dépensé pour soutenir le pouvoir d’achat de ses citoyens face à l’inflation de ces derniers mois : 46 milliards d’euros au total, soit 1,9 % du PIB, contre 23 milliards en Allemagne et en Italie (respectivement 0,7 et 1,3 % du PIB) et 17 milliards en Espagne (1,4 % du PIB). Et ce n’est pas fini ; un projet de loi d’urgence pour le pouvoir d’achat(*) est en préparation.

Il serait naïf de s’imaginer que tout ceci ne se retrouvera pas à un moment ou à un autre dans la dette publique et/ou les impôts d’un pays qui, contrairement à ses grands voisins d’Europe du Nord, est déjà lourdement endetté tout en obtenant année après année la première ou la seconde place pour les prélèvements obligatoires au sein des pays de l’OCDE :

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C’est précisément le moment de se rappeler que nous sommes confrontés à une inflation d’une double nature. D’abord celle, conjoncturelle, qui a résulté de la reprise brutale de l’activité économique après les mises à l’arrêt et les confinements décrétés pour circonscrire la pandémie de Covid, inflation qui s’est atténuée pour renaître maintenant dans les conséquences économiques de la guerre russe en Ukraine.

S’il ne s’agissait que de cela, on pourrait en effet penser qu’une fois les goulots d’étranglement logistiques surmontés, une fois les échanges énergétiques et alimentaires avec la Russie et l’Ukraine compensés via d’autres sources d’approvisionnement, l’offre et la demande retrouveraient leur rythme de croisière et tout rentrerait dans l’ordre à plus ou moins brève échéance. C’est du moins ce que voulait croire la Présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde. Ou la secrétaire américaine au Trésor (équivalent de notre ministre de l’Économie) Janet Yellen.

Il se trouve que cette dernière a reconnu ces jours-ci qu’elle s’était trompée sur l’inflation. Il se murmure même qu’il y a un an, elle aurait suggéré au président américain de réduire d’un tiers son plan de relance à 1 900 milliards de dollars afin de ne pas encourager l’inflation. Elle dément, bien sûr, mais il n’empêche que Joe Biden n’a de cesse maintenant de pousser la FED (la banque centrale américaine) à faire son boulot anti-inflation, c’est-à-dire à cesser de créer de la monnaie ex nihilo par ses rachats d’actifs et à remonter ses taux d’intérêt.

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Ce que la FED a commencé à faire, tout comme la Bank of England et les banques centrales du Canada et de l’Australie. Tous ces mouvements n’attestent que d’une chose – et j’en arrive à la seconde nature, la plus destructrice, de la hausse des prix : il y a bien un lien entre politique monétaire débridée, quoi qu’il en coûte, subventions vertes ou autres à tout-va et retour de l’inflation, avec tout ce que cette dernière représente de dégradation du niveau de vie des ménages en général et des épargnants en particulier.

La BCE continue à repousser de telles mesures (il est question de voir ce qu’il en sera en juillet) de peur de bloquer le redémarrage de l’économie post-Covid par des taux trop élevés qui dissuaderaient les acteurs économiques d’investir. On peut comprendre, car nous voici hélas engagés dans un cercle totalement vicieux : l’activité économique se contracte (recul du PIB de 0,2 % en France, mini-hausse de 0,1 % en moyenne dans l’OCDE au premier trimestre 2022) et toute hausse des taux aura pour effet probable de peser encore plus sur la croissance. Et qui dit tendance à la récession dit évidemment chômage et baisse du pouvoir d’achat.

On peut comprendre, disais-je, mais seulement au sens où l’on doit tirer les conséquences de la situation actuelle, situation qui, en ce qui concerne la seconde nature de l’inflation, aurait sans doute pu être évitée avec moins d’intervention étatique de « relance » dans l’économie, moins de milliards balancés sans réflexion ni méthode à tous les guichets possibles de nos envahissantes et gaspilleuses administrations.

La France est particulièrement bien placée pour le savoir, même si elle semble n’en avoir que très faiblement conscience. Il faut dire que les discours mélenchoniens sur l’annulation de la dette publique des États détenue par la BCE, complétés par les rodomontades permanentes de Bruno Le Maire sur la façon dont le gouvernement « protège » merveilleusement les citoyens sous des flots d’argent sans contrepartie dans l’économie réelle ne sont pas de nature à apporter le moindre éclairage sensé sur le sujet. 

Une chose est certaine : le ministre de l’Économie nous avait dit que toute cette dépense publique, abusivement rebaptisée investissement, serait couverte par la croissance. Eh bien, c’est assez mal parti. Et ici, je ne parle même pas de l’augmentation de la charge de la dette. Ça promet. 


(*) Plus compliqué qu’on ne croit : comment faire un chèque alimentaire qui pousserait les gens à consommer bio…

Cet article a été publié initialement sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI

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