Identités locales contre techno-collectivités : combien d’Alsace en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Vue aérienne de l'église Saint-Jacques-le-Majeur entourée des vignobles alsaciens par une journée d'automne à Hunawihr, Alsace. 26 octobre 2021.
Vue aérienne de l'église Saint-Jacques-le-Majeur entourée des vignobles alsaciens par une journée d'automne à Hunawihr, Alsace. 26 octobre 2021.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Identité

92,4% des votants ayant participé à la consultation sur l’avenir de l’Alsace au sein ont répondu "oui" à la sortie de la région Grand Est créée en 2014

Atlantico : 92,4% des votants ayant participé à la consultation sur l’avenir de l’Alsace au sein ont répondu "oui" à la sortie de la région Grand Est créée en 2014. Comment expliquer ce résultat ?

Laurent Chalard : Il faudrait d’abord regarder le taux de participation. Sur ce genre de consultation ne votent en général que ceux intéressés par le sujet, en l’occurrence contre. Cependant, même avec ce biais, on peut penser qu’une vraie consultation de type référendum aurait produit un résultat très majoritaire au fait que l’Alsace sorte de la région Grand Est. Pourquoi ? Parce que la région Grand Est est probablement, parmi les treize ayant émergé lors de la réforme territoriale de 2014, celle avec le moins de pertinence. C’est la fusion de trois régions : Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne qui n’ont que peu de lien les unes avec les autres, si ce n’est d’être à l’Est de Paris. Surtout, la région Alsace à une identité très forte, via son histoire, via sa langue (l’alsacien est une langue germanique) et via sa géographie, puisqu’elle est séparée des autres régions principalement par la ligne de crête des Vosges. Il n’y avait donc aucune raison appelant à la dissoudre dans un Grand Est qui n’existe que dans les yeux de quelques technocrates parisiens. 

Y-a-t-il d’autres cas régionaux/départementaux de séparation ou juxtaposition arbitraires faisant peu sens outre l’Alsace ?

Il existe d’autres problèmes au niveau de la carte régionale car elle a créé des régions très étendues. La Nouvelle Aquitaine est ainsi plus grande que la Suisse. Elles ne sont pas homogènes sur le plan historique, géographique ou même économique. C’était plus le cas dans la France à 22 régions. Cependant, le problème le plus fort concerne le Grand Est. Et il n’y a qu’en Alsace où il y a eu une mobilisation réelle au moment du découpage. Pourquoi ? Parce que ces questions n’intéressent pas le grand public mais aussi parce que souvent ce ne sont pas des régions entières mais seulement des départements qui sont considérés comme n’appartenant pas à la bonne région, à l’exception notable de la région Auvergne, dissoute dans l’Auvergne-Rhône-Alpes, mais Lyon étant bien plus dynamique, cela a été perçu comme un moindre mal. En Nouvelle-Aquitaine, on trouve la Vienne, au nord du Poitou, qui est tournée vers la vallée de Loire. Il n’y a pas de logique à ce qu’elle soit tournée vers la Gironde et Bordeaux. Pour autant, il n’y a pas eu de mobilisation. L’une des raisons est que la région Centre-Val de Loire, où on pourrait envisager un rattachement, n’est pas très attirante et perçue moins favorablement. On retrouve la même chose avec le département de l’Oise. Il avait du sens en Picardie, mais dans les Hauts-de-France beaucoup moins. L’Oise est tournée vers l’Ile-de-France, la ville de Senlis est ainsi bien plus proche de Paris que de Lille. Là encore, il n’y a pas eu de mobilisation, notamment par peur de cannibalisation par Paris. Le Gard est dans la région Occitanie, donc tournée vers Toulouse, mais le département est en partie tourné vers la Provence (Avignon, Marseille). Pour autant, le Gard est languedocien. 

A quel point l’identité locale est-elle privilégiée face aux grandes structures que sont les régions ? Quel est l’échelon d’identification favori des Français ? 

La réponse est très variable selon les territoires. Pour certains, c’est l’échelon régional, par exemple la Bretagne, y compris la Bretagne historique incluant la Loire-Atlantique. Pour d’autres c’est le département, comme les Aveyronnais qui ne se sentent guère occitans. Parfois, c’est même l’échelon infra-départemental, dans l’Ain, ce sera le pays de Gex, une ancienne baronnie en limite de Genève. Cela dépend beaucoup de l’histoire des territoires et de l’échelon administratif actuel qui répond le mieux au contexte historique. Et dans d’autre le cas, comme le Berry, à cheval entre l’Indre et le Cher, l’échelon n’a plus d’existence mais suscite encore une forte identification.

Y-aurait-il un sens à adapter les échelons locaux aux identifications subjectives historiques ? 

Tout dépend l’organisation de l’état. Si on résonne selon l’aménagement du territoire, il faut que les échelons soient les plus pertinents de ce point de vue. Cela signifie qu’ils soient organisés autour de pôles économiques, avec une certaine homogénéité. C’est une logique fonctionnelle et c’est elle qui a présidé à la mise en place des 22 régions. La deuxième logique envisageable est historique, identitaire. Là, les régions coïncident avec les provinces d’Ancien régime par exemple. L’idéal, c’est de mixer les deux logiques. Le Dauphiné (Isère, Drôme, Hautes-Alpes) est une région historique qui n’a plus de logique fonctionnelle. Il n’y aurait pas de sens d’en faire une région administrative. On a un exemple de ces débats avec le cas de la Loire-Atlantique. La région Bretagne a été pensée autour de Rennes et les Pays-de-Loire autour de Nantes, mais historiquement Nantes fait partie de la Bretagne. Et le régionalisme breton revendique le retour de Nantes en Bretagne. Historiquement ça aurait du sens, mais fonctionnellement beaucoup moins. Nantes est aujourd’hui bien plus tournée vers la Vendée et l’axe ligérien que vers la Bretagne administrative.

Ce résultat survenu en Alsace pourrait-il arriver dans d’autres régions ? Y compris des régions où l’on n'identifie pas forcément une forte identité régionale ?

A l’échelle des régions, à l’heure actuelle, pas vraiment. L’un des seuls endroits qui demande une forme d’autonomie, c’est la Savoie, mais c’est un mouvement minoritaire. C’est une question qui n’intéresse pas les populations. On pourrait évoquer le Pays basque qui aimerait un département basque. L’Etat central ne le souhaite pas. Une solution a été indirectement trouvée avec la communauté d’agglomération du Pays basque.

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