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Il n’y a pas que Zika : ces autres virus qui partent à la conquête du globe "grâce" à El Niño
©Reuters

Climat malsain

Si l'épidémie de Zika se répand de manière explosive - 3 à 4 millions d'infections sont estimées pour le continent américain l'année prochaine -, d'autres maladies infectieuses sont en train de se propager du fait du réchauffement climatique et d'El Niño, le courant chaud équatorial du Pacifique.

Atlantico : D'après le chercheur à la NASA Compton Tucker, "2015 aura été l’année la plus chaude jamais enregistrée même sans El Niño". Néanmoins, "l’impact d’El Niño que l’on a constaté sur la fin 2015 a fait augmenter sensiblement les températures globales, plus que prévu”. Quelle est l'incidence de la hausse des températures sur le virus Zika ?

Anna-Bella Failloux :La température affecte directement le moustique, qui est le vecteur du virus Zika. Cet insecte est en effet incapable de réguler sa température interne. Il est donc forcément tributaire de la tmepérature extérieure. S'il fait plus chaud, le moustique va forcément subir ce changement.

Son développement va être accéléré. A 25°C, le passage de l'œuf à l'état adulte prend en général deux semaines. A 28°C, on passe à 7 jours. De ce fait, la hausse des températures entraîne un raccourcissement du temps de maturation du moustique et, par là-même, une augmentation des densités de moustiques.

La température a aussi des incidences sur la transmission du virus. Lorsque la femelle moustique est infectée par Zika, – car seules les femelles piquent -, le virus va entrer dans le corps du moustique. Il va alors infecter tous les organes internes, notamment les glandes salivaires. Le virus va pouvoir être excrété avec la salive que la femelle du moustique va injecter lorsqu'elle va piquer. Le temps qui est nécessaire entre l'entrée du virus dans le moustique et la sortie du virus du moustique est très important puisqu'il va conditionner le succès de la transmission. Plus il va faire chaud, plus ce délai va se raccourcir. La chaleur accélère le métabolisme du moustique et va donc permettre au virus d'atteindre les glandes salivaires plus rapidement. Il y a donc une multiplication accélérée du virus. Du fait que le moustique va être infectieux plus rapidement sous l'effet de la chaleur, la transmission va être plus importante.

Quelle est l'incidence d'El Niño en France ?

Je pense qu'il n'y a pas d'incidence directe d'El Niño en France dans la mesure où la zone intertropicale est assez lointaine. En revanche, il y aura là-bas une exacerbation du fait que le moustique y est présent. El Niño va accélérer le comportement du moustique et la transmission du virus. Les risques de transmission et de contamination des gens vont être augmentés. Il va y avoir une explosion épidémique. Les gens qui voyagent dans la zone où le virus circule sont donc susceptibles d'être infectés. A leur retour chez eux, il y a alors possibilité d'une transmission locale du virus en-dehors de la zone intertropicale qui est, en fait, la cible d'El Niño.

Il n'y a pas de moustique en France en ce moment car ils meurent à l'arrivée de la saison froide. Avant de mourir, la femelle va pondre des œufs. Ceux-ci vont supporter le froid et passer l'hiver. Dès les pluies du printemps, ces œufs vont éclorent et le moustique va réapparaître. A partir du mois de mai, les conditions vont donc être compatibles avec le développement du moustique, qui sera alors capable de transmettre le virus autour de lui.

El Niño et le réchauffement climatique auraient aussi une incidence sur la transmission de maladies comme le choléra, le paludisme ou la fièvre de la vallée du Rift. Qu'en est-il exactement ?

Toutes ces maladies sont ce qu'on appelle des maladies vectorielles, c'est-à-dire qu'elles sont transmises par des insectes. Le paludisme en fait partie, ainsi que la fièvre de la vallée du Rift. Dans ces deux cas, la maladie est transmise par le moustique. On peut l'attribuer aussi au comportement du moustique lié au changement climatique.

En ce qui concerne le choléra, il est transmis par le biais d'une bactérie. Ce qui signifie qu'il n'y a pas d'autres intermédiaires. Cela va être lié à des changements de températures au niveau des eaux superficielles, aussi bien des mers que de l'eau douce. Avec une perturbation, il y a une prolifération de cette bactérie qui est à l'origine de contaminations.

A quoi peut-on s'attendre raisonnablement en France ?

On peut clairement s'attendre à avoir des maladies tropicales en France.

On retrouve du chikungunya pour la première fois en Europe en 2007, en Italie. Il s'agissait d'une personne qui arrivait d'Inde et qui était venue visiter sa famille pendant quatre heures dans un village très infesté par le moustique Aedes Albopictus. Cette personne, à elle toute seule, a généré 250 cas. Cela signifie que les maladies tropicales - qui étaient jusqu'à présent cantonnées à la zone tropicale – peuvent désormais toucher les pays tempérés.

La dengue est déjà arrivée en France. Il y a eu le premier cas en 2010. Puis en 2014 et 2015. Il s'agissait de cas autochtones, c'est-à-dire des gens qui ont contacté la maladie sans avoir quitté le territoire métropolitain. Ils se sont fait contaminer par un moustique qui s'est lui-même infecté en prenant du sang chez quelqu'un qui revenait d'un endroit où le virus circulait.

Cela signifie que ce moustique en France est capable d'assurer du chikungunya et de la dengue.

La question que l'on se pose maintenant est de savoir si ce moustique est capable d'assurer la transmission du Zika. Et on ne pourra y répondre qu'à travers des travaux en laboratoire. Le vecteur majeur de Zika est le moustique Aedes Aegypti. On le trouve dans la zone tropicale. Aedes Albopictus est un autre vecteur. On le trouve pour sa part à la fois dans la zone tropicale et dans les régions tempérées, notamment l'Europe. On sait qu'Aedes Albopictus est présent dans 20 pays européens. En France, il a été répertorié dans 18 départements.

Concrètement, en termes sanitaires, comment est envisagée cette situation en France ?

On prend cette situation avec beaucoup de sérieux. Suite à l'épidémie de Zika qu'il y a eu à la Réunion, il y a eu ensuite cette introduction en Europe. Il y a des plans anti-dissémination du moustique Aedes Albopictus qui ont été votés pour que soit exercé un contrôle systématique de ces vecteurs dans les régions où le moustique est présent de façon permanente. En France, c'est l'entente interdépartementale des centres de démoustication du Languedoc qui s'occupe de contrôler l'arrivée du moustique et s'efforce de le faire de manière exhaustive.

Vous et votre équipe de recherche avez participé à la COP21. Qu'est-ce qui a été avancé sur les éventuelles possibilités de moduler ce réchauffement climatique au regard des problématiques de santé publique actuelles ?

Aucune mesure n'a été proposée. La santé a vraiment constitué un épiphénomène lors de cette conférence. Je pensais pourtant que c'était important, que tout le schéma économique dépendait de la santé des gens. Mais ce thème n'a pas été traité à cette occasion comme une priorité. C'est un constat assez difficile.

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