Humeur sombre mais folles envies de dance floor : la pop music n’a jamais été aussi rythmée depuis 10 ans<!-- --> | Atlantico.fr
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Lady Gaga concert
Lady Gaga concert
©Theo Wargo / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

"Last night a DJ saved my life"

Le tempo des 20 chansons les plus vendues de 2020 des artistes comme Lady Gaga, Dua Lipa ou Harry Styles est de 120 battements par minute, soit le rythme plus rapide depuis 2009. Comment expliquer ce phénomène et cette folle envie de danser après la période du confinement ?

Patrick Thevenin

Patrick Thevenin

Patrick Thevenin est journaliste freelance pour la presse écrite et la radio. Il est également concepteur, rédacteur et conférencier. Il travaille notamment pour Trax, Les Inrockuptibles, Brain.fr. 

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Dua Lipa, Harry Styles et Lady Gaga cette année. Le tempo des 20 chansons les plus vendues de 2020 est de 120 Beats (120 battements par minute) soit le plus rapide depuis 2009. Qu'est-ce qui explique ce phénomène ?

Patrick Thevenin : Il y a un énorme retour depuis quatre, cinq ans de la house music et du disco qui sont transformées et remis au goût du jour. On le voit déjà avec des gens comme Kanye West, qui sample des tubes de house music. Je pense qu’on est sorti d’une période avec un mix entre rock et danse. Je le vois un peu comme un cycle du retour des années 90. Nous sommes en plein dans un revival 90. La house new-yorkaise, dérivant du disco, était à son maximum. Il s’agit en réalité d’histoire de cycles.

Ce phénomène se vérifie un peu partout il est vrai. Ce constat peut être fait autant dans la pop que dans la musique dance underground.

C’est peut être une facilité aussi pour les DJs. Une nouvelle génération découvre ce son avec des chansons qui peuvent facilement se fredonner. Dans les années 90, on connaissait vraiment les paroles des chansons. On dansait, on pouvait chanter, je pense à un morceau comme "Gypsy Woman (She’s homeless)" de Crystal Waters. Il y avait une structure pop qui existait, qui a été déconstruite. Il y a toute une jeune génération qui n’a pas connu cela en fait et qui découvre ce phénomène. Il y a énormément de tubes des années 1990 qui sont remixés aujourd’hui. Il y a tout un circuit de remise sur le marché en version neuve, pseudo neuve des gros tubes des années 90. Ce phénomène est vraiment marquant depuis deux à trois ans.

Il y a dix ans, nous étions dans le revival 80, dans une musique plus froide, plus électronique. Là, on est dans une musique plus chaude, beaucoup plus vocale, plus chantée avec des paroles qui ne prêtent pas à conséquence (des paroles qui disent qu’il faut s’embrasser, qui disent comment on s’est rencontrés). Ce ne sont pas des paroles déprimantes.

Est-ce que cela a un rapport avec la crise économique ? C’est fort possible. Les musiques de danse sont liées au contexte économique de l’époque. C’est par exemple étonnant que Calvin Harris revienne à la house.   

Avec Dua Lipa, il y a une certaine facilité d’écoute alors qu’avec Lady Gaga la chanson semble constamment se réinventer. Justin Timberlake a fait un récent duo qui est très house et disco.

On voit que dans les clips qui arrivent aujourd’hui, il y a beaucoup de danse, de gens qui se mettent en scène en train de danser. Peut-être que le confinement a participé à ce phénomène. On  recommence à voir les rollers dans les clips qui viennent directement des disco roller des années 70.

Comment expliquer cette folle envie de danser en ce moment après cette période du confinement ?

Ce phénomène évoqué s’applique pour des musiques sur lesquelles il est facile de danser. On peut danser n’importe comment, cela colle toujours. La techno est plus difficile pour danser. Il faut rentrer dans une espèce de transe répétitive.

Avec tous ces titres qui rencontrent un franc succès dans les charts cette année, le rythme est plus lent que celui de la techno. On est dans le rythme du cœur, 120 Bpm, le côté amoureux ressort dans cette histoire de rythme. C’est le rythme de la vie. Je pense que c’est peut être pour ça qu’il est plus facile et tentant de danser sur ces titres.

En 1985, il y avait Wham et maintenant on a Billie Eilish qui est assez négative voire dépressive dans ses paroles. Pourquoi autant de négativité ? Est-ce un rapport à l'époque ? 

La voix peut jouer un rôle important également, comme avec Miley Cyrus qui a une voix assez triste quelque part, une voix assez lacrimale.

A titre de comparaison, le disco et la house music ne parlaient pourtant pas uniquement de bonheur et de joie. L’exemple de la chanson emblématique de Crystal Waters, c’est l’histoire d’une fille qui est SDF et tout le monde dansait et chantait les paroles malgré tout ("she's homeless", "elle est SDF", ndlr). Le disco peut parfois être assez violent. C’est une musique de crise économique. "Saturday night fever" est un film en réalité extrêmement sombre.

Les chanteurs de moins de trente ans actuellement sont malheureusement beaucoup dans la complainte. C’est un phénomène lié aux Millennials. Il faut toujours qu’il y a ait un peu de souffrance.

L’album de Jessie Ware a contrario est excessivement dansant, disco, très beau, très positif. La chanteuse de Moloko, Róisín Murphy, revient avec des morceaux très house music.

"La grenade" de Clara Luciani est un morceau parfaitement dansant disco et variété. Il y a aussi l’artiste Corine qui fait un énorme pastiche de la disco. Le côté triste ne semble pas être aussi puissant. Cela était plus prononcé il y a trois, quatre ans véritablement. Il y a néanmoins un retour des musiques très calmes et très lentes.

Après la Seconde Guerre mondiale on a eu envie d'écouter des chansons qui décrivaient un monde dans lequel on voulait vivre. Elles ne décriviaient pas celui où on vivait. Est-ce qu'il y a eu un changement de comportement dans les écoutes ? On écoute de la musique quand on est déprimé ou pour danser ? Quels en sont les morceaux symboliques ?    

Il y a une mode du chanteur torturé chez la jeune génération d’artistes. Ils sont caractéristiques de leur génération.

Le cas le plus emblématique de l’euro pop déprimée a été symbolisé finalement à travers le titre de Stromae, "Alors on danse".

Il s’agissait effectivement d’un morceau dansant mais assez triste. On voit par la suite ce que cela a donné pour l'évoultion de sa carrière malheureusement. Le cas de Jeanne Added peut également être évoqué.

Il y a aussi toujours des gens pour penser que la musique triste est plus intéressante que la musique pop, que la musique dansante alors que je pense que c’est plus facile d’écrire une chanson triste que d’écrire une chanson qui fait danser les gens. Le dernier Madonna est très dansant par exemple.  

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