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Imposition des ménages à hauts revenus : le match France versus reste de l’OCDE
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Taux de taxation

En France, le taux de taxation des salaires est de 64 % pour vingt fois le salaire moyen en 2021, ce qui la place au deuxième rang de l’OCDE. Le taux de taxation des dividendes est de 51 % pour vingt fois le salaire moyen, ce qui la place au quatrième rang de l’OCDE.

François Ecalle

François Ecalle

François Ecalle est ancien rapporteur général du rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques ;  ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, Président de FIPECO et fondateur du site www.fipeco.fr sur les finances publiques.

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Atlantico : Pourquoi l'écart entre les taux de taxation des salaires et des dividendes s'accroît-il significativement avec les revenus, atteignant jusqu'à 13 points pour les revenus 20 fois supérieurs au salaire moyen en France ?

François Ecalle : Sur une grande partie de l’échelle des revenus, la taxation des dividendes résulte de l’application d’impôts à taux fixe : l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) à 25 % et le prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. Le taux de taxation global est un peu plus faible en bas de l’échelle, car les ménages peuvent choisir le barème de l’impôt sur le revenu (IR) si c’est plus favorable pour eux que le PFU, et un peu plus fort à son sommet car il faut alors ajouter la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus (CETHR).

Au total, la taxation des dividendes est assez peu progressive (un impôt est progressifs si son taux augmente avec les revenus). Celle des salaires l’est beaucoup plus à cause du barème de l’IR qui est lui-même très progressif (le taux d’imposition à l’IR va de zéro à 45 % hors CETHR). 

Quelles sont les principales implications économiques et sociales des écarts de taxation entre les salaires et les dividendes observés dans l’étude de l’OCDE, notamment en ce qui concerne la redistribution des richesses et l'incitation à l'investissement ?

Pour les entrepreneurs individuels, il y a un choix entre se faire rémunérer par des salaires ou par des dividendes. La fiscalité est un déterminant important de ce choix mais l’écart mis en évidence par l’OCDE entre les taux de taxation des salaires et dividendes doit être complété par d’autres informations. En particulier, une partie de la taxation des salaires tient à des cotisations sociales qui ouvrent droit à des prestations sociales (retraite et chômage) et il faudrait aussi en tenir compte.

S’agissant des autres salariés et actionnaires, imposer les salaires a plutôt tendance à réduire les incitations au travail et à la formation et imposer les dividendes a plutôt tendance à orienter l’épargne vers d’autres placements que les actions (obligations, immobilier…). Les ménages les plus riches ayant une part plus importante de dividendes dans leurs revenus, taxer ceux-ci contribue à la réduction des inégalités de revenus.

Quels sont les facteurs principaux expliquant pourquoi la France se classe parmi les pays avec l'un des écarts les plus importants entre les taux de taxation des salaires et des dividendes parmi les pays de l'OCDE ?

Les taux de taxation des dividendes sont relativement proches entre les pays de l’OCDE car la concurrence fiscale entre eux a conduit à une certaines convergence des taux de l’impôt sur les sociétés, d’une part, et beaucoup de pays ont adopté une imposition au niveau des actionnaires sous la forme d’un prélèvement forfaitaire à des taux eux aussi assez proche. Les réformes réalisées en France depuis 2017 (baisse du taux de l’IS et création du PFU) ont rapproché la France de ce modèle.

La concurrence fiscale entre pays est en revanche moins forte s’agissant du travail et la convergence des taux de taxation des salaires est donc plus limitée. La France a ainsi pu maintenir des taux élevés, ce qui contribue au financement de services publics et d’une protection sociale plus étendue qu’ailleurs.

Quels sont les arguments en faveur et contre l'écart de taxation entre les salaires et les dividendes tel qu'il est actuellement appliqué en France, notamment en termes d'efficacité économique et de justice fiscale ?

Une taxation identique des salaires et dividendes présente l’apparence de l’équité, mais la question est plus complexe. Comme indiqué plus haut, les prélèvements sur les salaires incluent des cotisations qui ouvrent droit à des prestations sociales, ce qui n’est pas le cas des prélèvements sur les dividendes. Certains économistes considèrent que les revenus du capital comme les dividendes font l’objet d’une « double taxation » car ils résultent de l’épargne de revenus ou d’héritages qui ont déjà été taxés. D’autres mettent en avant la forte concentration des patrimoines et la nécessité de taxer leurs revenus dans un souci d’équité. On peut aussi dire qu’il faudrait surtout taxer la part des dividendes qui correspond à des rentes liées à des situations de monopole mais il est en pratique très difficile de la distinguer.

Un élément supplémentaire contribue à la complexité du sujet : les actionnaires peuvent être rémunérés par des dividendes ou des plus-values et il faudrait donc aussi examiner les taux d’imposition des plus-values, ce que l’OCDE a l’intention de faire dans un prochain rapport.

Quelles réformes fiscales pourraient être envisagées pour aligner davantage les taux de taxation des revenus du travail et du capital, tout en tenant compte des objectifs de justice fiscale et de compétitivité internationale ?

Il n’est donc pas sûr qu’il faille aligner les taux de taxation des revenus du travail et du capital et il faut plutôt vérifier que ni l’un ni l’autre ne sont trop élevés par rapport à ceux des autres pays. Si c’est le cas et si cela ne correspond pas au financement de services publics et d’un système social efficace, la compétitivité des entreprises et l’attractivité du pays pour les travailleurs et les capitaux risquent en effet d’être fragilisées.

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