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Hong Kong ou l’illustration que la Révolution de velours tchèque ne serait plus possible 30 ans après ?
©LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Automne chinois

Il y a trente ans, la Révolution de velours a précipité la chute du régime du Parti communiste tchécoslovaque, sans violence.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : On fête, cette semaine, le 30e anniversaire de la Révolution de Velours en Tchécoslovaquie. Or, aujourd'hui, un mouvement similaire semble prendre forme à Hong Kong. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce qui a changé entre les manifestations d'antan, et celles d'aujourd'hui ? Quelles sont leur efficacité ?

François-Bernard Huyghe : La première caractéristique de la révolution de velours a été d’être « de velours », c’est-à-dire très peu sanglante : même si les premières manifestations étudiantes (du 17 au 20 novembre) ont été dispersées par la force, le parti communiste unique a cédé vite face à des centaines de milliers de manifestants et devant une grève générale. Le système s’est littéralement auto-dissout.

Il était évident que l’Union soviétique qui avait d’autres soucis n’allait plus lancer ses chars comme elle l’avait fait en 68 au moment du printemps de Prague. Les choses ont été vite et dans un contexte où les régimes communistes s’effondraient : tout cela coïncide presque avec l’ouverture de la frontière hongroise et avec la chute du Mur. De façon plus générale, les bureaucraties de l’Est n’avaient plus la conviction ou la cohérence suffisante pour défendre férocement leur peau. Tout le monde sentait bien qu’un système global s’effondrait et chacun, conscient du sens de l’Histoire, s’enhardissait dans la lutte contre le communisme.

Les manifestations de Hong Kong semblent s’inscrire dans la durée et le mouvement se durcit. Le gouvernement de Hong Kong a cédé trop tard sur la première revendication des « pro-démocratie », le retrait de la loi permettant l’extradition vers la Chine continentale. On ne voit pas de signe d’apaisement, même si les autorités jouent l’essoufflement. Les manifestants ne cherchent pas vraiment à s’emparer du pouvoir ; au départ leurs méthodes étaient pacifiques, ludiques et ingénieuses : ils ridiculisaient la surveillance avec des équipements et des gadgets technologiques. Mais de confrontation en confrontation, se pose la question de la violence : tirs, morts, durcissement des méthodes des manifestants aussi... C’est une guerre de position où chacun attend l’usure du parti adverse, mais elle peut monter aux extrêmes.

En 1989, il existait une peur diffuse de la Stasi, mais peu de moyens techniques. Aujourd'hui, les moyens techniques sont beaucoup plus importants. Quelles sont les différences en terme de moyens de répression (à la fois de l'Etat et des manifestants) entre la Tchécoslovaquie et Hong Kong? Existe-t-il des similitudes ?

La Stasi de RDA surveillait chaque citoyen de façon à la fois systématique et archaïque (écoutes à l’ancienne et fiches papier, comme le montrent leurs archives) alors que la protestation, notamment catholique, pouvait quand même circuler mieux en Tchécoslovaquie en dépit des persécutions. Mais le résultat fut le même : les gouvernements qui contrôlaient les médias de masse, télévision et radio (et accessoirement souvent les communications privées), n’ont pu empêcher ni les réseaux humains de s’organiser (à la fac, à l’église, au travail...), ni les images de l’étranger (télévision de RFA en RDA, puis images des révoltes contagieuses dans le bloc de l’est) de pénétrer.

L’énorme différence aujourd’hui est que chacun est branché sur les réseaux sociaux ; ils sont de par leur structure même favorables à l’auto-organisation des masses et à la circulation des revendications et slogans venus d’en bas. Bien entendu, les régimes autoritaires sont au courant du danger (depuis le printemps arabe de 2011, voire avant) et développent, la Chine en particulier, des moyens de surveillance numérique considérables : télésurveillance avec reconnaissance faciale, fichage, interceptions, désinformation, interruption de communications, etc.

Tandis, qu’en retour, les protestataires deviennent de plus en plus ingénieux pour utiliser la cryptologie, dissimuler leur identité numérique ou physique, rester connectés même en cas d’interruption d’Internet, se rassembler très vite en étant repérés au dernier moment, etc. C’est l’éternelle lutte de l’épée et du bouclier : armes offensives et défensives se perfectionnent.

La Tchécoslovaquie faisait partie d'un système économique soviétique à bout de souffle alors que la Chine est au plus haut de sa forme économiquement. Quelles sont les chances des manifestants au regard de ces deux réalités là ?

D’un côté on voit mal ce que le gouvernement hongkongais pourrait négocier qui apaise les revendications des foules (sanctionner les excès de la répression, accorder des concession en termes de démocratie et de souveraineté ?) et qui n’irrite pas son suzerain. De l’autre, il plane toujours le spectre d’une intervention de Pékin : on imagine mal Xi Jinping laisser filer Hong Kong vers l’indépendance. Hong Kong régi par la règle du « un pays, deux systèmes » est à la fois une fenêtre économique indispensable pour la Chine continentale, un symbole de l’unité séculaire de la Chine et un outil géopolitique de puissance. Le rapport de forces n’a aucun rapport avec 1989.

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