Hollande, apôtre de la paix israélo-palestinienne : un coup d’épée dans l’eau vu de chez les intéressés<!-- --> | Atlantico.fr
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les positions de départ de Netanyahou et de Abbas pour les négociations sont très opposées. A long terme, nous pouvons envisager une solution car une majorité, même relative, de la population locale est favorable à une solution à deux Etats.
les positions de départ de Netanyahou et de Abbas pour les négociations sont très opposées. A long terme, nous pouvons envisager une solution car une majorité, même relative, de la population locale est favorable à une solution à deux Etats.
©ABBAS MOMANI / AFP

Oslo, Camp David, Paris ?

Après de nombreuses tentatives de rapprochement, François Hollande a organisé une rencontre à Paris avec Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas. Alors que la population et les médias israéliens refusent qu'une autorité internationale joue un rôle dans le règlement du conflit au Proche-Orient, ces pourparlers risquent de s'avérer inutiles.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : François Hollande a invité cette semaine Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas à des pourparlers à Paris. Comment les médias et la population israélienne perçoivent-ils ces tentatives de médiation internationale ?

Frédéric Encel : En ce qui concerne les médias, il y a d’un côté Haaretz, journal de gauche qui appelle à une médiation internationale et veut même des pressions sur le gouvernement de Netanyahou et de l'autre le reste de l’opinion israélienne. Ce journal ne représente qu’un petit courant de pensée qui reprend le programme du parti travailliste. La majorité de la population et des médias israéliens soit sont indifférents à ces tentatives soit y sont globalement hostiles. Une partie de l’opinion, qui est très nationaliste ou nationaliste-religieuse perçoit ces tentatives comme une forme de pression internationale. Une autre partie de l’opinion, même de gauche, estime qu’il existe des problèmes plus urgents.

Si le centre de gravité de la politique de Netanyahou se déplaçait au centre ou au centre-gauche, alors la coalition gouvernementale pourrait se rapprocher d’un certain nombre de points de vue occidentaux. Ce n'est qu'après que la population serait consultée, soit par voie de sondage soit par de nouvelles élections. Mais pour l’instant ce n’est pas le cas, le gouvernement actuel est affirmé dans ses positions nationalistes.

Comment le gouvernement israélien réagit-il à ces propositions de sommet ? Ressent-il une forme d’exaspération envers les autorités occidentales qui se mêlent de sa politique intérieure ?

L’actuel gouvernement israélien, bien qu’il soit d’une tendance plutôt nationaliste, ne s'exaspère pas nécessairement de ces rencontres. Aujourd’hui, les Occidentaux mais aussi les Russes et les Chinois se préoccupent davantage des soubresauts catastrophiques du printemps arabe que du conflit israélo-palestinien, qui depuis quelques années est de très basse intensité. Cependant, le gouvernement Netanyahou entretient une position qui n’est pas multilatérale : l’autorité israélienne préconise des négociations directes et bilatérales entre elle-même et les Palestiniens. A Jérusalem, on a tendance à émettre une fin de non recevoir envers ce type d’engagement. Par ailleurs, tant qu’il y a une volonté de rapprocher les deux protagonistes, cela reste positif, à condition de ne pas exercer des pressions indues sur l’un ou l’autre.

La position de Manuel Valls pendant trois ans était à la fois équilibrée et respectueuse des protagonistes, en dépit de la résolution de l’UNESCO particulièrement critiquée. La France ces dernières années s'illustre par des positions soucieuses de “rentabiliser ses interventions politiques et militaires dans la région”.

Les Israéliens en auraient assez de ces médiations si des pressions étaient exercées sur leur gouvernement. Or, la politique française ces dernières années n’a pas au pour volonté de faire pression sur l’Etat hébreu. Il n’y a ni coercitions, ni menaces politiques, économiques ou diplomatiques en cas d’échec de la médiation. Les dernières pressions datent de 2002, et ne sont aujourd’hui plus d’actualité.

L’organisation de cette rencontre par François Hollande en fin de mandat a-t-elle un but symbolique ? Quel est le bilan concret de la médiation française au Proche-Orient ?

L’influence symbolique potentiellement voulue par François Hollande n’aboutira pas. Les conditions géopolitiques globales ne sont pas réunies pour qu’on aboutisse à court terme à la remise sur les rails d’un vrai processus de paix israélo-palestinien. Il faut au moins attendre la mise en place de la nouvelle administration américaine, vers février-mars pour que réellement on puisse entrevoir de nouvelles possibilitées.

Ce n’est pas la première fois sous la mandature de François Hollande que l’Elysée tente une médiation au Proche-Orient. Depuis le début de son quinquennat le président est allé sur place et a développé différentes initiatives pour la paix. Manuel Valls aussi avait fait une visite en Israël et dans les territoires palestiniens, qui avait été perçue comme une réussite. Même avant François Hollande, il y a toujours eu une volonté de la France d’intercéder.

Il n’y a cependant pas de résultats concrets aux tentatives de médiation française dans le dossier israélo-palestinien. Par ailleurs, pourquoi la France réussirait là où les Etats-Unis échouent ? Depuis les accords de 1997, il n’y a que des échecs (Annapolis en 2007, John Kerry en 2013) : même la plus grande puissance n’y parvient pas, alors comment la France pourrait-elle y arriver ?

Y-a-t-il le moindre espoir de rapprochement grâce à une rencontre de la sorte ?

Pour l’instant, cette rencontre organisée n’a aucun espoir d’aboutissement, au moins à court terme. L’administration américaine n’étant pas en place, la France n’étant pas suivie par les autres pays européens, l’Union européenne n’ayant pas un positionnement global concernant le conflit israélo-palestinien, cette rencontre ne présente aucune possibilité de réussite.

Par ailleurs, les positions de départ de Netanyahou et de Abbas pour les négociations sont très opposées.

A long terme, nous pouvons envisager une solution car une majorité, même relative, de la population locale est favorable à une solution à deux Etats. 

Propos recueillis par Chloé Chouraqui

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